Naissance d’un nouveau mouvement féministe
Au cours des dernières années on observe une progression du mouvement féministe au niveau mondial. Depuis le mouvement #ni_una_menos (pas une de moins) qui a éclaté il y a deux ans en Argentine contre les féminicides et les viols, jusqu’aux manifestations féministes contre Trump aux USA et plus récemment dans la campagne #metoo contre la violence de genre, les revendications féministes sont revenues au premier plan.
Dans ces conditions, cette année, le 8 Mars, Journée internationale des femmes, des rassemblements et des défilés ainsi que des « grèves féministes » ont été organisés dans de nombreux pays du monde.
En Espagne, 5,3 millions de femmes ont participé à la grève féministe qui a été convoquée. Le 8 mars des femmes se sont abstenues de leur toute activité, aussi bien professionnelle que ménagère. Des dizaines d’associations ont participé à une grève de 24 heures, alors que les deux principaux syndicats du pays avaient appelé à un arrêt de travail de deux heures. Les rues de Madrid, de Barcelone et de 120 villes où avaient été convoqués des rassemblements et des manifestations se sont remplies de femmes qui scandaient « Si nous nous arrêtons , le monde s’arrête ». Dans les rassemblements on a aussi bien entendu des mots d’ordre féministes qu’anticapitalistes, ce qui montre qu’en réalité il s’agit d’un combat commun et que les revendications féministes ne sont pas simplement d’ordre « juridique ».
Il y a eu aussi une grève féministe en Italie, où les femmes ont démontré que « sans elles le monde n’avance pas ». 130 vols aériens ont été annulés, et le réseau des transports publics de Rome a été perturbé à cause de la grève. Des manifestations de plus ou moins grande ampleur ont eu lieu dans plus de 40 villes de tout le pays.
Le 8 mars en Argentine avait un caractère similaire. Dans ce pays, après la bataille contre les féminicides, les viols et la violence de genre, le combat féministe s’est mué en mouvement de grève et s’est joint aux revendications ouvrières contre le gouvernement. La participation à la grève a été satisfaisante, et celles qui ne pouvaient pas faire grève étaient conviées à faire autant de bruit que possible sur leur lieu de travail à 11 heures du matin pour unir leurs voix à celles des autres femmes afin qu’elles soient entendues partout. Les manifestations qui avaient été convoquées dans différentes villes du pays s’inscrivaient clairement, à cause du rapprochement entre les luttes ouvrières et la grève féministe, dans le cadre de la lutte des classes, y rattachant la revendication des droits reproductifs, alors que quelques jours auparavant un projet de loi dépénalisant l’IVG avait été déposé à la chambre des députés.
En Angleterre aussi la Journée internationale des femmes s’inscrivait dans un mouvement de classe, spécialement à Londres le combat féministe a rejoint la revendication des femmes de ménage pour un « salaire suffisant pour vivre » (au même moment, dans les rassemblements de Londres, Édimbourg, Cardiff, etc. les femmes ont voulu montrer leur solidarité avec toutes les femmes qui luttent dans le monde entier).
En Pologne les femmes ont revendiqué des salaires égaux et la fin des violences contre les femmes. « Nous défendons nos vies » , criaient les femmes, essayant de rappeler les fondamentaux.
En Turquie aussi, les femmes voulaient défendre leur vie : selon la plateforme «Stop au féminicide », 339 femmes en été tuées en 2017, et 76 au cours des premiers mois de 2018. Des milliers de femmes se sont rassemblées à Istanbul, à Ankara, à Izmir et à Mersin, arborant des drapeaux violets et scandant « Nous ne quittons pas les rues ».
Aux USA, des manifestations ont été convoquées pour un féminisme des 99 %, qui comprendra les noires, les latines, les pauvres, les travailleuses, les LBGTQ, et pas seulement un féminisme pour les femmes blanches de la classe moyenne. Bien que la participation ait été moindre par rapport à l’année dernière et la Marche des Femmes qui a eu lieu pour l’anniversaire de l’élection de Trump, l’ambiance dominante était très bonne et le combat féministe a convergé avec différents autres fronts. À Berkeley, Californie, les étudiant·es, les enseignant·es et les travailleuses et travailleurs des écoles ont organisé ensemble des manifestations et des actions, et en Virginie Occidentale, les actions du 8 mars se sont été associées à la grève des professeur·es et des employé·es des écoles.
Les manifestations dans le monde entier montrent que nous assistons à la naissance d’un nouveau mouvement féministe, très différent des précédents. Les femmes qui descendent dans les rues sont des femmes ordinaires, qui ne possèdent pas nécessairement tous les outils théoriques du féminisme. Ce sont des femmes en colère contre ce qui leur arrive, des femmes qui descendent dans la rue et crient « On en a marre ! ». L’exemple des grèves féministes est la meilleure preuve que le féminisme n’est pas un luxe pour la lutte anticapitaliste, mais une condition préalable. La participation de masse en Espagne et en Argentine montre que les femmes sont présentes et revendiquent leurs droits à la fois en tant que femmes et en tant que travailleuses. Cet exemple, nous devons le suivre ici aussi et mettre en route les processus qui nous conduiront, le 8 mars de l’année prochaine, à parler d’une grève féministe en Grèce aussi. Cela peut nous sembler irréalisable, mais la participation massive aux manifestations d’Athènes et de Thessalonique, ainsi que la participation de l’ΑDEDY (Confédération des syndicats de fonctionnaires) avec une banderole au défilé d’Athènes montrent qu’un nouveau mouvement féministe est en train de naître petit à petit, et nous devons être là pour le soutenir et le radicaliser en le reliant aux luttes ouvrières.
Katerina Kallergis
Traduit par Jacques Boutard
Édité par Fausto Giudice
Merci à Tlaxcala
Source: https://bit.ly/2S3DuFV
Date de parution de l'article original: 21/04/2018
URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=24710