Nina Fowler embrouille les mythologies
Là où généralement les artistes pop colorisent les mythologies usuelles, Nina Fowler charbonne son propos et les renvoie au noir et blanc glamour d'Hollywood, ou d'ailleurs. Qu'elle s'intéresse à Mick Jagger, ou à Rudolph Valentino, elle bouscule l'ordre du code Hayes qui a défini le visible de l'âge d'or californien, un peu façon Harcourt, tout lisse jusqu'au malaise. Mais dessiné tout en virtuosité. Survol…
Le cinéaste anglais John Maybury (Love is the Devil) la décrit ainsi: J’admire depuis longtemps le travail de Nina Fowler à la fois pour sa technique et, bien que cela puisse paraître étrange, comme artiste conceptuelle. Sa virtuosité pourrait situer son travail au centre de la tradition académique mais il me semble que ses choix et son application dans sa technique placent son travail dans un contexte bien plus contradictoire et expérimental. Réaliser des portraits de figures iconiques de la culture populaire du vingtième siècle n’a rien de nouveau dans le domaine des arts plastiques – on pense évidemment à Warhol mais plus récemment, d’Elizabeth Peyton, à l’italien Francesco Vezzoli, en passant par les Young British Artists, les figures plus ou moins célèbres des panthéons médiatiques se sont répandues par le monde de l’art contemporain. Cependant, en ce qui concerne Fowler, c’est plus complexe que cela. Son souci du détail littéralement autiste dans la réalisation de ces portraits est utilisé dans une approche archéologique des célébrités du passé. Cette approche originale voire étrange s’est amplifiée avec l’ambitieuse installation Valentino’s Funeral.
En tant que cinéaste, je suis depuis longtemps obsédé par le cinéma muet – une passion secrète ; alors que je vivais à Hollywood, j’ai commencé à collectionner des livres, des magazines, des cartes postales, etc. concernant les premières décennies du cinéma. A Los Angeles, il m’arrivait de mettre mes pieds dans les empreintes des fantômes de cette époque. Un ami originaire de Laurel Canyon m’a conduit dans sa Rolls Royce Silver Shadow pour visiter les manoirs survivants aux stars silencieuses du cinéma muet et de leurs metteurs en scène – à Forest Lawn et au Hollywood Cemetery, maintenant connu sous le nom de Hollywood Forever. C’est dans ce dernier lieu que l’humble dernière demeure de Rudolf Valentino peut être trouvée.
Alors, après Kenneth Anger et Guy Pellaert, Nina Fowler rebat les cartes de la mythologie pour en faire surgir l'étrange, l'ange du bizarre et dire à notre époque que ses stars ne sont, en somme, qu'interchangeables, jetables, et n'atteindront jamais le statut de "légendes".
Jean-Pierre Simard le 26/03/17
Plus sur le travail de Nina Mae Fowler, ici