Dia 5, La dérive des Martine's à Lisbonne 1/2 The Sound of Drawing
Si voyager c’est changer de temporalité, les rencontres y sont des parcelles d’éternité. A quelques pas des Belas Artes de Lisbonne, une galerie nous intrigue. En poussant la porte, la rencontre avec son galeriste va changer fondamentalement et tout simplement, l’ultime journée de notre séjour lisboète.
Derrière l’espace vitrée, une œuvre en papier… Des plis, de la couleur bleu et noir, le blanc du support. Nous pensons instantanément à Hantaï… Puis, le titre de l’exposition nous fauche les antennes : Hanns Schimansky, The Sound of Drawing.
Les Martine’s travaillant actuellement sur la « partition plastique » (qui se jouera le 9 juin 2018), nous ne résistons pas plus et poussons la porte pour être merveilleusement accueillis par Rui Freire qui n’est autre que le galeriste.
Son support, le papier, son médium le dessin, ses techniques : la plume, l’encre de chine, la gouache et le pliage… Cela virevolte ! L’enfilade des dessins à la plume et encre de chine, donnent un concert. Crissement de plume d’acier sur le papier, lignes, points dansants autour d’elles, le moindre signe suggère parfaitement un son, une atmosphère, un mouvement, un tempo, un silence, un rythme.
Me viennent à l’esprit (je peux quasiment l’entendre) les mots de Chassol qui ouvrent son Indiamore : « Il me disait qu’il voyait la musique indienne comme deux lignes horizontales… »
Chaque trace de plume nous emmène sur les chemins sinueux d’une métamorphose mélodieuse de la pensée créatrice de l’artiste. Tous ses dessins ouvrent des mondes sonores, vifs et profonds.
Rui Freire, nous confiera que « c’est parce qu’il apprête le verso de son papier, en le gorgeant d’encre », que nos impressions d’espaces qui se « filigrannent » dans les fibres, donnent une profondeur, une autre « géographie » sur laquelle viennent « danser » les lignes et les points d’encre.
— « Pourquoi The Sound of Drawing ? » demande Anne Mars.
— « Parce que lorsque Hanns Schimansky dessine à la plume (dont la taille varie selon l’œuvre), elle « sonne » et crisse sur le papier, selon l’angle, selon la ligne et lorsque nous avons cherché un nom pour l’exposition le « sound of drawing » s’est imposé de lui même ! »
Cette anecdote racontée avec beaucoup de vie par Rui Freire nous fait plonger au cœur des œuvres. Nous sommes à Lisbonne et la galerie Jeanne Bucher Jaeger (présente à Paris dans le marais et à St Germain) qui à ouvert en janvier permet de montrer autrement et autre chose dans un autre temps. Il règne ici une notion très particulière du temps qui passe. C’est le plus flagrant et le plus prégnant dans la ville et la galerie sait capter cette singularité et nous la faire partager. L’espace est magnifique sans être surfait, très clair, sans être sur-éclairé, ses cloisons pensées comme des « mobiliers » pour ne jamais figer les espaces… Le lieu est aussi important que les œuvres qui y sont accrochées.
Nous avons eu cette chance magnifique de passer la porte de la galerie Jeanne Bucher Jaeger et d’y faire deux rencontres : la première avec les œuvres de Hanns Schimansky qui à elles seules méritent un A-R Paris-Lisbonne avant le 9 juin 2018, date à laquelle l’exposition se clôturera et la seconde très douce et très professionnelle avec Rui Freire qui a su en quelques mots nous dire l’essentiel pour partager et encourager notre regard à se poser encore un peu, sur les plis, et les replis de cette œuvre bleu, noir et blanc dont la composition ouvre des espaces incommensurables, des espaces où l’on se perd et qui dialoguent si intimement avec Lisbonne aux mille Azulejos, des carrés-céramiques qui ne tournent jamais en rond…
Si Lisbonne est dans vos prochaines destinations avant le 9 juin 2018, rua Serpa Pinto 1, dans le Chiado, vous pourrez « écouter-voir » le son du dessin* à l’unisson de votre cœur battant la mesure d’amour en plein milieu de ces parcelles d’éternité.
Martine's 25/04/18
Hanns Schimansky The Sound of Drawing -> 9/06/18
Jeanne Bucher Jaeger Lisboa Chiado, Rua Serpa Pinto 1 1200 – 442 Lisboa – Portugal