Nous sommes autistes et nous parlons pour nous-mêmes, nous nous organisons et nous luttons ensemble pour notre acceptation
Pour la journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, un collectif de personnes autistes affirme une position politique et appelle à la prise en compte des voix des autistes dans tous les domaines qui les concernent pour l'acceptation de toutes les neurodiversités.
En cette journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, comme chaque année, des associations de parents, des médecins, des employés du secteur médico-social défilent dans les médias pour parler d’autisme et sensibiliser la population à notre condition. Pour l’ensemble de la société, ces personnes sont habilitées à parler entre notre nom, à notre place. Elles décident de nos besoins réels, supposés ou imaginaires, elles alertent sur un grave problème de santé publique, ou encore elles racontent avec tristesse comment une personne autiste peut changer gravement la vie d’une famille. En somme, elles s’autoproclament expertes de nos vies et de nos ressentis.
Les mêmes représentants ou leurs affidés dénigrent, rejettent, combattent l’expression des personnes autistes (qu'elle soit parlante, écrite, corporelle, artistique...) qui osent s’exprimer par elles-mêmes dans l’espace public. Ces groupes d’influence monopolisent la communication sur le thème de l’autisme et interdisent d’autres discours et représentations selon le phénomène du gatekeeping (empêcher les gens de s'auto-définir).
Les associations actuelles pour l'autisme ne répondent pas à nos besoins, encore moins à nos attentes en matière de défense des droits et de lutte contre les discriminations que nous subissons. La plupart d'entre elles ne sont pas gérées par des personnes autistes. Quand c'est le cas, leur expression est limitée et/ou contrôlée par autrui (parents, professionnels de santé...).
De nouvelles formes d'organisation, indépendantes des associations gestionnaires et des associations de parents sont devenues possibles grâce aux réseaux sociaux. Un nouveau militantisme pour le handicap émerge, dénonçant le caractère inefficace et contre-productif de ces portes paroles, qui s'expriment sans légitimité au nom de tous et toutes.
Nous, personnes autistes militantes et activistes, nous sommes organisés en collectif autonome car nous devons résister, continuer à faire valoir notre liberté d’expression, nos droits fondamentaux ainsi que notre vie autonome. En défendant ces revendications dans le présent manifeste, le Collectif pour la Liberté d’Expression des Autistes (CLE Autistes) veut permettre à d’autres personnes autistes, actuellement en hôpital psychiatrique ou en institutions, de s’exprimer à leur tour.
Nous sommes autistes et nous parlons pour nous-mêmes, nous nous organisons et nous luttons ensemble pour notre acceptation. Nous réclamons :
Rien pour nous sans nous
Nous voulons être représentés dans les médias et partout dans la société dans notre diversité et sans discours "d'inspiration" pour rassurer les personnes neurotypiques.
Nous exigeons une participation des personnes autistes à toutes les politiques publiques qui les concernent avec tous les moyens de communication facilitée possibles.
La vie autonome et la désinstitutionnalisation
Nous défendons l'inclusion totale des personnes autistes. Celle-ci passe uniquement par la désinstitutionnalisation selon l’ONU pour abolir la ségrégation organisée par la société au sein des institutions spécialisées. Nous réclamons la fin des établissements spécialisés conçus pour les autistes et “déficients intellectuels”, de l'école à la vie d'adulte, en passant par le travail, et de toutes les structures qui administrent la vie scolaire, professionnelle et personnelle des personnes autistes. En remplacement, nous demandons des services de proximité et une assistance personnelle apportant le soutien dans la collectivité dont nous avons besoin pour mener notre propre vie et faire nos propres choix.
La défense de la neurodiversité
Il y a autant de cerveaux et de fonctionnements cognitifs que de personnes humaines. A partir de ce constat, en tant que mouvement d'égalité et de justice sociale, la neurodiversité postule que toutes les conditions neurologiques ont les mêmes droits, des besoins propres et méritent le respect.
Quelle que soit notre neuroatypicité, la société doit se réorganiser pour nous permettre d'y participer de façon égale.
