Pas de prêt en dessous de la ceinture ; quand une bibli censure un roman de Claro

Comme vous pouvez le constater sur la photo ci-contre, une bibliothécaire (je ne citerai ni nom ni lieu) a jugé bon non seulement de mettre en garde le jeune lecteur devant la teneur "érotique" d'un de mes textes, mais en outre de lui interdire de l'emprunter.

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Après diverses recherches, il semble qu'il n'y ait pas de législation très claire sur l'âge légal pour l'emprunt de texte "érotique" ou "à caractère pornographique". Moins de seize ans, moins de dix-huit-ans, petite pastille portant la mention "bisou" (!), chaque bibliothécaire doit se débrouiller avec sa conscience professionnelle.

Toutefois, je tiens à préciser, à l'intention de la personne qui a jugé bon d'affubler mon ouvrage de la mention "roman érotique – pas de prêt en dessous de 18 ans", que le dit roman – Crash-test, éditions Actes Sud – n'est absolument pas érotique. Enfin, je ne crois pas, à moins que ça m'ait échappé (que ça soit parti trop vite?). En revanche, il a à voir avec la pornographie, dans la mesure où, par l'entremise d'un personnage (une strip-teaseuse), il met en scène, littéralement, un discours critique virulent contre la domination masculine et, surtout, la culture du viol. Rien de très excitant, donc, on en conviendra.

Nos chères têtes blondes doivent-elles attendre l'âge légal du vote pour pouvoir lire une œuvre de fiction où la suprématie machiste est montrée du doigt (voire écrasée du talon)? En ce cas, j'en profite pour livrer aux lecteurs curieux l'extrait suivant, que je leur prête sans restriction d'âge. A eux de me dire si cet extrait leur semble plus nuisible à la jeunesse qu'un morceau de 50 nuances de Grey

Ils sont sans doute persuadés qu’il est flatteur d’être convoitée, amusant d’être un cul, excitant d’être une proie – facile d’être facile. Et elle se dit qu’elle est pourtant incapable de les considérer, eux, comme de simples émetteurs de pulsions, comme de purs prédateurs de tergal, elle refuse de ne voir en eux que d’apprentis convoiteurs. Mais eux, que disent-ils, déjà ? Que c’est plus fort qu’eux ? Qu’ils ne peuvent s’empêcher de voir la viande sous le voile, le oui sous le non, leur main sur son cul ? Qu’ils obéissent bien malgré eux à l’appel de la chair, et n’en sont pas moins respectueux de sa personne, mais à un autre niveau, sur un autre plan ? A croire qu’ils cogitent, bandent, agissent malgré eux.

Des hommes-malgré ? Des violeurs-malgré ? Des malgré-maîtres, jamais repus de leurs prises, entièrement dévolus à l’hypocrite conquête de l’autre, animés et manipulés par des afflux de sang, des secousses spermatiques, des élans impétueux ?

et dansant au plus cru de leur être ?

Elle aimerait voir en eux autre chose que des seigneurs de guerre déguisés en épiciers de galéjade, et ne pas les condamner tous, et ne pas leur donner la damnation en partage, et ne pas s’approcher d’eux en brandissant un sécateur afin qu’ils ne s’abusent pas quant à ses intentions
                                                                                   — mais il y a les faits, il y a le charnier des faits, invisibles sous la cendre de leurs exploits mais qui ondoie comme un tapis d’asticots à chacune de leurs déclarations.

Cannibale Claro   le 27/02/18

Mais que vient faire Pierrot le fou ici ?Le film fut interdit aux moins de 18 ans " en raison de l’anarchie intellectuelle et morale de l’ensemble du film et de certaines scènes de violence ", et a occasionné la création d’une sous-rubrique «&n…

Mais que vient faire Pierrot le fou ici ?Le film fut interdit aux moins de 18 ans " en raison de l’anarchie intellectuelle et morale de l’ensemble du film et de certaines scènes de violence ", et a occasionné la création d’une sous-rubrique « Pour ou contre Godard » dans le courrier des lecteurs de Cinémonde, où l’on s’écharpe allègrement pendant plusieurs mois, nous informe "Un défi à la loi ? Les controverses autour de Pierrot le fou de Jean-Luc Godard‪", un excellent article de la revue Quaderni.