Femmes : pire que les inégalités de salaire, les inégalités de retraite

A travail égal, les femmes touchent un salaire inférieur de 9 % à celui des hommes. Mais les inégalités sont encore plus terribles en matière de retraite. Le montant moyen de leur retraite est de 39% inférieur à celui des hommes, tous régimes confondus. L’écart de pension atteint même 47% dans le régime complémentaire du RSI, auquel cotisaient les indépendants jusqu'au 1er janvier 2018, et 54% dans le régime complémentaire des cadres (Agirc).

Le gouvernement entend faire appliquer l'égalité salariale entre les femmes et les autres. Il se donne trois ans pour supprimer les écarts salariaux "inexpliqués" qui atteignent encore 9% à poste de travail égal. Les entreprises auront donc jusqu'à 2022 pour se mettre en conformité avec la loi, sans quoi elles seront sanctionnées financièrement et les contrôles seront renforcés. Les entreprises devront mettre en place un logiciel libre, comme il en existe en Suisse, pour évaluer les écarts de salaire entre femmes et hommes. En effet, si, à poste égal, l'écart était de 10% en 2016 selon l'INSEE, il est bien plus important si l'on considère le montant moyen des rémunérations : le revenu salarial annuel moyen des femmes est inférieur de 26% à celui des hommes. Pourtant, la première loi imposant l'égalité salariale entre hommes et femmes date de 1972. Depuis, une dizaine ont échoué à imposer l'égalité de rémunération, dont la dernière, dite "pour l'égalité réelle", promulguée en août 2014. 

Mais il y a pire. Les écarts de retraite entre hommes et femmes, qui découlent en partie de ces inégalités salariales, sont encore plus préoccupantes. Selon plusieurs syndicats, les pensions de droit direct des femmes -celles qui sont directement attribuées aux cotisants- sont inférieures de 40% à celles des hommes. Et si l'on prend en compte non seulement les droits directs mais aussi ceux liés aux dispositifs familiaux et aux pension de réversion, la retraite des femmes est encore inférieure de 26 % à celle des hommes.

Pourtant, comme le note le communiqué intersyndical des organisations de retraités et de syndicats de la fonction publique, comme la FSU, "l’augmentation de l’activité des femmes sur le marché du travail a contribué de façon croissante au financement des régimes de retraite". Celles-ci sont pourtant perdantes. Non seulement leur rémunération moyenne reste largement en-dessous de celle des hommes - 16 300 euros pour les femmes contre 22 100 euros pour les hommes en 2013- car elles occupent plus souvent des postes faiblement qualifiés, alors que leurs résultats scolaires sont meilleurs. Mais aussi parce que les femmes occupent plus souvent des emplois à temps partiel : 36 % d'entre elles travaillent à temps partiel contre 12 % des hommes.

Ce n'est pas tout. Les diverses réformes du régime de retraite les ont particulièrement affectées, car leurs carrières sont plus courtes, du fait de la maternité. Les diverses retraites engagées depuis la réforme Balladur de 2013 ont en effet rallongé la durée de cotisation qui est aujourd'hui de 43 ans. Par ailleurs, la retraite est maintenant calculée sur les 25 meilleures années et non plus sur les 10 meilleures. Enfin, l'instauration d'un mécanisme de décôte pour les carrières incomplètes les pénalise tout particulièrement. celui-ci contraint de nombreuses femmes à attendre l’âge qui annule la décote (67 ans aujourd’hui) pour liquider leurs pensions. Conséquence : en 2013, la pension moyenne de droit direct (hors avantages accessoires) était de 1 642 euros pour les hommes et 993 euros pour les femmes, selon des chiffres fournis par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) dans l'édition 2015 de son recueil sur “Les retraités et les retraites”.