La lutte contre le validisme et la psychophobie
Le modèle social du handicap permet de penser le handicap non pas comme une situation créée par des incapacités individuelles, mais comme une situation construite politiquement et culturellement par les normes de la société. Le handicap est une fiction politique qui affirme qu’il existe une différence de nature entre nous et les personnes valides, ce qui permet de justifier les inégalités et les discriminations subies.
Ces systèmes d’oppressions se nomment le validisme et la psychophobie : ces systèmes placent la condition de personne valide et neurotypique comme supérieure, universelle et plus enviable que la nôtre. Ces systèmes se caractérisent par l'association systématique des expressions neurodivergentes à un dénigrement de l'intelligence, à une négation de la capacité de décision, de penser et de choisir ce qui justifie les abus sexuels, éducatifs et psychiatriques. Ces systèmes favorisent des attitudes paternalistes et condescendantes, discréditent nos opinions, nos choix de vie et construisent notre dépendance.
En cette journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, nous ne voulons pas de sensibilisation pour effrayer la population quant à une fausse épidémie d’autisme. Nous ne voulons pas de sensibilisation pour favoriser des politiques eugénistes visant à soigner notre autisme alors que des personnes autistes meurent d’épilepsie et par suicide avant l’âge de 50 ans. Nous ne voulons pas de misérabilisme ni de pitié alors que nous n’avons pas d’accompagnement de proximité, que l’école et la société nous est inaccessible en majorité et que la plupart de nos droits sont bafoués.
Dès demain, grâce à ce manifeste, nous ne serons pas sensibilisés, nous serons acceptés!
Manifeste d’une centaine de personnes autistes membres du Collectif pour la liberté d’expression des personnes Autistes (CLE Autistes)
Pourquoi CLE Autistes?
Nous sommes un collectif organisé par des militant.e.s et activistes autistes, et nous accueillons les allié.e.s de notre cause à condition ne jamais s’approprier notre combat et notre parole.
Ce collectif est né dans un contexte où l’expression des personnes autistes quels que soient leurs modes de communications (parlante, comportementale, écrite, corporelle, artistique…), se voit ou se trouve dénigrée, rejetée et combattue par certains groupes d’influence ayant longtemps eu le monopole de la communication sur le thème de l’autisme. Certains d’entre nous se sont donc rassemblés, au départ grâce aux réseaux sociaux.
La liberté d’expression des personnes autistes se trouve menacée. Nous devons résister, continuer à faire valoir ce droit élémentaire, ainsi que nos droits fondamentaux.
Les associations actuelles pour l’autisme ne répondent pas à nos besoins, encore moins à nos attentes (défense des droits, lutte contre l’exclusion et les discriminations). La plupart d’entre elles ne sont pas gérées par des personnes autistes. Quand c’est le cas, leur expression est limitée et/ou contrôlée par autrui (parents, professionnels de santé…).
De nouvelles formes d’organisation, indépendantes des associations gestionnaires et des associations de parents sont devenues possibles grâce aux réseaux sociaux. Un nouveau militantisme pour le handicap émerge, dénonçant le caractère inefficace et contre-productif de ces portes paroles, qui s’expriment sans légitimité au nom de tous et toutes.
Fort de ce constat, CLE Autistes prétend défendre les idées qui sont les nôtres, et les droits des personnes autistes en matière d’émancipation et de vie autonome.
– Ensemble, nous sommes forts et nous pouvons nous soutenir.
– Ensemble, nous pouvons permettre à d’autres autistes, psychiatrisé.e.s ou institutionnalisé.e.s, de s’exprimer à leur tour.
– Nous refusons de vivre dans le silence et la peur.
Nous devons nous unir, et au-delà de nos clivages, de nos différences, agir ensemble.
C’est pourquoi nous ne représentons que les personnes autistes qui le souhaitent, en accord avec ce manifeste et nos valeurs, qui partagent la neurodiversité, le modèle social du handicap et nos analyses, afin de former un réseau de lutte pour nos droits et pour notre acceptation.
Les personnes autistes ont un développement différent lié à une variation neurologique, à un vécu et à un environnement familial et socio-culturel. Plutôt que de diviser, sur des clivages préjudiciables entre autistes « sévères » et autistes « de haut niveau », il est préférable de se rassembler sur nos opinions et nos valeurs.
