Ascension et chaos de Gareth Pugh

Gareth Pugh a toujours vu les présentations de ses collections comme des oeuvres. Jusqu'à abolir le défilé. A la place, le choix de lieux magiques, la projection (au plafond, sur tous les murs) d'un film commandité pour l'événement. Pour nous, de l'art.

 

Gareth Pugh. Punk. Styliste. 

Les bourgeoises s'étant habillées en total look bondage Hermès et Vuitton en 2011, - ce qui n'est pas arrivé pour de vrai : la pusillanimité de leurs clientes pesant sur ces deux grands stylistes que sont Marc Jacobs et Christophe Lemaire (tout cela n'était qu'un show! un jeu! un numéro du Crazy Horse ! Un défilé ! Un mirage ! Une image !), on comprend que le champ d'action de Gareth Pugh, à l'origine le plus Punk (et d'ailleurs le seul) des stylistes, ait dû se déplacer.

Puisqu'on ne peut plus choquer le bourgeois, qui rigole de tout, devenu plus nihiliste que le dernier des anarchistes, il faut passer à autre chose. Ses robes en sequins dorés aveuglants ont un temps surjoué le glamour. Mais c'est dans le religieux tendance monacal mystique que Gareth Pugh s'accomplit. Ses congrégations d'individus en noir font penser aux dames du Bene Gesserit de "Dune". Et ce n'est pas mal. Il y a évidemment un risque de passer pour une boule disco, dans le premier cas. Et de passer pour un figurant de "Matrix", dans le second. Mais ce sont les risques du métier d'être différent. 

Et différent, Gareth Pugh le cultive. De préférence aux défilés, il a souvent recours à des projections (grandioses, par exemple au plafond d'un palais italien) ou des chorégraphies enchantées pour exprimer son univers. Ce sont des oeuvres de commande. Mais est-ce du cinéma? Est-ce de la danse ? Quand vous verrez les films, leur sophistication, l'importance de la musique, l'évidence qu'ils sont chorégraphiés, tout cela autour de vêtements, d'une idée de la sexualité, de la séduction, du corps, vous ne pourrez que vous demander s'il ne s'agit pas des Ziegfield Folies (légendaires spectacles de Broadway dans lesquels les girls portaient des créations d'Erté) des temps hyper-modernes, où les Punks reviendront en Marlen Dietrich, Mirna Loy, Louise Brooks, toujours destroy mais plus sophistiqués, et deviendront les anges noirs de la crise. L'an dernier, le thème, c'était Ascension et Chaos.