Décryptage et démontage du mensonge de l’attaque d’un hôpital par les manifestants
Ingrédient 1 : le travail de merde des “grands média”, y compris de service public. Quant à la télé… on n’en parle même pas.
Cette photo n’a rien à voir avec ce qui s’est passé à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière. Il s’agit de l’attaque du commissariat du treizième arrondissement. Le lecteur qui fera automatiquement le rapport entre cette photo et le texte qui l’accompagne (ou vice-versa) en conclura en effet que “la discussion n’était pas possible”, et qu’il s’agit bien, comme l’a déclaré Castaner sur BFM-TV, d’une “attaque” d’une folle violence contre un hôpital. Il s’en indignera donc à juste titre. N’en conservera que cette image. Ignorera tout des rectificatifs gênés des rédactions prises la main dans le sac. Nul n’est en effet censé devoir passer quelques heures sur Twitter et un moteur de recherche, comme nous l’avons fait, pour savoir si des institutions comme France Info ou France Inter lui disent la vérité. En principe ce devrait être le cas. Là ce ne l’était pas. Et le mal est fait.
Même remarque que précédemment. “La tentative d’intrusion au service de réanimation” (ici le commissariat, à nouveau) semblera au lecteur plutôt véhémente. Rien à ajouter.
Un des exemples pris dans le reste de la presse. Il y en a bien d’autres. Là, c’est encore plus clair : aucun décalage, cette fois, entre le texte et la photo. Ce texte ne peut donc qu’être interprété comme sa légende. Le début d’une “fausse légende”, donc.
Il y a aussi plus subtil, comme ce décalage du Figaro entre ce qu’on appelle le “chapeau” de l’article, son introduction, qui attaque direct sur les “dizaines de black blocs qui se sont introduits dans l’hôpital”, et la première ligne de l’article qui suit, plus proche de la réalité, et qui se contente de parler de “dizaines de personnes” (il suffit de regarder les vidéos de l’évacuation par la police des manifestants qui s’étaient réfugiés dans les jardins de l’hôpital pour douter qu’il s’agisse de “black blocs”). Là, c’est le secrétaire de rédaction, une sorte de survendeur, ou de surligneur par métier (le chapeau est une “accroche”), qui a surinterprété le propos de l’article en le tirant dans un sens spectaculaire. Problème : c’est diffuser une fausse information, que les faits démentent. Un petit problème de conscience professionnelle ?
Ingrédient 2 : compter sur ses relais dans l’internet pour inonder les réseaux d’indignation express (sans enquête, cela va de soi)
Exemples (on aura la générosité de les laisser dans l’anonymat) :
- Soutiens pour les collègues de Réanimation Chirurgicale de la #PitieSalpetriere qui se sont fait lâchement attaqué par des « #giletsjaunes » cet après midi lors de la manif du #1erMai ... #blackBloc #UltrasJaunes même vermine.. s’attaquer à un hôpital
- L’hôpital de la Pitié-Salpêtrière qui avait accueilli des dizaines de blessés suite aux attentats de 2015. Celles et ceux qui ont commis cette intrusion sont des raclures abjectes. Retrouvez-les, mettez-les en prison. Longtemps.
- Ce qui s'est passé ce #1erMai à la Pitié-Salpêtrière, est inimaginable. Entrer dans un hôpital pour saccager un service de réanimation, c'est ignoble.
- Hôpital Pitié-Salpêtrière (@HopPitieSalpe) pris pour cible par des Gilets Jaunes et des blacks blocs à Paris: le directeur général de l'APHP @MartinHirsch, dénonce un acte "rarissime et très grave"
- Inadmissible, ils touchent le fond. Où sont passées les revendications du début ? Insupportable de voir ce comportement de sauvage de la part d une minorité !