Rappelons que ces inégalités découlent largement de choix effectués par les gouvernements qui se sont succédé. "Les dispositifs de départ anticipé pour carrière longue, ont bénéficié davantage aux hommes, tandis que certaines mesures plus favorables aux femmes, comme la meilleure prise en compte du temps partiel (2014) sont cosmétiques" explique le communiqué des organisations de retraités. Par ailleurs, "les droits familiaux ont été radicalement remis en cause avec la réduction de la bonification consentie par enfant", surtout dans la fonction publique. Cette bonification a été ramenée de huit à quatre trimestres pour les enfants nés depuis 2004, pour les salariés du privé. Les quatre autres trimestres peuvent être répartis entre les deux parents ou attribués à un seul au choix, mais sous condition. Enfin, pour les parents ayant élevé au moins trois enfants, la bonification atteint 10% du montant de leur retraite de base.

C'est dans la fonction publique que cet avantage familial a été le plus drastiquement réduit. Pour chaque enfant né après 2004, la bonification n’est que de deux trimestres à condition que les fonctionnaires hommes ou femmes, aient interrompu ou réduit leur activité. "Une femme qui, à l'instar d'une certaine ministre (1), qui n'avait pris que quelques jours de congé maternité, ou qui aurait accouché sur ses congés, ne pourrait bénéficier d'aucun trimestre supplémentaire", note Marylène Cahouet, de la FSU, deuxième syndicat majoritaire de la fonction publique après FO. Pour la syndicaliste, "c'est un recul", même si paradoxalement, celui-ci a été rendu possible au nom de la parité femmes-hommes, sur l'injonction de Bruxelles. "Alors que l'attribution de trimestres supplémentaires visait précisément à corriger les inégalités, notamment en terme de durée de carrière des femmes, plus courte que celles des hommes, on a égalisé par le bas", déplore la secrétaire générale du SNES-FSU en charge des retraités. Le secteur privé apparaît paradoxalement plus généreux que la fonction publique, sauf pour les parents de familles nombreuses, qui bénéficient d'un bonus de 10% à partir du troisième enfant et de 5% de plus à partir du quatrième enfant. Ou encore pour le parent qui aurait choisi de travailler à temps partiel pour élever un enfant de moins de trois ans ou qui aurait décidé de prendre un congé parental. Dans la fonction publique, ces périodes-là sont en effet prises en compte dans la limite de trois ans par enfant.

Mais ces avantages familiaux, qui bénéficient majoritairement aux femmes, sont à double tranchant. Pour les diverses organisations signataires du communiqué "Pour les femmes retraitées, encore plus d’inégalités", ceux-ci contribuent à enfermer les femmes dans leur rôle de mère "en pérennisant l’assignation sociale des femmes aux tâches parentales". Ils sont également insuffisants à corriger les inégalités de retraite entre hommes et femmes. Les retraités pauvres continuent donc majoritairement d'être des femmes. Pour Marylène Cahouet, de la FSU, il est donc temps que les femmes revendiquent de pouvoir mener une carrière réussie à l'instar des hommes, ce qui suppose des investissements dans des modes de garde mais aussi un changement de mentalité, afin de leur permettre de concilier vie familiale et vie professionnelle. Car ce sont toujours les femmes qui accouchent et qui ont, par conséquent, besoin de congés maternité. D'autant que, le congé de paternité des salariés, qui complète le congé de naissance de trois jours, est optionnel et sa durée n'est que de 11 jours calendaires. Le gouvernement étudie son éventuel allongement et son extension aux professions libérales et indépendantes. Tout en redoutant le coût de cette mesure pour la Sécurité sociale. Il y a donc encore du chemin avant que les hommes ne soient incités à prendre toute leur part dans les tâche parentales.

Véronique Valentino

Notes

(1) L'ex ministre de la justice de Nicolas Sarkozy, s'était vantée en 2009, d'avoir repris le travail seulement cinq jours après son accouchement. Une performance qui avait été diversement accueillie à l'époque.

Lire le communiqué intersyndical UCR-CGT, UCR-FO, UNAR-CFTC, UNIR CFE-CGC, FSU, UNIRS-Solidaires, FGR-FP, Ensemble & Solidaires - UNRPA, , LSR "Pour les femmes retraitées, encore plus d’inégalités" ici

Chronologie des dispositions en faveur de l'égalité femmes-hommes ici