Pendant que Trump prépare sa visite en Israël, les prisonniers palestiniens poursuivent leur grève de la faim
Plus de 1 000 prisonniers politiques palestiniens ont entamé aujourd'hui 15 mai leur 29e jour degrève de la faim. La plus longue grève de la faim du Mahatma Gandhi a duré 21 jours. Le Républicain irlandais Bobby Sands est mort au 66e jour de la sienne. En 2011, le prisonnier politique palestinien Khader Adnan a mis fin à sa grève de la faim au 66e jour.
Trois ans plus tard, quand il a été à nouveau arrêté, Adnan a de nouveau fait la grève de la faim. Le ministre de la Sécurité Publique d'Israël, Gilad Erdan, a déclaré à l'époque : « Les prisonniers sécuritaires désirent faire de la grève de la faim un nouveau type d'attentat suicide qui menacerait l'État d'Israël. Nous ne pouvons laisser qui que ce soit nous menacer et nous ne permettrons pas que des prisonniers meurent dans nos prisons ». L'exemple de Bobby Sands perdure. Sa mort en 1981 a galvanisé le mouvement républicain irlandais. L'alimentation forcée est déconseillée par les tribunaux israéliens, mais reste à l'ordre du jour pour Erdan.
La couverture médiatique de la grève a été lamentable. Pendant les deux premières semaines de cette grève historique, elle n'a pratiquement pas été traitée. Peu d'agences de presse ont mentionné les exigences des grévistes, qui sont conformes aux lois internationales et au bon sens (voir mon compte-rendu du 25 avril sur la grève pour plus de détails). Leur longue liste peut se résumer en quatre points essentiels :
- Que les autorités pénitentiaires israéliennes permettent aux familles des prisonniers de leur rendre visite, et qu'elles autorisent leurs membres à prendre des photos. Seulement deux visites de 45 minutes chacune sont autorisées par mois, encore que les membres des familles résidant à Gaza ou dans certaines parties de la Cisjordanie n'ont pas reçu la permission de visiter les détenus.
- Que les prisonniers aient un accès suffisant aux soins médicaux. Le ministère israélien de la Santé n'est pas en charge de la santé des prisonniers. Ce soin est laissé au ministère de la Sécurité intérieure, qui voit un intérêt à utiliser les soins médicaux contre les prisonniers comme un élément du régime disciplinaire.
- Que les « règles Mandela » sur le placement à l'isolement soient adoptées, de sorte que les prisonniers ne soient pas placés à l'isolement plus de 15 jours. Les prisons israéliennes n'ont pas honte de dire qu'au moins 63 prisonniers sont placés à l'isolement depuis plus de six mois.
- Que le gouvernement israélien mette fin à sa politique de détention administrative, qui fait qu’ au moins 688 prisonniers sont détenus sans inculpation ni contrôle judiciaire.
Aucune de ces revendications élémentaires n'est prise au sérieux. En fait, la grève de la faim n'a fait son apparition dans les médias que quand le gouvernement israélien a accusé un de ses meneurs d'avoir rompu le jeûne. C'est Marouane Barghouti, largement reconnu comme le leader des prisonniers et l'un des membres du Fatah les plus admirés, qui a lancé la grève. Les Israéliens ont diffusé une vidéo montrant un homme censé être en train de manger des cookies et une barre chocolatée à deux occasions. Il est impossible de vérifier l’authenticité la vidéo ou même de distinguer ce que fait l'homme, ou même s'il s'agit vraiment de Marouane Barghouti.
Dans sa conférence de presse du 7 mai, Gilad Erdan a affirmé que Barghouti « est un meurtrier et un hypocrite qui a incité ses codétenus à faire grève et à souffrir pendant qu'il mangeait dans leur dos ». La femme de Barghouti, Fadwa, a déclaré qu'Israël avait « recours à des procédés méprisables. » Selon elle, les images datent peut-être de 2004. «Ce n'est pas étonnant au regard des effets de l'occupation et des mensonges qu'ils ont essayé de répandre. Un tel acte dévoile le visage hideux de l'occupation israélienne. » Le chef du Club des Prisonniers Palestiniens, Qadoura Fares, a déclaré que la vidéo est un montage grossier.