- Révulsant. Honte à ceux qui osent s'en prendre à nos hôpitaux. Hommage au personnel de la Pitié-Salpêtrière qui a su, avec tant de courage, faire honneur à sa mission : protéger les patients. (là, on résiste pas, c’est signé Laurent Wauquiez).
- Le ponpon va aux imaginatifs qui ont prêté aux manifestants, visiblement très bien informés et très très méchants, l’intention d’attaquer la Pitié-Salpêtrière pour “finir” un CRS blessé qui venait d’y être pris en charge, comme les gangsters s’occupant d’un témoin gênant dans une série policière. Vraisemblable ? Non. Mais cela ne compte pas.
3. Et cela suffit. Répété en boucle à la télé, le mensonge devient vérité. Pour un jour seulement. Celui de l’émotion, du pathos, du vite fait.
Le lendemain, le vent tourne. Le mensonge était trop gros. Les média ne peuvent plus le soutenir. Mais le mal est fait. C’est gravé dans la tête de milliers de gens : les gilets jaunes sont pires qu’Attila. Ils attaquent des malades en réanimation ! La prochaine fois, ils s’en prendront à une crèche, un EPHAD ! Des fous sanguinaires (et les Black Blocs c’est encore pire !).
4. A côté de cela, il y a la vérité, qui commence à être établie tant les preuves s’accumulent. Castaner a bien “arrangé” les faits pour charger les gilets jaunes.
Pourquoi ? Parce que rien ne s’est passé comme il l’a dit et comme trop de média l’ont répété hier. Personne n’a “attaqué” un hôpital. Encore moins son service de réanimation, dont les gens ne connaissaient même pas l’existence. Pris dans une nasse, gazés sans retenue, sans autre issue, des manifestants paniqués ont cherché refuge dans les jardins de l’hôpital. Et certains, chargés par la police, sont montés dans un escalier de service en espérant se sauver. Comment auraient-ils su qu’il menait à un service de réanimation ? Voici les preuves. Il existe des dizaines de vidéos. Mais désormais, nous disposons de celles tournées de l’intérieur par l’équipe du service de réanimation elle-même (eh oui ! comme tout le monde, ils ont des téléphones. Et puis, en tant qu’infirmiers et infirmières, et interne, travaillant dans un secteur hospitalier public qui va très mal, ils n’ont a priori pas de haine pour les syndiqués - dont des grévistes des urgences, d’ailleurs - qui manifestaient ce premier mai, ni de peur d’office devant des manifestants, qu’ils ont bien vus complètement paniqués et sans mauvaise intention. Et ils/elles ont très bien agi. Et tournent aujourd’hui en ridicule cette fable des méchants casseurs venus s’en prendre à des malades en mettant à sac un service de réanimation. Ce qui serait pure folie.
Les raisons pour lesquelles des gens se sont réfugiés dans l’hôpital
Témoignage pour commencer (un parmi beaucoup) :
Effarant ! Castaner raconte que l'hôpital de la Pitié-salpêtrière a été attaqué par les "Blacks blocs" et "sauvé par l'intervention de la police". C'est faux, archi faux, complètement faux ! Ma femme et moi étions assis avec d'autres sur les marches d'entrée de l'hôpital. Fumant des clopes tranquilles. Le cortège a été bloqué par les flics un peu plus loin et tout le monde était cool lorsqu'une colonne de CRS a traversé le cortège (filmée par mon épouse, vous verrez ma gueule d'ailleurs), remontés à bloc avec des ordres d'attaquer les manifestants hurlant dans leurs talkies-walkies. Nous avons tout vécu au cœur. Et dans la foulée, les CRS ont gazé et balancé des grenades dans la foule totalement pacifique, créant un mouvement de panique pour beaucoup et la colère pour d'autres. S'il y a eu des manifestants dans l'hôpital, c'est uniquement le fait d'un mouvement de panique et d'une tentative d'échapper aux assauts des forces de l'ordre et en aucun cas une attaque délibérée contre un établissement hospitalier.
