Retour estival de Ghettotech avec HiTech pour danser fûté

HiTech, groupe de Detroit, est une collaboration regroupant les rappeurs-producteurs-DJs King Milo, Milf Melly et 47Chops. HiTech apporte une touche moderne au son électrisant du ghettotech de Detroit, avec une bonne dose de Hennessy et une techno qui fait bouger. Si vous les avez raté ce printemps à Nuits Sonores, vous pourrez vous rattraper au festival Cabaret Vert (Charleville-Mézières le 17 août) et au Pitchfork Festival (Paris le 9 novembre) ainsi qu’à  Positive Education (Saint-Etienne le 15 novembre).

Comme beaucoup de genres de Détroit, le ghettotech sonne comme s'il avait été brassé dans les coins moites du paysage industriel de Motor City. Fusion d'électro, de techno, de ghetto house de Chicago et de Miami bass, la ghettotech a servi de terrain de jeu à certains des producteurs électroniques les plus expérimentaux de la métropole depuis sa création à la fin des années 80, notamment à des artistes légendaires comme DJ Assault, DJ Godfather et Jeff Mills. En 2022 et 2023, HiTech reprenait le flambeau de ghettotech, enflammant le mouvement avec son propre type de carburant; toujours à haut indice d’octane.

Composé des rappeurs-producteurs King Milo, Milf Melly et 47Chops, HiTech reprend tous les éléments classiques de la ghettotech - électro rapide, voix distordues, sexualité brute - et les imprègne d'une touche moderne, distillée en grandissant en explorant les profondeurs de SoundCloud plutôt qu'en écoutant les stations de radio underground. Détwat, leur deuxième album complet, utilise des 808 non-stop et un sac de samples fraîchement creusés dans des caisses pour lancer la soirée la plus violente et la plus crispée depuis l'apogée de la techno de Détroit. Là où le premier HiTech’ hésitait un peu entre hip hop et techno, le second y va à donf.

Dès les premières secondes, HiTech plante impeccablement le décor : Avec son collègue Fullbodydurag, du label FXHE Records d'Omar S, "Nu Munni" lance un rythme de quatre à quatre qui vous monte à la gorge comme une crise de panique. Plus que tout autre morceau de l'album, "Nu Munni" s'appuie sur les influences techno de Detroit qui se retrouvent dans le ghettotech, HiTech donnant un sentiment d'urgence qui se retrouve tout au long de Détwat. Alors qu'une ligne de basse épaisse émerge, des respirations profondes ponctuent la production, fonctionnant comme des coups de poing percussifs. Il y a même un soupçon de ballroom ici, lorsque le rythme tombe soudainement et que Fullbodydurag lance la ligne "Don't start with me/Bitch I'll finish it". Les basses sonnent comme si elles sortaient d'un caisson de basse situé à l'arrière d'une Honda suralimentée ; on peut pratiquement entendre les vis s'entrechoquer. Plus qu'un simple hommage au genre qui les a vu naître, HiTech, avec "Nu Munni", le projette dans l'avenir.

Jusqu'à présent, HiTech était surtout connu pour son single "Cashapp" (2022), qui misait davantage sur le rap de Milf Melly que sur sa production techno. Si les accents hip-hop de Détwat sont indéniables, il s'agit d'une évolution cohérente par rapport au premier album éponyme de 2022, dans lequel les éléments rap et électroniques semblaient plus disparates. "Birthday Pearls" est une rafale de mesures hypnotiques ; ses voix décalées donnent aux lignes telles que "It's my birthday/Suck a nigga dick or something" et "Pop that pussy, shake that ass/Stretch it like a yoga class" un sens de surréalisme espiègle.

Le titre phare "Zooted", avec des voix encore plus bouclées et déformées, cette fois par un autre collaborateur underground de Détroit (DJKillaSquid), résume l'essence de la ghettotech plus que tout autre morceau de Détwat. Son accroche - "I've been zooted/Bounce that ass" - est comme un cousin spirituel de l'un des hymnes les plus durables de la ghettotech, le chef-d'œuvre de DJ Assault "Ass-N-Titties", sorti en 2002. Il contient la même libération joyeuse de l'inhibition qui définit une grande partie de la musique des clubs noirs. Les pistes de danse et les boîtes de nuit de ce mouvement sont avant tout un endroit où l'on s'amuse, et cet esprit est au premier plan sur "Teetees Dispo", une histoire d'amour et de luxure racontée à une vitesse folle. "Si ta tante est dans cette salope, elle va se mettre par terre", rappe notre narrateur, tandis que le TeeTee titulaire se met à descendre. Un deuxième clubiste s'approche à la fin de la chanson, délivrant la punchline finale : "Putain, c'est qui cette maman?/Nigga je crois que j'aime bien ta maman !"

"Teetees Dispo" condense tout ce qui rend HiTech unique dans le paysage du hip-hop américain contemporain - les hooks délirants et accrocheurs, l'humour décomplexé, la production détaillée et la passion pour leur scène locale. Le Ghettotech n'a jamais été démodé dans sa ville natale, et avec Détwat, HiTech lui donne de nouvelles formes bizarres. C'est une musique maniaque appropriée qui non seulement défie toute catégorisation, mais le fait avec un blunt dans une main et une tasse de Henny dans l'autre, remettant le booty bounce dans la techno. En mettant les sous-titres appropriés : un Fuck Trump majeur ! Dansons avec l’été.

Jean-Pierre Simard le 10/07/2024
HiTech - Hitech’ & Détwat -
Loma Vista Recordings -> sorties le 12/07 en CD et en vinyle en édition limitée le 9/08. DE plus,  l'inédit « Gasoline », et les remixes « I Swear It's A Bop (John FM Remix) », « MONEY PHONE (GT Remix) » sortent regroupés le 26/07 dans la foulée des deux albums. C’est dit !