Nouvelle plainte de Anticor contre Richard Ferrand, chef de file des députés LREM

Anticor vient de déposer une nouvelle plainte contre Richard Ferrand dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne. Ce dernier est accusé d'avoir favorisé l'acquisition par sa compagne de locaux situés à Brest, avec des fonds provenant de la mutuelle bretonne.  La plainte déposée en mai dernier avait été classée sans suite par le procureur du parquet de Brest, mais l'association a décidé de déposer une nouvelle plainte devant le pôle financier de Paris.

Anticor contre-attaque. L'association de lutte contre la corruption, a déposé hier une nouvelle plainte contre Richard Ferrand devant le doyen du pôle financier de Paris. L'association qui avait déjà déposé plainte le 31 mai dernier, conteste l'analyse faire par le procureur de Brest, qui a décidé de classer l'affaire le 13 octobre dernier. L'association a donc déposé une nouvelle plainte avec constitution de partie civile pour "prise illégale d’intérêts, recel de prise illégale d’intérêts et complicité de prise illégale d'intérêt" et, accessoirement, pour "obstacle à la mission de contrôle du commissaire aux comptes", contre le chef de des parlementaires de la majorité. "Nous ne sommes pas complètement d'accord avec l'analyse du procureur, qui évoque notamment une prescription", a expliqué jeudi 9 novembre, son président, Jean-Christophe Picard, sur France Info

En sa qualité d’association agréée par le Ministère de la Justice, Anticor peut se constituer "partie civile en ce qui concerne les infractions traduisant un manquement au devoir de probité", explique l'association, dans un communiqué de presse paru ce matin. Toujours sur France Info, Christophe Picard explique qu' "il y a bien, pour l'association, prise illégale d'intérêts, parce que la mutuelle exerce une mission de service public et que la prescription n'est pas acquise". L'association conteste la prescription, invoquée par le procureur de Brest pour classer le dossier, dans la mesure où, selon elle, en matière d'infraction dissimulée, comme c'st le cas pour les faits de corruption, la date prise en compte doit être celle à laquelle les faits ont été révélés et non celle à laquelle les faits ont été commis.

Rappelons que, le 17 février dernier, l'assemblée nationale avait acté, "dans une indifférence quasi générale", rappelle le Monde, un changement juridique décisif concernant la délinquance en col blanc. Les députés avaient en effet adopté un changement des règles de la prescription pénale qui se révèle lourd de conséquences. Cette réforme, qui était dans les cartons depuis une décennie, rappelle le Monde, prescrit un droit à l'oubli pour les crimes et délits. De trois à six ans pour les délits et de dix à vingt ans pour les crimes. Les parlementaires ont réservé un traitement particulier en étendant le délai de prescription à douze ans, mais ils en ont profité, subrepticement, pour faire démarrer ce délai au moment des faits. 

Cette réforme était censée régler l'insécurité juridique posée par l'absence claire de délai de prescription. Mais dans le cas des délits financiers, c'est un cadeau, depuis longtemps réclamé par la droite, aux délinquants en col blancs. En effet, jusqu'à cette réforme, le délai de prescription pour les "infractions dissimulées", comme le sont généralement les délits financiers, était censé démarrer au moment où les faits ont été connus. En la liant à la date de survenue des faits, les parlementaires ont donc rendus impossible le jugement d'une bonne partie des affaires d'abus de biens sociaux, fraude fiscale et détournements de fonds publics.

Or, les faits reprochés à Richard Ferrand, révélés par le Canard enchaîné, datent de 2010. Anticor conteste que les délits commis par le parlementaire LREM soient légalement prescrits, car ils n'ont été révélés qu'en 2017, s'appuyant sur la jurisprudence. Anticor soutient aussi que l'intéressé a tout fait pour cacher ses relations avec Sandrine Doucen, sa compagne et mère de sa fille. Sandrine Doucen, artiste plasticienne, a en effet réalisé une opération immobilière juteuse grâce à l'acquisition d'un local acheté à Rennes, qui a ensuite été loué aux Mutuelles de Bretagne, dont Richard Ferrand était alors le directeur général. Les mutuelles voteront également la réalisation de 184 000 euros de travaux pour aménager ces locaux rennais, sans aucune contrepartie.

Richard Ferrand avait signé le 23 décembre 2010, un compromis de vente pour ces locaux de 379 m2, sous réserve de leur location par les Mutuelles de Bretagne. Le 25 janvier 2011, le conseil d'administration de la mutuelle bretonne choisit les locaux loués par la SACA, une SCI qui n'a pas encore d'existence légale et n'est même pas encore officiellement des locaux. Il faudra attendre le 28 mars de la même année, pour que Sandrine Doucen crée la SACA, dont elle détient 99% des parts, avec un capital de seulement 100 euros. Celle-ci achète les locaux le 1er juillet grpace à un prêt de 402 000 euros, sans aucun apport, et entièrement garanti par les 42 000 euros de loyer annuel payés par la mutuelle. Plus tard, le capital de la SCI sera valorisé à 300 000 euros, soit 3 000 fois le capital de départ.

Pour Anticor, non seulement Richard Ferrand a caché ses liens avec Sandrine Doucen, mais l'association soutient que seuls trois des neuf membres du conseil d'administration en ont été informés. Le président des Mutueles de Bretagne et le commissaire aux comptes n'étaient pas au courant. La plainte d'Anticor, qui relance la procédure enterrée par le parquet de Brest, devrait déclencher la désignation d'un juge d'instruction du parquet national financier et l'ouverture d'une instruction. A l'issue de cette instruction, le juge décidera ou non de poursuivre Richard Ferrand.

Véronique Valentino