Quelques retours de terrain et questions qu'on se pose sur le crack Porte de la Chapelle
QUELQUES RETOURS DE TERRAIN ET QUESTIONS QU'ON SE POSE.
Oui, on laisse la drogue circuler (au milieu des escadrons de policiers qui tiennent tous les carrefour du coin). Oui, on a fermé le centre pour toxicomanes qui était juste là, sans absolument rien pour le remplacer, juste l'omniprésence de gars en uniforme qu'on balance au milieu d'une réalité qu'ils ne connaîtront jamais qu'à travers les vitres des fourgons où ils gambergent. Dont ils ne sortent pas sans leurs lourdes armures articulées (qui les protègent de qui et de quoi au final ? Et nous, ça nous protège de quoi ? Et les gens qui errent ? Pourquoi on ferme les centres de soin les uns après les autres ? Et, dans ce contexte, on attend qu'elles règlent quoi, les armes dernier cri dont on les équipe ?)
Tiens, sous le pont, en voilà qui apostrophent la petite toxico de 20 ans, déjà bien détruite mais bien mignonne quand même, avec ce qui éclate encore de la fraîcheur de ses 20 ans... La petite qui va devoir se taper une passe vite fait pour que transitent dans ses doigts gelés les 5 € qu'elle refourgue aussitôt au dealer, qui attend lui aussi le petit billet pour sa dose. Oui ! Les flics la sifflent, la fille, quand elle passe sous le pont qui débouche sur le périph', et ils rigolent bien fort.
Oui encore, on mélange ceux qui n'ont presque plus avec ceux qui ont moins encore. Et oui, chacun se cramponne à son dernier espoir, car seuls ceux qui le perdent ont vraiment tout perdu. Oui, les doses qui rendent accros, malades et fous sont à 5 € !! Et gratos parfois, juste la première fois, juste pour essayer... Juste ce soir, juste parce que ce gamin de 17 ans, juste parce le vent froid et humide, parce que des fois c'est plus dur et que la petite dose, elle est là, à portée de main, gentiment offerte... Oui ! Et, après, quand vient le drame de plus, on se désole, on en parle pendant 48 heures et ça finit dans les oubliettes de la rubrique Faits Divers.
Oui ! On se croirait dans une série un peu flippante, mais nous élevons nos enfants dans ce marasme et on a compris que c'était pas sur le chemin de s'arranger rapidement. Non ! Ce n'est pas toujours évident d'expliquer. Oui ! Les politiques qu'on rencontre savent tout cela et nous assurent qu'ils font au mieux.... Les uns pensent vraiment que ce genre de politique publique c'est le top de ce qu'on peut penser collectivement et proposer comme modèle de société... Les autres sont déprimés et nous expliquent qu'au moins ils font ce qu'ils peuvent pour "éviter le pire" ^^, sauver les meubles et au passage leur propre peau. On comprend que ce n'est pas de là que viendra le salut et qu'on a intérêt à compter sur nous-même pour surfer sur l'océan du pire tout en continuant d'y croire et de réinventer le meilleur.
Solidarité Migrants Wilson le 18 décembre 2018
Né entre voisins de La Plaine Saint Denis en novembre 2016, habitants de tout âge, toutes conditions et de toutes les couleurs de la race humaine notre collectif organise la solidarité au Nord de la capitale, porte de la Chapelle, coin obscur où politiques et police relèguent toutes les misères du monde car le coeur de la capitale doit rester coquet. Nous avons été rejoints par des Parisiens et des habitants de toutes les banlieues, et régulièrement on vient de province et de l’étranger pour prêter la main ! Nous aidons ceux que les pouvoirs publics tentent délibérément de “décourager “pour qu’ils “rentrent chez eux” en les privant de soins, de nourriture, de possibilité de dormir, de couvertures, d’accès à leurs droits légaux, et quasi-quotidiennement en les gazant et les matraquant ! Voici la triste réalité que notre présence sur place nous fait constater.
Nous mettons tout en œuvre pour que moins meurent de froid, de faim de maladie ou de désespoir. Pour que moins soient réexpédiés dans leur pays sans avoir pu déposer de demande d'asile... Nous ne sommes pas une association, juste des citoyens indignés qui essaient de se regarder dans une glace le matin et qui privilégient l’action collective. Nos actions :
Distribution de repas, de vêtements chauds, de couvertures et tentes.
Rendre visibles ceux qu’on veut cacher : Information auprès du public - témoignages réguliers de la réalité du terrain - et des médias.
Distribution de chaleur humaine, de sens, de dignité et de rires
Distribution d’ infos vitales (où prendre une douche, comment obtenir des conseils juridiques, où trouver des cours de français, où se faire soigner, etc.)
Mobilisations pour interpeller les pouvoirs publics afin que les réfugié.e.s soient accueillis de manière décente et puissent accéder au droit d'asile, droit humain fondamental en voie d'extinction.
Nous c’est vous, c’est chacun ! Chaque geste compte nous sommes tous responsables. Notre action qui peut s’arrêter du jour au lendemain relève du miracle quotidien. En effet de la petite initiative de quartier, notre initiative est devenue rapidement un point de référence pour des milliers de personnes. Concrètement cela signifie PLUSIEURS DIZAINES D'HEURES de bénévolat CHAQUE JOUR pour acheter, récupérer, nourrir, informer, préparer, nettoyer, informer, coordonner. Ce, depuis 20 mois sans une journée de répit. C’est cela le miracle et il n’est possible que parce que des personnes se relaient et PRENNENT DES INITIATIVES, qui pour être présent 2h, qui pour envoyer des mails, qui pour faire des photocopies, qui pour organiser des collectes, etc . Nous fonctionnons toujours en flux tendu, nous ne sommes pas des pros et ne voulons surtout pas nous professionnaliser. Notre but est de passer le relais à une collectivité digne de son nom, ce qui apparemment n’est pas pour demain la veille! Mais ça arrivera un jour ou l’autre, dans un certain nombre d’années, grâce aux efforts des centaines de milliers de compatriotes qui s’activent d’un bout à l’autre de la France. En attendant, notre action continuera tant qu’il y aura des gens pour prendre le relais de ceux qui s’essoufflent et ainsi nourrir l’espoir et faire germer des graines d’avenir.