Il est temps de prendre conscience de la violence de l’ultra droite
Les agressions perpétrées par des membres de groupes d’ultra-droite se multiplient. Depuis les blocus et manifestations lycéennes qui ont suivi l’affaire Théo, ce jeune homme violé à coup de matraque par des policiers d’Aulnay-sous-Bois, les hommes de main de l’extrême-droite s’attaquent à des militants antifascistes, faisant y compris des morts.
L’hydre fasciste relève la tête. Alors que de nombreux lycéens parisiens bloquaient leurs établissements dans l’entre-deux tours aux cris de « ni banquier, ni facho », une dizaine de militants de l’Action française, sont venus tracter devant le lycée Voltaire le 25 avril. Ces militants casqués du mouvement nationaliste et monarchiste d’extrême-droite n’ont pas hésité à menacer plusieurs lycéens et lycéennes de passage à tabac. Le lendemain, ils étaient devant le lycée Louis-le-Grand. Là, ils sont passés à l’action sans que les policiers, massés sur le trottoir d’en face, n’interviennent.
L’Action française refait surface
C’est encore l’Action française qui s’en est pris, le 4 mai dernier, à un militant antifasciste marseillais. Une dizaine de militants de ce groupe d’extrême droite tractait devant le lycée Perrier, lorsqu’un élève jette à terre leur tract. Les militants nationalistes lui demandent de ramasser le tract, ce qu’il refuse. Ils s’en prennent finalement à l’élève rebelle qui finira à l’hôpital, où il recevra sept points de suture autour de l’arcade et cinq à l’oreille. L’Action française avait déjà refait parler d’elle au moment des manifestations contre la loi travail. On peut dater ce renouveau depuis les manifestations contre le mariage pour tous, en 2013-2014.
La résurgence des mouvements d’extrême droite radicale
Dans de nombreuses villes, les militants du mouvement maurassien refont surface : à Paris, mais aussi Aix, Lyon, Marseille. Mais l’Action française n’est pas la seule à refaire parler d’elle. A Strasbourg, des manifestants d’extrême-droite, casqués et cagoulés, s’en sont pris à des militants anticapitalistes qui manifestaient contre l’élection de Emmanuel Macron, le dimanche 7 mai. Une quinzaine de ces militants auraient été interpellés par la police. A Orléans, c’est le Renouveau français, un mouvement de l’extrême-droite nationaliste, contre-révolutionnaire et catholique, qui s’est implanté dans la ville. D’où une floraison de croix gammées, mais aussi des agressions. Comme celle de ce jeune militant communiste en août 2016.
Des agressions qui se multiplient
Car c’est l’une des conséquences de la réapparition de groupuscules d’extrême droite depuis la très réac manif pour tous : la multiplication des agressions de militants communistes et surtout antifascistes. On se souvient bien sûr de la mort de Clément Méric, militant antifasciste assassiné par des membres du groupe de l’extrême droite radicale « troisième voie ». Dissous à la suite de ce meurtre, le mouvement créé par Batskin, alias Serge Ayoub, personnalité très populaire dans cette mouvance, semble avoir malgré tout essaimé sous la forme de divers groupes néo-nazis. C’est notamment le cas dans le Nord et en Picardie, comme l’a montré l’enquête autour du clan néonazi picard « WWK », pour « white wolfs klan » (le clan des loups blancs). On y retrouve un nom connu, celui de Jérémy Mourain, impliqué dans la mouvance néo-nazie picarde mais aussi lilloise, et qui ne serait pas étranger à l’affaire des « noyés de la Deûle ».
A Lille, un bar identitaire qui a pignon sur rue
Jérémy Mourain, actuellement en détention, serait impliqué dans la mort d’un musicien de rock et militant antifasciste, Hervé Rybarczyk, disparu après un concert en novembre 2011. Son corps avait été retrouvé dans la Deûle, rivière qui traverse la cité lilloise. La justice vient de rouvrir l’enquête qui avait été rapidement classée à l’époque. Lille où la mouvance identitaire est particulièrement bien implantée, grâce au bar La Citadelle, dont Martine Aubry, à la tête de la mairie depuis 2001, refuse d’exiger la fermeture. Plusieurs agressions homophobes et anticommunistes ont été perpétrées dans la ville par cette extrême-droite particulièrement virulente en 2016.
Un militant antifasciste marseillais attaqué à coup de couteaux
A Nantes, deux jeunes hommes ont été agressés à coup de barres de fer et de tessons de bouteille, dans la nuit de dimanche à lundi dernier. Selon l’une des victimes, l’un des agresseurs lui aurait demandé s’il était militant anti-fa. L’autre victime, un jeune homme nommé Erwann, aurait été placée en réanimation sous assistance respiratoire. (Lire l'article d'Indymedia Nantes pour en savoir plus). A Marseille, c’est H., un membre de l’Action antifasciste qui a été agressé à coups de couteau dans son appartement, par des militants d’extrême-droite qui l’attendaient sur place. Il a heureusement survécu à son agression. Le traitement de cette agression par la police témoigne de la complaisance de cette dernière envers la mouvance néo-nazie. Sollicitée par le journal gratuit 20 minutes, la police locale explique qu’il serait trop tôt pour établir que le motif de l’agression est politique et met complaisamment en avant le fait que la victime était ivre. Cité par le quotidien gratuit, H. rétorque qu’il avait effectivement « bu quelques coups » mais ne voit pas « ce que ça change ». Ecœuré, le militant antifasciste n’aurait « jamais pensé qu’on puisse aller aussi loin contre lui ».
Des flics plus que complaisants
Car c’est l’autre versant inquiétant de ces agressions. La complaisance de certains policiers envers les agresseurs. Dans le cas de la mort de Hervé Rybarczyk, la police judiciaire n’avait même pas été saisie. Parmi les identitaires lillois qui seraient impliqués dans la mort du guitariste du groupe Ashtones, l’un était un indic de la police, un barbouze dans le trafic d’armes. Claude Hermant aurait notamment fourni des armes au djihadiste Ahmedy Coulibaly, qui a perpétré l’attaque de l’Hyper Casher à Paris en janvier 2015. Selon Mediapart, la police, la DCRI (direction centrale du renseignement intérieur) et même la douane auraient été impliqués dans ce trafic d’armes. Les flics ont-ils fourni des infos sur les militants d’extrême-gauche aux fachos lillois ? Selon la Horde, publication antifasciste bien informée, la Maison de l’identité flamande, fondée par le même Hermant, « aurait publié à plusieurs reprises des noms et adresses de militants libertaires collectées suite à des interpellations ». Cette affaire a fait l’objet d’une plainte classée sans suite…
Véronique Valentino, le 12 mai 2017