Vandalisme adorable, par Nina Rendulic

Ici, il n'y a rien.

Ici, il y a tout.

Ici, il y avait, il y a eu, il va y avoir encore, puis à nouveau il n'y aura plus - des mots :

"Réduire l'immigration au strict minimum"

C'était le deuxième matin après le changement d'heure. De nouveau, la nuit recouvre la ville à l'aube, le Un traverse deux rivières, les étudiants sont ensommeillés, leurs musiques trop fortes, les visages indifférents et à perte de vue sous les lumières de la ville des affiches, des affiches aux verbes à l'infinitif, infinitif mutique (une loi? une vérité générale?) qui ne désigne personne : réduire, un injonctif dépersonnalisé, un JE qui se cache, un VOUS qui est absent, et aucune prise en charge, aucune possibilité pour que ces mots :  réduire / l'immigration / au / strict / minimum 
puissent ouvrir un dialogue car avec ces gens-là l'interaction n'existe pas.

Ainsi, il ne reste plus qu'à arracher, à refuser leur refus du dialogue, à ne pas se laisser réduire à une foule compacte et silencieuse. A agir par des actes là où les mots sont en vain.

Leur vandalisme linguistique. Mon vandalisme adorable.

Nina Rendulic

Nina Rendulic est née à Zagreb en 1985. Aujourd'hui elle habite à 100 km au sud-ouest de Paris. Elle aime les chats et la photographie argentique. Elle vient tout juste de terminer une thèse en linguistique française sur le discours direct et indirect, le monologue intérieur et la "mise en scène de la vie quotidienne" dans les rencontres amicales et les dîners en famille. Vous pouvez la retrouver sur son site : ... & je me dis

Nina Rendulic

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