L’autisme ne se manifeste rarement sans autres conditions associées et autres désagréments liées aux comorbidités (difficultés d’apprentissages, handicaps intellectuels, troubles psychiatriques…). L’autisme a été aussi construit historiquement comme une déficience intellectuelle, puis une maladie mentale et aujourd’hui comme un handicap cognitif. Les revendications de ce présent manifeste s’adressent donc également aux handicaps cognitifs/mentaux. Nous sommes ouverts dans cette perspective à des initiatives communes avec d’autres mouvements de personnes handicapées.
Nos revendications
1/ L’Auto-représentation :
Notre mot d’ordre est le « Rien pour nous sans nous ».
Les personnes autistes doivent pouvoir s’exprimer par tous les moyens de communication possibles et accessibles.
En tant que citoyen.ne.s françai.se.s nous voulons être représentés dans tous les domaines, les médias, et partout dans la société.
Nous possédons et nous produisons nos propres savoirs sur notre fonctionnement cognitif et sensoriel et la médecine ne peut avoir le monopole des connaissances nous concernant.
Nous exigeons une participation des personnes autistes à toutes les politiques publiques qui les concernent, aux initiatives des acteurs publics ou privés, et au sein de la recherche scientifique .
Nous souhaitons un traitement humain, ordinaire, des personnes autistes dans les médias. Une représentation en reconnaissant leur individualité, leur diversité, sans discours « d’inspiration » pour rassurer les personnes valides. Les personnes autistes doivent être simplement reconnues comme des êtres humains avec leurs défauts et leurs qualités.
Nous ne sommes pas des leçons de vie pour les personnes valides dans le but de les rassurer, de minimiser leur souffrance, de conforter leur préjugés, et en fin de compte de invisibiliser les discriminations dont nous sommes victimes.
Nous refusons de devoir dépasser notre différence, d’adopter certains standards pour être acceptés et inclus dans la société normative. Nos droits ne sont pas des options, mais des obligations.
Nous refusons d’être qualifiés de personnes ayant des dons ou des aptitudes fantastiques nous éloignant de l’humanité, par exemple pour l’informatique ou le travail répétitif.
Nous demandons le droit d’expérimenter nos propres erreurs et échecs, et de faire nos propres choix.
Nous n’avons pas à justifier de notre handicap pour vivre, et nous n’avons pas à devenir autonome selon la définition du système économique en place pour obtenir nos droits.
2/ La désinstitutionnalisation et la vie autonome
Nous défendons l’inclusion totale des personnes autistes. Celle-ci passe uniquement par la désinstitutionnalisation. Nous réclamons la fin des établissements spécialisés conçus pour les autistes et les handicaps cognitifs, de l’école à la vie d’adulte, en passant par le travail, et de toutes les structures qui administrent la vie scolaire, professionnelle et personnelle des personnes autistes.
Ce modèle paternaliste et cloisonnant ne tient plus au regard du droit international et européen. La France persiste pourtant à présenter ce modèle comme nécessaire pour répondre aux besoins propres ou supposés des personnes autistes et handicapées.
L’institutionnalisation est une ségrégation spatiale et sociale organisée par la société. Les droits fondamentaux ne peuvent exister dans ce cadre, car il n’y a pas de libre choix en l’absence d’alternative sérieuse. Ce système constitue une violation des libertés fondamentales des personnes autistes et ayant un handicap cognitif.
Dans ces structures, leur vie personnelle est régie et cadrée par le personnel médico-social. L’institutionnalisation constitue une discrimination structurelle en séparant les personnes autistes des autres, crée des filières parallèles ségréguées, et contribue à perpétuer des représentations fausses, essentialistes et lointaines du handicap et ses discriminations associées.
Ce système est une délégation de service public à des associations gestionnaires où parents et professionnels se répartissent les tâches à l’image de la gestion paritaire de la sécurité sociale. En conséquence, il constitue un système privé qui est rarement contrôlé par les pouvoirs publics, l’institutionnalisation favorise donc les abus sexuels et les maltraitances, l’exploitation au travail dans les ESAT, la limitation des droits sexuels et reproductifs et la violation du droit à vivre sa vie.
