La France qui hurle sur une infirmière

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Le déferlement de haine auquel on assiste dans les réseaux sociaux (vous n’imaginez pas le nombre de messages que nous avons reçus à ce propos, qu’on peut résumer ainsi : vous défendez une criminelle, la police a bien fait) contre une infirmière de 50 ans en blouse blanche qui jette à quelques mètres d'elle deux cailloux vers des policiers est stupéfiant, après tous les affrontements de ces dernières années, et pourrait être un tournant dans l'histoire. On n'a jamais vu un tel acharnement des "braves gens" sur quelqu'un qui défie la police, même pas contre le Black Bloc pendant l'épisode bidon de l'hôpital Necker, ou contre les gilets jaunes après les affrontements sur les Champs. Et c'est une infirmière ! Qui vient manifester en blouse blanche, sans masque, sans rien pour se protéger ! Et ne sait visiblement rien de la dureté des affrontements avec la police aujourd'hui.

Ce à quoi on assiste, dans une société qui ne peut plus avoir aucune stabilité, dont les fondations entières sont devenues pourries, ne peuvent plus tenir debout, que le réchauffement climatique achèvera de toute façon de rendre encore plus chaotique que jamais, c'est à une demande d'ordre délirante, au sens clinique du terme, y compris chez des gens qui se posaient des questions avant, et commencent à être paralysés par la peur. Qui est LE thème du moment. De quoi n'a-t-on pas peur aujourd'hui ?

Nous sommes donc mûrs pour des sociétés autoritaires, avec ou sans les moustaches d'Hitler, qui ne sont qu'un détail folklorique et d'époque. Le désir d'ordre à tout prix se heurte aujourd'hui frontalement avec la nécessité absolue de tout changer. L'histoire nous l'enseigne pourtant, ce désir de "remettre de l'ordre" à tout prix, c'est à dire par la force armée, parce que l'on en revient toujours à ça, c'est ce qui décide de l'issue d'un combat, pour rétablir un monde meilleur d'avant, que l'on fantasme bien plus beau que ce qu'il fut, et de toute façon mort pour de bonnes et solides raisons, - ceux qui rêvent que l'Europe ou les USA blanches règnent à nouveau sans partage sur le monde entier vendent à leurs peuples la même illusion aux conséquences désastreuses pour eux que Mussolini promettant aux Italiens le rétablissement de l'empire romain - n'aboutit au final qu'à encore plus de désordre après de terribles souffrances, de guerres, et de violations des libertés.

Nous vivons une époque catastrophique, et qui porte donc en elle des catastrophes. C'est à prendre au sérieux et au pied de la lettre. Qu'une partie des gilets jaunes puisse en appeler à une prise de pouvoir de l'armée en est un signe parmi tant d'autres. Que tant de gens puissent après tant d'années d'une répression sauvage proclamer leur amour pour la police en est un autre. Et un autre encore le fait qu'aux USA, où c'est possible, le commerce qui ait le plus bénéficié de l'arrivée du Covid soit celui des armes.

Notre plus grand ennemi aujourd'hui, comme ce le fut si souvent, c'est la peur du changement. On préfère s'accrocher aux rêves déjà évanouis d'un monde d'avant qu'on connaissait ou croit connaître (les 30 glorieuses,c'était loin d'être si super que ça), ou même au monde que chacun sait au fond de lui merdique d'aujourd'hui, - ce qui EST -, à ce qui POURRAIT être, si nous nous battions, forcément, parce que c'est toujours ainsi, contre l'injustice et l'instabilité, qui va avec, de l'ordre présent. Qui ne tient pas debout tout seul. Même avec toutes les armes et l'argent qu'il peut appeler à sa défense.

Christian Perrot, le 18 juin 2020