Pour changer des couverts en argent - un peu de sauvage moderne
Très intéressant ! et beau ! et - disons-le franchement - très certainement amusant comme expérience à table ou à la maison, devant un meuble Ikea à monter, ou des petits travaux à faire. Les deux designers israéliens Ami Drach et Dov Ganchrow, qui avaient déjà étonné avec une très belle collection de lampes totémiques faites à partir de phares de voiture (Parkenlicht), ont eu l'idée d'un saut direct du post-modernisme au pré-historisme en adaptant des outils de l'âge de pierre au monde d'aujourd'hui : c'est le BC/AD Project (ou Projet avant Jésus Christ).
Le processus était simple: partir de pièces existantes, réapprendre à tailler la pierre, modéliser le résultat en 3D, et construire autour de chacun de ces outils, uniques par définition, une enveloppe qui permette une prise en main optimale. Simple latex jaune coulé sur la pierre ici (pour un résultat que je trouve esthétiquement parfait), poignée design là, ou encore électrolyse argentée, ce qui donne les plus étonnants couverts en argent que vous puissiez acheter. Tout le monde n'aime pas. Les puristes du modernisme se demandent pourquoi on perd son temps à utiliser des technologies futuristes pour rhabiller de vieilles créations de l'homme que le temps et le progrès ont condamnées. Objection retenue, ainsi que leur manque d'humour, leur décidément peu de goût pour la recherche paradoxale, ou l'envie toute simple d'une émotion brute.
Nous, nous aimons ces objets qu'on n'a pas vus sur une table, ou eu le plaisir de tenir en main, depuis longtemps - c'est le cas de le dire. Et par ailleurs, il est légitime que des designers d'aujourd'hui s'interrogent sur ce que furent les premiers outils de l'homme (rappelons qu'on en a trouvé, dans certains endroits, une telle quantité qu'on est sûr qu'on les y fabriquait en masse, selon des techniques apprises et transmises, la base de l'artisanat humain est là), ne serait-ce que pour tenter de se rapprocher émotionnellement de ce qui fait que l'homme est un constructeur d'objets (homo faber, comme l'ont défini Hannah Arendt et Max Scheler), cette chose qui le définit bien mieux que le nom d'homo sapiens, car l'homme, sage, il ne l'est pas.
Unik