Inde : le soulèvement paysan invente de nouvelles formes de vie en commun

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Avec la saison des récoltes, pour associer travail et politique, le soulèvement paysan invente de nouvelles formes de vie en commun qui ressemble à ce qu’ont fait les soviets en leur temps.

Le mois d'avril ouvre la saison des récoltes, ce qui nécessite beaucoup de main d’œuvre, or une bonne partie des paysans en lutte se trouve aux campements des portes de Delhi. Que faire ? Comment mener de pair travailler et protester ? Et cela d'autant plus qu'une bonne partie des tracteurs et leurs chariots se trouvent aux portes de la capitale ? En s'organisant collectivement et démocratiquement.

Pour prendre l'exemple du Pendjab et la récolte du blé (soit environ 17 à 18 millions de tonnes de blé), les moissonneuses-batteuses et les tracteurs seront mis en commun.

Dans chaque quartier de village, chaque village et chaque département, des réunions ont eu lieu sur la manière dont toute cela sera organisé et coordonné ; tout le monde s'est prononcé en faveur d'une telle mise en commun. Ainsi un système démocratique à trois niveaux (quartier, village, département) a été créé pour couvrir toutes les familles afin que personne ne subisse de perte et puisse mener de front, travail et politique.

Ainsi les paysans partent pour les frontières de Delhi par lots en fonction du moment de la récolte. Un lot part d'un quartier, un lot d'un autre quartier arrive. Un autre lot achemine les récoltes au Mandi (marché d'Etat).

Et ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que ces différents lots, sont composés bien sûr de paysans, mais aussi d'ouvriers agricoles mais encore d'ouvriers, d'employés, d'étudiants, d'enseignants, tous les soutiens qui le veulent. Ainsi, les paysans et leurs soutiens, vont et viennent des villages à Delhi et réciproquement sur la base d'une organisation démocratique et solidaire remarquable, améliorant la solidarité humaine et accélérant ainsi de fait le processus de récolte.

Le gouvernement a attendu la saison de récolte du blé pour faire croire que le mouvement était mort en combinant cette politique avec une attitude de la presse qui tout à la fois fait disparaître les soulèvement paysan de ses articles et en même temps, lorsqu'elle en parle, tente de faire croire que la participation diminue, que c'est la fin.

Le soulèvement paysan l'a anticipé et c'est pourquoi la tentative de division de Modi s'est transformée en son contraire : un renforcement des structures d'organisations économiques paysannes élargies à d'autres catégories professionnelles, qui ainsi combinées aux structures de décisions politiques démocratiques des panchayats déjà existantes dans le soulèvement paysan depuis février 2021, renforce globalement le pouvoir du soulèvement paysan sur un mode de plus en plus collectif.

Il faut associer cette organisation du travail au Pendjab avec la création il y a quelques jours à l'initiative du SKM (Front Uni Paysan) d'une coordination paysans-ouvriers-étudiants-enseignants qui va se substituer peu à peu à la coordination paysanne pour élargir son combat à toutes les catégories populaires, à toutes les revendications, dont la première décision a été d'envoyer ouvriers, employés, étudiants, enseignants aux campements de Delhi pour remplacer les paysans qui doivent rentrer pour les récoltes et qui tiendra son premier meeting public, demain 8 avril.

C'est pourquoi l'ultimatum d'hier du SKM (Front Uni Paysan) au gouvernement exigeant des dirigeants du BJP qu'ils démissionnent, sinon ils les banniront de toute vie sociale, n'est pas que parole en l'air, puisque le SKM a les bases et les structures sociales pour le mettre en œuvre et que les paysans ont déjà commencé à le faire.

En attendant l'importante journée du 8 avril, le soulèvement paysan a tenu aujourd'hui de manière démonstrative 3 mahapanchayats ayant une portée politique symbolique importante pour l'élargissement de son combat, l'un avec des ouvriers agricoles, l'autre avec des femmes et le troisième dans l'Arunachal Pradesh, un Etat à la frontière birmane, où les peuples Singpho, Lisu (Yobin), Tangsa, Sema, Tai-Khamti et Tai-Phake ont manifesté il y a quelques jours à Jairampur pour affirmer leur solidarité avec les birmans en lutte contre la dictature militaire.

Jacques Chastaing