Ce système institutionnel repose sur une conception de l’autonomie qui est celui d’une norme valide, masculine et de classe supérieure. En société tout le monde est interdépendant et personne n’est vraiment autonome, mais certaines personnes le sont plus que d’autres parce qu’elles bénéficient du travail et de l’assistance des autres : tâches ménagères assurées majoritairement par les femmes, services de maintenance et de base assurés par des personnes de milieux populaires et/ou racisé.e.s. En conséquence, la dépendance est une construction sociale basée sur les incapacités par rapport à une norme valide et sur des tâches peu valorisées socialement :
Nous ne considérons pas qu’avoir besoin d’aide quotidienne pour soi (hygiène, habillement, alimentation) soit une dépendance à partir du moment où cela rend libre pour réaliser ses envies et mener sa propre vie.
Nous considérons que les personnes autistes doivent pouvoir choisir leurs aides de manière individuelle et consentie quelque soit leurs finalités. C’est le concept de l’assistance personnelle.
C’est pourquoi, nous revendiquons que les personnes autistes puissent faire leurs propres choix, définir leurs propres besoins, prendre leurs propres décisions avec l’aide nécessaire et sans contrôle extérieur. Cela se nomme la vie autonome en donnant un droit à l’assistance personnelle. Ce n’est pas viser une autonomie factice fondée sur la productivité, ni faire tout tout seul, mais avoir les conditions matérielles, financières et humaines pour vivre sa vie.
Nous exigeons des politiques fortes dans le sens de la désinstitutionnalisation pour les personnes autistes et avec handicaps cognitifs :
La dépsychiatrisation des personnes autistes enfermées en séjour de longue durée dans les hôpitaux psychiatriques ou les unités fermées pour malades difficiles, la mise en œuvre d’une politique d’inclusion sociale de ces personnes dans la collectivité en mixité avec les autres.
La transformation progressive des établissements spécialisés pour autistes et pour « déficiences intellectuelles » en services communautaires de proximité pour les personnes autistes et leurs familles, qui apporteront soins médicaux, para-médicaux et psychosociaux nécessaires ainsi que l’aide et l’assistance (pour le quotidien, les finances, l’éducation, la parentalité) en quantité suffisante et adaptée à chacun.e. Dans ces conditions, ces services de soutien permettront que chaque famille puisse garder son enfant à domicile en disposant d’aide compensatoire conséquente, de qualité et personnalisée, et que chaque personne autiste adulte puisse mener une vie autonome dans son propre logement.
Les hôpitaux de Jour TSA ont des compétences nécessaires pour les autistes ayant des besoins d’accompagnements permanents et complexes, et constituent un service public accessible pour les plus défavorisés. En conséquence, ils pourraient également transformer leurs services en fournissant des équipes mobiles d’accompagnement à domicile, les hôpitaux pouvant conserver des lieux d’accueil spécialisés pour gérer les situations d’urgence. Ces hôpitaux devront développer la scolarisation sans jugements et a priori sur les capacités des enfants autistes et intervenir dans les écoles. De manière générale, la désinstitutionnalisation de la psychiatrie est nécessaire en favorisant l’hospitalisation à domicile et le suivi régulier des personnes concernées.
Une transformation du système scolaire en système inclusif en faisant disparaître l’enseignement spécialisé et ordinaire pour offrir une gammes de programmes, formations, évaluations adaptés aux besoins propres de chaque élève.
La société devra être accessible pour les handicaps cognitifs, dans les espaces publics et privés, afin de répondre à l’ensemble des droits fondamentaux et de rompre l’isolement social.
Il n’y a pas d’autistes sévères, c’est à dire enfermés dans une catégorie déshumanisante et déficitaire. Il y a des personnes autistes ayant des besoins d’accompagnement conséquents et complexes. Ces besoins ne sont pas des obstacles à leur vie autonome, seul le niveau de soutien et d’accessibilité fourni par la collectivité compte.
