"Moises" : la recherche du père perdu de Mariela Sancari

Tout a commencé avec une annonce passée dans un journal à Buenos Aires. Mariela Sancari avait posté une photo de son père, et cherchait des septuagénaires - l'âge qu'il aurait eu s'il était encore en vie - qui pensaient lui ressembler, et acceptaient d'être photographiés par elle.

"La photographie est notre exorcisme "
Jean Baudrillard, La transparence du mal


La thanatologie affirme que ne pas voir le corps mort de nos bien-aimés nous empêche d'accepter leur mort. Contempler le corps du défunt nous aide à surmonter l'une des étapes les plus complexes du chagrin : le déni.

Ma sœur jumelle et moi n'avons pas pas été autorisées à voir le corps de notre père. Je ne savais pas si c'était parce qu'il avait commis un suicide, en raison de croyances religieuses juives, ou les deux.

Ne pas avoir vu son corps nous a fait douter de sa mort de nombreuses façons. Nous avions le sentiment que tout cela était un cauchemar, un mauvais rêve, et nous entretenions toutes deux  la fantaisie que nous allions, un beau jour,  tomber sur lui au coin de la rue, ou le trouver assis à la terrasse d'un café.


J'ai lu une fois que la tâche principale de la fiction était de favoriser l'évolution, en nous forçant à reconnaître et devenir l'altérité autour de nous. Je pense que la fiction peut nous aider à dépeindre le réservoir sans fin de l'inconscient, nous permettant de représenter nos désirs et fantasmes.

"Moisés" est une typologie de portraits d'hommes de soixante-dix ans, l'âge que mon père aurait aujourd'hui s'il était vivant."

Mariela Sancari

 

Tout a commencé avec une annonce passée dans un journal à Buenos Aires. Mariela Sancari avait posté une photo de son père, et cherchait des septuagénaires - l'âge qu'il aurait eu s'il était encore en vie - qui pensaient lui ressembler, et acceptaient d'être photographiés par elle.

Elle leur a demandé de porter un chandail de son père. Dans quelques photos, elle a posé avec eux, en vol stationnaire, fantomatique, dans les profondeurs de la trame. Et dans une image, elle a demandé à un de ces hommes de lui brosser les cheveux.

En photographiant ces hommes, dont aucun ne les connaissait, ni elle ni son père, elle a donné vie à Moisés une fois de plus. Et ces hommes en prirent conscience pendant la séance de pose. Autant qu'elle. Comme elle.

Des êtres humains liés les uns aux autres. S'aidant comme ils peuvent. Déjà, leur seule présence, acceptation de faire partie d'une histoire qui n'était pas la leur, qui était celle d'étrangers, explique le trouble que soulève ce livre de photos singulier, et le succès qu'il a.

"Moisés" par Mariela Sancari, Éditions La Fabrica

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