Voilà la réalité ! Et pas un journaliste pour restituer la réalité. Aujourd'hui, les flics ont attaqué la foule et l'état a choisi de mettre en danger des centaines de manifestants pour le seul profit de ces malades postés au pouvoir…
Je n'ai pas de carte de journaliste et c'est une honte totale de constater cette mascarade médiatique qui relaie sans sourciller la propagande et la haine de ces fous enragés au pouvoir.
Je ne conteste pas l'intrusion dans l'hôpital de la Pitié-salpêtrière, je conteste le terme d'attaque délibérée qui sous-entend un souhait de détruire, nuire et même tuer. C'est ce que signifie le terme "attaque" dans la bouche de Castaner.
Or, il n'y a pas eu une seconde cette intention. Quand nous avons été littéralement attaqués par un premier cordon de CRS puis un autre qui s'est refermé alors que nous tentions de rebrousser chemin, aucun manifestant n'était hostile. C'était tranquille. On a tout filmé et Yentel a filmé juste l'instant avant l'attaque où je dis d'ailleurs "ça va chauffer". Les personnes qui ont pénétré dans l'hôpital étaient paniquées, apeurées, tentaient de fuir l'attaque des forces de l'ordre qui nous asphyxiaient sans raison depuis un bon moment. Toutes les rues étaient bloquées. Ces personnes sont passées là où elles le pouvaient encore.
Ensuite gazés devant comme derrière, les manifestants y compris les cortèges syndicaux ont été gazés sans qu'aucune violence n'ait été perpétrée par personne. En revanche les deux cordons gazaient de plus en plus et serraient les milliers de personnes qui commençaient à s'affoler. Tout le monde s'est mis à gueuler "tout le monde déteste la police", des vieux, des jeunes, des femmes, des valides, des invalides. Les CRS (et gardes mobiles il me semble) qui nous empêchaient de sortir étaient eux-mêmes asphyxiés mais avaient ordre de nous contrôler un à un. Des centaines de personnes étaient entassées et on a commencé à taper sur des panneaux, les grilles en leur criant de laisser sortir tout le monde. Certains commençaient à hurler qu'on allait passer en force. Il n'y avait pas d'autre choix. La colère est montée chez tout le monde, la panique chez certains. J'en ai fait des tas de manifs mais je n'ai jamais vu un truc pareil où les flics chargent l'intégralité des manifestants pacifiques. L'un des cordons a cédé (il y avait un troisième cordon à cet endroit là) sous la pression énorme de la foule. Des gens auraient pu être écrasées, asphyxiées ou faire des malaises. Donc dans ce contexte, Castaner a monté en épingle cette intrusion en la qualifiant d'attaque, en sous-entendant que les manifestants étaient violents, agressifs, hors de contrôle.... Voilà ce qui s'est passé. Je conteste Castaner et les médias qui relaient son baratin sans exposer les faits. Et les témoins comme Martin Hirsch, stop. Le mec est un imposteur et un sbire de Macron après avoir été celui de Sarkozy. Avec sa tête de gendre idéal et de mec vachement humain, il sert simplement la soupe dans ce scénario parfaitement huilé.
Léonel Houssam
Editions Burn-Out, Dépotoir des manuscrits et Labo d'écriture
Ce qui s’est passé, filmé par l’équipe du service de réanimation :
a) les lieux (ou le fameux escalier)
b) l’arrivée des manifestants fuyant la police
c) les discussions entre l’équipe du service de réa et les manifestants
d) les infirmiers et infirmières témoignant le lendemain : “On ne s'est pas sentis en danger. Ils sont arrivés, ça s'est calmé très vite. Vous savez, vous arrivez par un portail... Comment savoir que c'était une réanimation derrière les portes?”
On ne s’appesantira pas sur la différence entre leurs témoignages (directs) et les déclarations de la veille de la directrice de l’hôpital et du ministre. Chacun sera juge.
Christian Perrot