Conformément à l’article 12 de la Convention de l’ONU relative aux droits des Personnes handicapés, la mise sous tutelle automatique et la privation de capacité juridique, surtout pour les autistes ayant des besoins d’accompagnement conséquents et complexes, devra être abolie en passant à un système assisté pour faire ses propres choix.
L’institutionnalisation n’est pas une fatalité ou un « mal nécessaire » du à des incapacités réelles ou supposées, elle n’est qu’une conséquence de l’échec des États à prendre leur responsabilités envers les personnes handicapées. C’est pourquoi, pour respecter le principe d’égalité et de non discrimination, il appartient aux pouvoirs publics de financer ces alternatives :
Les financements devront être directement distribués aux familles et aux personnes concernées (via la PCH par exemple) plutôt qu’à des associations gestionnaires, pour choisir sa propre vie et son propre accompagnement sans conditions.
Ces politiques de désinstitutionnalisation devront être élaborées avec les personnes autistes et ayant des handicaps cognitifs pour construire cette nouvelle gamme de services. Les MDPH pourront adopter une forme plus participative en étant gérées partiellement par les personnes concernées.
Nous ne voulons pas l’inclusion professionnelle à tout prix, nous sommes conscients que tous les autistes ne peuvent pas travailler, c’est pourquoi des aides financières devront être fournies pour subvenir à leurs besoins et leur permettre de vivre dignement, tout en choisissant leur propre activité.
3) La lutte contre les maltraitances et la torture :
Au vu de leur nocivité démontrée et dans la lignée des politique européennes de psychiatrie, nous demandons la suppression des séjours de longue durée au profit d’une psychiatrie ouverte et inclue dans la cité.
La loi de santé mentale devra être revue pour abolir les soins sans consentement, et les nombreux abus psychiatriques visant à réglementer la vie des personnes autistes faisant appel à ces soins (dépression, troubles anxieux et psys associés) alors qu’il n’y a pas de contrôle judiciaire. Les pratiques de contention, de packing, d’isolement et de médication abusifs devront être abolis.
Au vu de la forte prévalence des violences sexuelles sur les personnes autistes, enfants et particulièrement les femmes adultes, cette question devra être inclue dans les politiques de prévention des violences, tout comme les politiques contre le harcèlement et les maltraitances sur les enfants et adultes.
La protection de l’enfance devra être réformée pour éviter les placements abusifs qui sont structurellement en défaveur des enfants handicapés et la désinstitutionnalisation doit être aussi appliquée dans ce champ pour ne laisser personne au bord du chemin à l’âge adulte.
L’école étant un lieu privilégié de harcèlement, elle devra comporter un programme spécifique pour lutter contre ces maltraitances causées par des élèves ou des enseignant.e.s. Plus largement une école inclusive doit pouvoir fournir un soutien psychologique adapté et des lieux pour s’isoler et se reposer.
La lutte contre l’exploitation, la maltraitance au travail que ce soit en terme de droits ou d’exigences plus fortes demandées aux personnes autistes par rapport aux personnes neurotypiques (dépasser son handicap).
Les pseudo-médecines, les régimes alimentaires, les traitements miracles prétendant soigner l’autisme sont drainés par le validisme et le neurocapacitisme. Elles génèrent leur lot de maltraitances et empêchent en fin de compte un accompagnement adapté et la réalisation des droits. Le collectif combat l’instrumentalisation des personnes autistes par les pseudo-médecines et ne soutiendra aucune nouvelle méthode de soin contre les personnes autistes.
4) L’inscription de notre combat dans le mouvement de la neurodiversité :
La neurodiversité est la diversité des cerveaux et des esprits, et l’infinie variation des fonctionnements neurocognitifs (Nick Walker). Il y a autant de cerveaux et de fonctionnements cognitifs que de personnes humaines. A partir de ce constat, en tant que mouvement d’égalité et de justice sociale, la neurodiversité postule que toutes les conditions neurologiques ont les mêmes droits, des besoins propres et méritent le respect.
La neurodiversité est un état de fait, elle ne se discute pas, il existe des personnes ayant de multiples conditions neurologiques et différents esprits sur Terre. Nous ne luttons donc pas pour la neurodiversité, mais pour l’égalité et le respect de ces différences neurologiques.
