Ernst Haas, haut en couleur
Maître à flasher des photographes amateurs des années 70 qui révéraient ses approches, l'histoire n'a retenu que son travail de pionnier de la couleur. Mais Ernst Haas, à la fois homme de Magnum et de la télé, avait plusieurs cordes à son boîtier.
Célébré comme un des maîtres de la photographie du vingtième siècle, Ernst Haas (1921–1986) est surtout reconnu comme l’un des pionniers de la couleur. Né à Vienne en 1921 ; après des études littéraires, il se tourne vers la médecine en 1940. En 1942, il change de cap, les cours de peinture et de graphisme à la Graphischen Lehr und Versuchsanstalt de Vienne l'ayant convaincu. En 1945, il découvre la photographie et se consacre immédiatement à la Vienne de l'après-guerre, ses habitants et son architecture. Travaillant pour la Croix-Rouge américaine, il rencontre alors le directeur de l'hebdomadaire suisse Du, grand magazine photographique des années d'après guerre. En 1947, son reportage sur le retour des prisonniers de guerre, le fera immédiatement reconnaître comme l'un des premiers photo-journalistes de sa génération et attirera l’attention de Life. Mais il laissera la proposition sans suite, préférant rester indépendant. Ce ne sera qu'en 1949, qu'il rejoindra Magnum à l’invitation de son ami Robert Capa, avant d'y côtoyer Henri Cartier-Bresson et Werner Bishof.
C'est en s'installant à New York en 1951 qu'il découvre et adopte le film couleur Kodachrome, jusqu’à devenir le premier photographe couleur des années 50. En 1953, Life publiera même son reportage de vingt-quatre pages sur New York. Le plus grand reportage couleur jamais publié par le magazine. En 1962, juste avant de prendre sa retraite, Steichen lui consacrera la première exposition de photographie couleur au MoMA. Il a reçu le prix Hasselblad l'année de son décès en 1986. Infatigable globe-trotter, il voyagea dans le monde entier durant toute sa carrière, travaillant pour Life, Vogue, Look, Stern, Geoou Esquire. Il a publié plusieurs livres : The Creation (1971), In America (1975), In Germany (1976) ou Himalayan Pilgrimage (1978).
Lâcher le noir et blanc quand on est un des photographes qui compte dans le monde nécessite des nerfs solides et une certaine volonté de liberté, quand cela ne présente aucun intérêt pour ses pairs qui l'envisagent à peine comme un gadget par rapport au noir et blanc. Haas n'envisageait pas d'autre but à la photo que d'être une langue universelle. Ses noir et blanc sont tout aussi remarquable que ce qui a suivi, même s'ils ont été éclipsés par ses recherches sur la couleur. Son travail a connu un immense succès durant les années 60 et 70. A tel point qu'aujourd'hui, on le trouve facile, commercial et un peu mièvre, quitte à lui préférer Eggleston, Shore ou Meyerowitz, tous postérieurs à ses premiers balbutiements couleurs … Mais, c'est passer à côté de son travail personnel qui révèle un aspect de sa sensibilité entièrement différent : beaucoup plus nerveux, libre et ambigu, beaucoup plus radical. Du vivant du photographe, ces travaux -là n’ont pas été publiés ni exposés, à une ou deux exceptions près. Il est possible que Haas ait pensé qu’on ne les comprendrait ni ne les apprécierait.