Arrestation de réfugiés italiens en France : le « terrorisme » n'a rien à voir avec ça, c'est une vendetta d'État
Sept réfugiés politiques, militants de l'extrême gauche italienne dans les années 1970, ont été arrêtés en France, prêts à être extradés à Rome. La persécution contre les « années de plomb » continue de tourmenter notre époque.
Enzo Calvitti, Giovanni Alimonti, Roberta Cappelli, Marina Petrella, Sergio Tornaghi, Giorgio Pietrostefani et Narciso Manenti. Ce sont les noms des sept militants d'extrême gauche arrêtés hier matin en France à la demande de l'Italie. Les cinq premiers étaient membres des Brigades Rouges, Pietrostefani de Lotta Continua (malade depuis un certain temps, condamné de manière controversée comme l'instigateur du meurtre en 1972 du commissaire Calabresi [ responsable de la mort en décembre 1969, de l’anarchiste Giuseppe Pinelli, NdT]) et Manenti des Noyaux armés pour le contre-pouvoir territorial. Trois autres, Luigi Bergamin, Maurizio Di Marzio et Raffaele Ventura, ont échappé à l'arrestation et sont toujours introuvables – en fuite, dans le froid jargon des préfectures de police adopté sans discernement par les médias.[Ventura e Bergamin se sont entretemps présentés à la justice, NdT]
Dans leurs arrestations et dans les déclarations des principaux partis, on ne peut lire qu'une chose : la volonté de vendetta de l'État italien en complicité avec l'État français, qui sur ce point, malgré les déclarations de complaisance du président Macron, a opéré un brusque revirement.
Le même État italien qui, un an après la fin de la dictature mussolinienne, a décrété l'amnistie pour presque tous les fascistes et a jugé des centaines de partisans ; le même État des services déviés qui a posé des bombes sur les places, dans les trains et dans les gares ; qui n'a jamais montré d'intérêt pour la reconstruction de la généalogie et de la composition du terrorisme néofasciste ; qui n'a jamais voulu assumer les années 70 pour ne pas reconnaître la nature politique de cette insurrection, qui était également armée. Et enfin, ce même État qui, dans sa lutte contre l'extrême gauche, armée ou non, a déployé dans les années 1970 et 1980 des instruments tels que la torture (il existe des dizaines de témoignages), les exécutions ciblées et des théories comme celle du 7 avril [grande rafle de 1979 contre l’Autonomie ouvrière organisée, NdT]. Aucun ou presque des appareils d'État impliqués dans ces stratégies ne s'est expliqué ou excusé.
Les arrestations d'hier matin ne servent pas à clore les comptes avec la lutte armée, qui est terminée depuis des années, tout comme la saison de conflit dans laquelle cette hypothèse politique a mûri est terminée.
Cette hypothèse de direction armée du mouvement, pour les soussignés, s'est avérée être un échec complet et a, de toute façon, été archivée également par l'écrasante majorité de ceux qui ont pris les armes. Un choix qui a contribué à contraindre l'insurrection révolutionnaire, de masse, socialement enracinée, dans le carcan entre répression et clandestinité. Le jugement politique est clair, mais un phénomène historique de telle ampleur, impliquant des dizaines de milliers de personnes, ne peut en aucun cas être réduit à une question pénale. Il était clair que quelque chose avait changé, même avec l'absurde affaire Cesare Battisti, la parade médiatique après son arrestation, l'écume à la bouche de nos justicialistes.
Les arrestations de Paris frappent des personnes différentes de celles qui ont commis les faits et arrivent dans un monde complètement transformé. Elles proposent comme seule solution la mort en prison de ceux qui, depuis des années déjà, ne représentent un danger pour personne. A quoi servent-elles alors
Personne ne discute de la douleur des parents des victimes, interrogés sans pitié et sans pudeur en ces heures, ce qui est en discussion, c’est le rôle de l'État italien. Le paradigme victimaire, désormais consolidé, ne peut être la seule réponse d'un État de droit qui tente de faire face à son passé. L'acharnement de l'État montre en effet le caractère exclusivement politique de cette longue persécution. Il n'a aucune pitié pour les parents des victimes, il ne s'intéresse pas aux raisons de sécurité présumées, mais seulement au désir de fermer les comptes avec toute une saison politique, qui n'est pas seulement celle de la lutte armée, mais concerne tous ceux qui, dès la fin des années soixante, se sont soulevés avec la conviction qu'ils pouvaient atteindre le communisme.
Les personnes arrêtées, accueillies en France depuis quarante ans sur une décision de Mitterrand, sont devenues au fil du temps les otages des présidents Sarkozy et Macron chaque fois que ceux-ci se sont trouvés en difficulté avec la droite conservatrice et fasciste locale et dans l'imminence de scrutins décisifs, en l'occurrence en pleine campagne contre le terrorisme djihadiste et contre un islamo-gauchisme fantomatique, qui n'ont évidemment rien à voir avec l'époque et la personnalité des actuels extradables.
Les otages sont offerts au gouvernement italien ou comme spectacle de cirque ( « Fofò » Bonafede [Alfonso Bonafede, ministre de la Justice 2018-2021, disc-jockey dans sa jeunesse, NdT] et le Capitaine [surnom de Salvini, alors ministre de l’Intérieur, NdT] en tenue de matons sur la piste de l’aéroport de Ciampino, pour Battisti) ou, plus décemment, à Macron et Draghi au nom de l'Europe et pour compenser les échecs de la campagne de vaccination. Une nouvelle Europe qui doit être fondée, semble-t-il, sur l'emprisonnement de sexa-septuagénaires qui font quelque chose de complètement différent depuis des décennies et pour lesquelles nous avons du mal à voir une fonction rééducative d'une éventuelle peine.
Il n'est cependant pas certain que l'opération, qui doit passer par une justice française pas vraiment amicale envers Macron, se déroule aussi bien que le prédit et l'encourage notre presse. Quoi qu'il en soit, le problème demeure et nous ramène à la nécessité d'une amnistie pour clore ce qui est politiquement et militairement terminé depuis des décennies.
En attendant, nous espérons que tou·tes les autres encore en liberté (mais quel genre de liberté est-ce, exilés qu’ils sont de leur propre maison ?) pourront courir vite, se cacher bien, ou simplement être laissés en paix.
DINAMOpress
Traduit par Fausto Giudice
Merci à Tlaxcala
Source: DinamoPress Italie