Les allégations d'Erdan n'ont eu que peu d'impact sur la lutte des Palestiniens. Le 27 avril, une grève générale a paralysé des villes comme Ramallah en Cisjordanie. Des militants palestiniens affirment qu'on n'avait pas ressenti un tel sentiment d'unité depuis au moins deux décennies. Près de la colonie illégale de Bet El, de jeunes Palestiniens ont créé avec des tessons de verre une mosaïque murale représentant le visage de Marouane Barghouti. Cela fait écho au génial poème de Mahmoud Darwish « Beyrouth », écrit en honneur aux combattants palestiniens. « Connaissez-vous les morts » demande le poète, et il répond « Ils naîtront sous les arbres, /Ils naîtront sous la pluie, /Ils naîtront de la pierre, / Ils naîtront du verre brisé... »
La santé des prisonniers engagés dans cette grève pour la Liberté et la Dignité se détériore rapidement. Selon le Comité palestinien pour les affaires de prisonniers, les prisonniers font état de vertiges, de fortes douleurs et d'importantes pertes de poids. Selon un communiqué diffusé le 9 mai, «Le Service Israélien des Prisons mène chaque jour des raids d'inspection en utilisant des chiens policiers, et ils aspergent les prisonniers d'eau au lieu de leur en donner à boire. »
On peut se faire une idée de la situation des prisonniers à la lecture d'une lettre sortie clandestinement de la prison d'Ashkelon et adressée au bureau de l’ Asra Media Office à Gaza. Elle a été écrite par Muhammad al-Qiq, un journaliste palestinien qui a fait une grève de la faim de 94 jours en 2016. Al-Qiq écrit dans sa lettre qu'il a perdu six kilos mais que son moral est bon. « Une fois qu'ils se seront résolus à faire face à l'occupant le ventre vide, » écrit al-Qiq, « les héroïques prisonniers auront le dernier mot. »
Les tentatives pour atteindre Marouane Barghouti ont échoué. Il demeure à l'isolement. Yousef Jabareen, membre de la Knesset d'Israël, a essayé de voir Barghouti, mais l'autorisation lui a été refusée par l'administration carcérale. Au cours des dernières semaines, les autorités israéliennes ont bafoué trois fois le droit de Jabareen à voir Barghouti. « Le rejet par l'autorité carcérale israélienne) de toutes mes demandes de rendre visite à Barghouti constitue une sérieuse atteinte à mon activité politique en tant que membre de la Knesset et à l'immunité parlementaire ,» a déclaré Jabareen. « « Il ne fait aucun doute que la grève des prisonniers a la plus grande importance pour le public et que c'est mon rôle en tant que représentant élu du peuple d'examiner de près la politique de l'Autorité pénitentiaire israélienne dans ce domaine. Ce travail s'effectue, entre autres, en rendant visite aux prisonniers. »
Jabareen et Mouna Haddad, une avocate d’Adalah (Centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël), ont écrit à nouveau aux autorités carcérales le 5 mai pour demander l'autorisation de voir Barghouti. Il est probable qu'elle leur sera refusée.
Dans deux semaines, Donald Trump arrivera en Israël. Du résultat de cette grève de la faim dépendra l'humeur de la rue. Si un prisonnier meurt, cela provoquera une grande colère dans la population palestinienne. Des exécutions sommaires de Palestiniens aux points de contrôle, comme celui de la petite Fatima Afif AbdulRahman Hjeiji (16 ans), aggravent la profonde frustration de la population. Comme les précédentes, cette grève de la faim unifie la population qui a été divisée par l'occupation et par les luttes acharnées qui ont opposé ses différents partis. La plaie ouverte que constitue l'occupation se manifeste par l'action de ces 1 500 prisonniers qui refusent de manger. Leurs demandes sont faciles à satisfaire. Mais le fait que les Israéliens refusent même d'en discuter révèle le caractère irréductible de l'occupation. C'est à cela que Trump devra se confronter.
Traduit par Jacques Boutard
Edité par Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي
Merci à Tlaxcala
Source: http://www.alternet.org/world/palestinian-hunger-strike-continues-trump-prepares-his-israel-visit
Date de parution de l'article original: 11/05/2017
URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=20495