Singulières solitudes new-yorkaises avec Luc Kordas
La solitude est le principal leitmotiv new-yorkais, palpable dans toute la ville. Luc Kordas, photographe de rue étranger, récemment installé là-bas nous propose son approche et ses découvertes dans la Grosse Pomme.
New York : 8 millions d'habitants, pour la plupart immigrants ou personnes déplacées. On peut en sentir les différentes nuances (de gris!): de celles d'un chauffeur vénézuélien d'Uber parti en laissant sa famille sur place et qui reprend des couleurs dès que je lui parle en espagnol, ou encore celle des gens que l'on croise sur les appli de rencontre, voire celle de la femme ukrainienne de quarante ans qui m'accoste au supermarché, me parlant en russe et me disant que je lui rappelle son fils qu'elle a quitté il y a deux ans, fuyant la guerre sur place et qu'elle n'a plus vu depuis lors. Alors, qu'il s'agisse de la solitude d'un non-croyant, ou de celui en passe de comprendre la vacuité et l'incertitude du monde actuel, tout cela est présent aux marges de la ville bouillonnante qu'est New York .
Je suis arrivé d'Europe à New York en 2014, après avoir été dix ans sur la route - déménageant chaque année et vivant dans six pays différents, pour me consacrer à la photo. Lors d'un voyage, il y a quelques années, j'y ai trouvé un sujet qui méritait d'être développé plus avant. Des gens de toute extraction arpentent les rues de Manhattan - cette espèce de Tour de Babel, corne d'abondance pour un photographe de rue. Mais c'est un combat de tous les instants, un jour surexcité par la ville , le lendemain, en proie à un énorme ras-le-bol…
Il y a tant de foules différentes à New York et de solitaires dans la ville. Et ce n'est pas seulement dû à tous les nouveaux venus qui y vivent éloignés de leurs familles ou de leurs amis, mais aussi parce que la technologie a pris le pas sur nos vies, nous séparant les uns des autres.
Ironiquement, a contrario de la densité urbaine, il est très facile de s'y sentir seul. Tant de gens sont focalisés sur leur carrière ou le fait de gagner de l'argent, qu'il semble que plus personne n'ait l'énergie pour des relations ou de simples discussions profondes. Et alors même qu'il est facile de se lier aux autres, le résultat n'est guère satisfaisant avec des interactions qui confinent au vide et à l'absence de sens. Il y est vraiment trop facile d'y être anonyme et de s'y sentir perdu.
Singulières solitudes de Luc Kordas adapté et traduit par Gilles Dalose le 7/03/18