Catalogne : le droit de décider
Alors qu'en France, on attend toujours la “convergence” qui ne veut pas venir, malgré un an de combat des gilets jaunes, nous ne semblons pas capables de "faire peuple", ce mouvement de précipitation des volontés vers un grand but commun qui ressuscite l'idée de société, il se passe en Catalogne des événements d'une immense portée qui doivent nous donner le courage d'avancer nous aussi. Il va de soi que L'Autre Quotidien est du côté de ceux qui veulent, par des moyens pacifiques, aussi indiscutables que des élections, décider librement de leur destin. Il va de soi... il devrait aller de soi, non ?
Et pourtant, les grands partis nationaux qui nous dirigent depuis toujours, ensemble ou successivement, socialistes et de droite, sont vent debout contre les peuples dès qu'il est question d'indépendance. De manière assez pathétique, les voilà unis contre la possibilité d'un choix démocratique, se donnant la main pour venir avertir des terribles conséquences qui les attendent les peuples qui dévieraient de la voie tracée pour eux. L'Union Européenne se révèle là comme le gardien arrogant du système, en se permettant d'intervenir directement dans les affaires intérieures d'un pays pour menacer de cataclysme (faillite immédiate, exclusion de l'UE, de l'euro etc) les peuples qui feraient le "mauvais choix", et peser sur le vote de tout son poids. En Catalogne, socialistes et conservateurs sont d'accord pour prétendre interdire tout vote pour l'indépendance en le déclarant d'avance anticonstitutionnel. Ce serait à l'Espagne entière de décider du sort de la Catalogne. En aucun cas aux Catalans eux-mêmes. Par la succession de défaites de leur histoire, l'indépendance leur est pour toujours interdite, leur dépendance maintenant inscrite dans le marbre. "Rêvez toujours, cela ne sera jamais. C'est écrit dans les traités." Voilà tout ce qu'on a à leur dire. C'est aussi simple que cela.
Depuis Madrid, au nom de la Constitution, on peut se permettre de parler d'envoyer l'armée à Barcelone, sans qu'on s'alarme plus que cela en Europe de cette menace d'une nouvelle guerre civile en Espagne. On peut dire qu'on en est encore loin. Que ce n'étaient que mots en l'air. Mais si les mots ont un sens, et ceux-ci en ont un très lourd en Espagne, ceux-là sont inacceptables.
Tout ceci étant dit, nous ne sommes pas, nous, des partisans du nationalisme. Nous savons que les drapeaux servent beaucoup à cacher la poussière. Que les querelles d'identité divisent le peuple et aident les ambitieux à gouverner. Mais nous sommes d'accord avec cette position de principe : reconnaître à un peuple le droit de décider de son destin, c'est redonner l'envie de la démocratie. Retrouver son sens. Voici en tout cas ce dont nous sommes sûrs.
Christian Perrot
le 18 octobre 2019