La diversité des esprits, des intelligences est une réalité de l’espèce humaine. Le mouvement de la neurodiversité n’est pas une opposition entre neurodivergent.e.s et neurotypiques, mais un mouvement social qui vise l’égalité entre toutes les conditions neuroatypiques. Tout le monde est neurodivers.e, mais tout le monde n’est pas neurodivergent.e. En effet, les personnes autistes et ayant un handicap cognitif ont un handicap construit par une (neuro)norme imposée à tous et toutes, elles divergent de celle-ci et par conséquent elles subissent des injustices, des obstacles et des discriminations structurelles qui ne sont en aucun cas des événements individuels et le fruit du hasard. Ces dynamiques sociales autour de la neurodiversité sont similaires à celles existant autour de la diversité des genres, des cultures et des ethnies. Ces dynamiques incluent des rapports de pouvoir et d’inégalité sociale.
C’est pourquoi nous nous inscrivons dans le mouvement de la neurodiversité et que cela est indissociable de la prise en compte du handicap défini comme un produit des barrières et des normes qu’impose la société à notre condition neurologique. Quelque soit notre neuroatypicité, la société doit se réorganiser pour nous permettre d’y participer de façon égale.
5) La lutte contre le validisme/neurocapacitisme/psychophobie et les discriminations
Le modèle social du handicap permet de penser le handicap non pas comme une situation créée par une déficience individuelle, mais comme une situation construite politiquement et culturellement par les normes de la société. Le handicap est alors une dynamique sociale liée au rapport de pouvoirs inégalitaires entre les personnes valides et non-valides. Les oppressions et les discriminations qu’engendre ce système inégalitaire forment le système validiste, neurocapacitiste et psychophobe. Toutes les personnes hors norme sont ainsi stigmatisées, discriminées et marginalisées.
L’autisme est une construction sociale, historique et culturelle issue de l’interprétation d’une différence comportementale, qui a été qualifiée d’abord de déficience intellectuelle, puis de maladie mentale, et enfin comme handicap cognitif. Dans tous les cas, cette construction progressive a produit un langage discriminant (« idiot », « débile », « taré », « dingue », « déficient », « autocentré », « dans sa bulle ») et des représentations qui ont conduit à inférioriser, essentialiser, stigmatiser et marginaliser les personnes autistes et avec un handicap cognitif.
Les personnes autistes vivent l’autisme au quotidien en développant leurs propres stratégies de survie. Les personnes non autistes ne peuvent en aucun cas juger, dénigrer ou rendre positive cette condition.
Par son histoire, sa forme hétérogène et toutes les conditions que l’autisme recoupe, il nous apparaît indispensable de lutter contre le validisme, le neurocapacitisme et la psychophobie. Ces termes recoupent des situations différentes, d’autres conditions mentales, mais les autistes subissent toutes ces formes en même temps.
Le validisme, le neurocapacitisme et la psychophobie sont des systèmes de domination produisant et légitimant l’exclusion des personnes en situation de handicap cognitif, mental et psychique et qui donne comme seul idéal à atteindre la même (neuro)norme. Tout comme le validisme, le neurocapacitisme et la psychophobie placent la condition neurotypique comme supérieure, universelle et plus enviable que la nôtre. Ces systèmes se caractérisent par l’association systématique des expressions neurodivergentes à un dénigrement de l’intelligence, à une négation de la capacité de décision, de penser et de choisir ce qui justifie les abus (sexuels, psychiatriques, maltraitances). Ces système oppressifs dépossèdent la capacité d’agir des personnes autistes et ayant un handicap cognitif. Ces systèmes favorisent des attitudes paternalistes et condescendantes, discréditent nos opinions, nos choix de vie et construisent la dépendance des personnes autistes.
Plus généralement, ces discriminations conduisent à demander aux personnes autistes et ayant un handicap cognitif de devoir accepter le peu d’aide qu’on leur offre et de remercier les personnes valides pour ce geste. A contrario, le validisme, le neurocapacitisme et la psychophobie conduisent à voir des besoins conséquents et complexes en aide humaine comme une dépendance et un fardeau dont la société aimerait bien se débarrasser.
