La terre en commun : ou comment réaliser la promesse que le mouvement anti-aéroport s’est faite

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Voici donc un an que le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes a été abandonné. Si cette victoire est magistrale, elle est également relative, partielle. Malgré les expulsions, nombre des lieux de vie de la ZAD sont encore debout, vivants et les chemins qui mènent à ce territoire sont encore empruntés de toutes parts. Après un an de tension sur l’avenir des terres, les projets paysans issus du mouvement sont en voie de se stabiliser sur plusieurs centaines d’hectares. L’expérience commune se poursuit, mais à bien des égards le futur reste incertain, notamment en ce qui concerne les possibilités de prise en charge collective des bâtis et du foncier de la zad de manière à ce qu’ils demeurent à long terme un bien commun. C’est pour y parvenir que le fonds de dotation « la terre en commun » lance aujourd’hui ses premières campagnes de dons, avec dans le viseur l’achat d’une première série de bâtiments.

L’aboutissement de la première phase de la lutte, fruit d’un long travail d’élaboration commune, ne nous a, à cet égard, pas pris.e.s par surprise. Pour se donner un coup d’avance et de la force, le mouvement, depuis 2015, avait travaillé à se projeter dans un avenir sans aéroport. Ça avait débattu ferme entre paysan.ne.s, occupant.e.s, soutiens, associations et naturalistes. Comment prolonger ce que l’on a vécu ensemble pendant ces années de lutte ? Comment s’inscrire dans le temps long ? Comment faire en sorte que ce combat nous dépasse ? En luttant contre l’aéroport et son monde, nous savions que la victoire contre l’un ne serait que le début d’un nouveau combat. Qu’elle serait bien amère si les pistes d’atterrissage laissaient place à quelques exploitations agricoles industrielles, à une zone éco-compatible muséifiée, ou à une énième zone commerciale pour l’agglomération nantaise.

Nous nous étions finalement fait une promesse : non seulement les terres issues de la lutte, sauvées du béton, n’iraient pas à l’agrandissement de fermes des alentours mais surtout, elles continueraient à être prises en charge par une entité issue du mouvement. Dans le cadre de l’Assemblée des usagescommencent à se penser, dès 2017, différentes possibilités pour rendre cette promesse tangible.

Le 17 janvier 2018, Édouard Philippe l’annonce tout net : l’État n’a pas vocation à rester propriétaire des terres libérées par l’abandon. Ce territoire, à vrai dire, il aimerait qu’on n’en entende plus parler, qu’il cesse d’être cet horizon d’un autre possible, que les unes de journaux s’en désintéressent une fois pour toutes. Mais il veut y maintenir un droit de regard, une capacité de contrôler ce qui pendant tant d’années lui a échappé. Des solutions de délégation de propriété, type Larzac, défendues et proposées par le mouvement, sont fermement rejetées. Dès lors, les personnes engagées dans l’Assemblée des usages réfléchissent à la possibilité de racheter terres et bâtis pour en faire un bien collectif. Devenir propriétaire non comme une fin en soi – personne parmi nous n’a le fantasme de devenir grand propriétaire terrien – mais pour sortir ces terres de la spéculation et pour en pérenniser l’usage sans crainte du lendemain.

Après moult explorations et discussions, la création d’un fonds de dotation, « la terre en commun », est validée. Cet outil va permettre à la communauté de lutte de continuer à penser ensemble l’avenir du territoire, de le protéger de l’appétit des aménageurs, et d’y soutenir la possibilité d’un espace rural avec une vie dense, basée sur l’entraide et le respect de la terre.

L’État pensait s’être débarrassé de la zad à travers les deux vagues d’expulsions d’avril et mai 2018. Un projet politique complexe et turbulent s’y déploie pourtant toujours, avec une attention aux usages fonciers, aux outils collectifs, à la répartition des tâches, aux modes d’organisation et de prise de décision, aux imaginaires et aux rites. Chaque champ, chaque maison arrachés au projet par le développement du mouvement d’occupation a renforcé la mise en partage. C’est celle-ci que « la terre en commun » doit prolonger avec les différent.e.s usager.e.s et voisin.e.s de la zad.

Pour cela, il va lui falloir acquérir terres et bâtis dès leur mise en vente. Un certain nombre de propriétaires n’ayant pas fait valoir leur droit à la rétrocession, une dizaine de lieux-dits de la zad, habitats, fermes et infrastructures collectives, mais aussi des parcelles de bocage, vont être mis sur le marché dès les prochains mois. Nous voulons être en mesure de s’en porter acquéreurs et de constituer un premier fonds collectif.

Par ailleurs, les négociations entre l’État et le Conseil Départemental se sont finalisées le 18 décembre 2018 et ce dernier redeviendra propriétaire au premier trimestre 2019 de 900 hectares et de divers lieux de vie de la zad. S’il a pour l’instant énoncé sa volonté de conserver sur le long terme la maîtrise des terres, il est imaginable qu’il ne souhaite pas demeurer propriétaire des bâtis. Nous voulons donc pouvoir là aussi nous positionner pour leur acquisition éventuelle.

Si nous vous invitons à soutenir « la terre en commun », c’est parce que nous restons persuadé.e.s que l’horizon politique qui se dessine ici et la tentative pratique qui lui donne corps, avec tous ses tâtonnements, dépasse toujours de loin le destin de ses seul.e.s habitant.e.s.

Pour contribuer, rendez-vous sur encommun.eco

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