Hommage à Karim I. décédé Porte de la Chapelle

Hommage à Karim I. décédé Porte de la Chapelle, mort de froid, de manque de soin et d'humanité, fruit d'une politique mensongère et meurtrière. Karim, dit "Chef", car dans ce petit coin de déshérence, c'est lui qui prenait soin des autres. Réfugié statutaire, il s'inquiétait souvent que ses camarades puissent mourir du sort qu'il leur était fait. C'est lui qui est finalement décédé ce jeudi 8 mars à quelques mètres de ces pierres déposées par la Ville de Paris, sur cette bouche d'aération de quelques mètres carrés où nous avons vu tant de personnes s'amasser pour tenter de ne pas mourir de froid ! A quelques dizaines de mètres d'un centre qui n'a d'humanitaire que le nom barricadé jour et nuit derrière des vigiles, derrière des chiens sans muselière, derrière des escadrons de CRS. Et devant lequel meurent à petit feu ou pour cause de grand froid des hommes, des femmes et des enfants qui ne peuvent compter pour se sustenter, s'abriter quelques heures, s'asseoir sur une chaise quelques minutes alors qu'ils sont parfois âgés, très souvent malades, souvent grands blessés de guerre, que sur la solidarité active de milliers de citoyens qui se relaient jour et nuit aux alentours du centre ou dans tous les coins et recoins ou les réfugiés sont relégués par les forces de l'ordre. 

LE TEXTE QUI A ETE DIT ET TRADUIT EN PLUSIEURS LANGUES EN HOMMAGE A KARIM ET A TOUS LES MORT.E.S ET DISPARU.E.S DE L'EXIL

Ce n'est pas facile de parler. Ce n'est pas que les mots nous manquent. Les mots nous viennent par blocs, par phrases entières. Parfois ils nous viennent comme des cris.

Et les images aussi nous viennent, car la mort rôde porte de la Chapelle, elle est partout, elle est sans cesse. Elle est dans les souvenirs du pays et ceux de la route. Dans le souvenir de ceux qui ont « disparu ». Disparus dans la mer, disparus quelque part en chemin, disparus dans la vallée de la Roya ou Porte de la Chapelle. Toutes celles, tous ceux dont on est resté sans nouvelle, qui sont si loin, qu'on aime et dont on ne sait pas si on les reverra. La mort rôde jour et nuit à Paris, en île de France, sur ces milliers d'enfants, de femmes et d'hommes, car nous manquons de tout ici, nous manquons de nourriture, de chaussures, de couches pour les bébés, de médicaments et de docteurs pour soigner les blessures de guerre et les plaies en tout genre, et nous manquons aussi parfois d'espoir. 

Les mots nous viennent dans toutes les langues. Ce sont des mots de colère et d'indignation. Ils nous viennent aussi parfois avec des larmes et des sanglots.

Alors Karim aujourd'hui nous pleurons pour toi, et nous pleurons aussi avec toi qui étais si compatissant pour tous ceux que l'on a perdus.

Mais Karim tu le sais aussi la vie est partout Porte de la Chapelle. Elle est dans nos échanges surprenants, parfois difficiles, si riches. La vie est dans cette solidarité de tous envers tous, si dérisoire et si précieuse. Elle est dans tout ce que nous recevons et dans tout ce que nous donnons. Elle est dans les yeux de cette jeunesse du monde capable de tant de prouesses. Elle est dans la dignité et l'humour si présents ici Porte de la Chapelle, et partout où vous amenez dans votre minuscule bagage une immense part d'humanité.

Alors Karim on sait que tu ne nous en voudra pas de continuer à partager, à parler, à se rencontrer, à faire vivre l'espoir et à s'occuper des vivants.

Repose en paix.

Une prière a été dite par les camarades de Karim puis une minute de silence a été observée à sa mémoire et celle de tous les autres disparus. Ceux qui le souhaitaient ont pu déposer une fleur sur les pierres gravées par les compagnons tailleurs de pierre.