C’est pourquoi notre objectif à terme est l’abolition du validisme, du neurocapacitisme, de la psychophobie sur toutes ses formes (institutionnelles, culturelles, interpersonnelles etc…) :
Nous ne considérons pas qu’être valide et neurotypique soit une fin en soi et qu’il y a intérêt à le devenir.
Nous considérons que tous les modes d’expression et de communication sont égaux. Les personnes autistes n’ont pas à adopter le même mode de communication que les neurotypiques si cela est contraire à leur fonctionnement et leur bien être.
Nous refusons toutes les politiques d’inspiration eugéniste qui privilégient des recherches scientifiques basées sur les causes de l’autisme et des handicaps cognitifs (génétique et biologisant) plutôt que sur les causes de la stigmatisation sociale des personnes autistes et sur d’éventuelles solutions leur permettant d’améliorer leur qualité de vie (pour l’épilepsie, les automutilations, le parasitage sensoriel…).
La psychanalyse ayant une place importante dans le système médico-social français, elle doit être combattue pour son validisme et sa psychophobie, sa promotion de l’institutionnalisation et son approche ne permettant pas de comprendre l’autisme.
Ces revendications ne sont pas identitaires, mais basées sur une communauté de pensée, par conséquent nous reconnaissons que les personnes autistes, éduquées dans une culture validiste peuvent intérioriser l’ensemble des préjugés qui les concernent et adhérer aux représentations du validisme.
La lutte contre ces discriminations veut dire évidemment l’accessibilité et l’égalité des droits (se déplacer, école, université, services publics, loisirs, sport, culture, travail) pour toutes les personnes autistes et en situation de handicap cognitif.
6/ La solidarité et l’inscription dans les mouvements sociaux
Au même titre que d’autres groupes sociaux minoritaires et/ou marginalisés, les personnes autistes subissent une oppression systémique de la part des personnes neurotypiques, qui décident pour elles sans elles. Nos conditions neurologiques, nos besoins propres réels ou supposés deviennent des prétextes pour justifier notre mise à l’écart, notre exclusion, et les mesures prises dans notre champ sans nous et contre nous.
Si notre combat a sa place au côté des mouvements féministes, LGBTIQ+, racisé.e.s , alors il ne peut être qu’intersectionnel, c’est à dire prendre en compte toutes les logiques de domination et d’oppressions que peuvent subir les personnes de nos conditions neurologiques. Nous sommes conscients que les personnes autistes peuvent subir des discriminations en relation à leur genre, leur sexualité, leur religion et leurs origines (etc…) en même temps. Nous sommes solidaires de tous ces combats. Notre combat est incompatible avec le patriarcat, le racisme, l’islamophobie, l’antisémitisme, la xénophobie, les LGBTphobies…
De même, l’assistance personnelle dont nous avons besoin ne peut pas se faire au détriment des conditions de vie de nos accompagnant.e.s, nous soutenons leurs revendications et nous luttons contre leur précarisation afin d’évoluer tous ensemble vers un modèle social-relationnel du handicap.
Nous sommes ouverts à des alliances ponctuelles ou durables avec ces autres groupes opprimés et marginalisés à condition que nos valeurs et ce manifeste soient compatibles et visibles dans ces alliances.
Nous n’oublions pas non plus les personnes autistes en prison victimes du système judiciaire capacitiste, les personnes autistes SDF à cause de l’échec scolaire et l’exclusion, les autistes précaires n’ayant pu trouver qu’un emploi incompatible avec leur handicap ou les personnes autistes âgées en unités spécialisées et parquées à l’hôpital.
Plus largement, la neurodiversité et l’autisme sont des sujets politiques qui doivent être pensées de façon sociale , ce mouvement d’émancipation ne peut être ainsi affilié qu’à des mouvements progressistes et sociaux qui revendiquent une conception du handicap non caritative, compassionnelle et médicalisante et qui refusent les politiques austéritaires. Notre combat est incompatible avec des discours stigmatisants, hiérarchisant et refusant l’assistance des plus vulnérables.