Marie-Reine, agressée par la police à Agen parce que noire, sa plainte classée sans suite
Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2016, une jeune mère de famille qui revenait d'une soirée passée chez un ami, était prise en chasse par une voiture. Les personnes au volant, après l'avoir rattrapée à l'issue de cette course poursuite, l'ont frappée et insultée. Problème, ses agresseurs se sont révélés être... des policiers de la BAC.
Marie-Reine ne se remet toujours pas de sa soirée du 30 avril 2016. Cette nuit-là, cette femme noire de 38 ans, mère de 3 enfants, a cru qu'elle allait mourir. Son histoire, elle l'a racontée à Elsa Vigoureux, journaliste pour l'Obs et co-autrice de la "Lettre à Adama" avec Assa Traoré, dont le frère est mort entre les mains de la police en juillet 2016. Selon l'article publié sur le site de l'Obs, Marie-Reine a été traquée en voiture dans les rues désertées d'Agen, alors qu'elle revenait d'une soirée passée chez un ami à deux heures du matin. Extirpée violemment de sa Renault Mégane, elle est ensuite agressée et humiliée par les deux individus blancs, dont une femme, qui l'ont prise en chasse. Les coups et les injures à caractère raciste et sexiste pleuvent sur Marie-Reine. "Salope, sale race, tu vas voir ce qui va t'arriver", lui lance la femme, sous le regard amusé de son collègue. Marie-Reine pense alors qu'elle a affaire à un couple de violeurs, du type Michel Fourniret et sa femme.
Mais, quand les agresseurs la menottent, Marie-Reine découvre que ce sont des agents de la BAC (police en civil). Les deux agresseurs la frappent, lui arrachent ses vêtements et la griffent, tout en continuant à l'insulter. Puis, ils l'emmènent au commissariat. Marie-Reine, qui porte une robe courte que ses agresseurs ont déchirée, supplie les policiers de la baisser, mais ils refusent. Elle traverse donc la cour les fesses à l'air à la vue de tous. Elle sera placée en garde-à-vue, humiliée et injuriée à nouveau. Le médecin, appelé sur place, lui propose des calmants, qu'elle refuse, mais confirme qu'elle est apte à rester en garde à vue. L'éthylotest est négatif. Pire, l'avocate commise d'office qui est contactée lui conseille d'avouer qu'elle a bu. L'officier de police judiciaire qui la reçoit le lendemain, lui explique qu'elle est trop enflée pour faire des photos et lui conseille de revenir dans un mois, avant de la laisser enfin sortir.
Marie-Reine reprend donc le volant de sa Renault Mégane, garée dans la cour du commissariat, "avec sa robe déchirée, ses chaussures déchirées, son visage tuméfié, son dos griffé, ses genoux, ses coudes, en sang". Arrivée chez elle, elle retrouve ses enfants et leur père, qui l'accompagne à la clinique Esquirol. Le médecin, révolté par cette agression raciste, lui conseille de porter plainte. Il lui délivre un certificat constatant des "ecchymoses multiples, des dermabrasions aux genoux, aux épaules, aux coudes, aux mains, aux joues", et conclut à une ITT (interruption temporaire de travail) de six jours et un arrêt de travail de dix jours. Les violences subies sont d'autant plus graves que Marie-Reine est fragile : elle n'a plus qu'un rein.
La jeune mère de famille originaire du Burkina Faso passe trois jours au lit sans pouvoir se lever, dans un état de sidération totale. Ce n'est que les jours suivants qu'elle trouve la force de mettre toutes ses affaires de côté, afin de pouvoir fournir les preuves de ce qui lui est arrivé. Puis, elle se rend à la gendarmerie avec ses enfants pour porter plainte. Les agents qui la reçoivent commencent par compatir, jusqu'aux moment où ils apprennent que ses agresseurs sont des policiers. Et lui conseillent d'écrire au procureur. Pendant des semaines, Marie-Reine tente de trouver un avocat dans la région mais tous, les uns après les autres, se désistent quand ils apprennent qu'il est question de violences policières. Aucune des associations « d'aide aux victimes » ou de « lutte contre les violences faites aux femmes » qu'elle contacte n'accepte de la soutenir.
Isolée, Marie Reine finit par porter plainte par courrier auprès du Procureur de la République. Elle joint à son courrier les photos de ses blessures, le certificat médical et le récit des faits. La plainte sera classée sans suite, sans même qu'elle ne soit entendue. Elle saisit le Défenseur des droits en septembre et écrit au maire d'Agen, se rend quatre fois chez le procureur et le relance par courrier en septembre 2016. Mais le 30 avril 2017, celui-ci classe sa plainte sans suite, sans même l'avoir reçue une seule fois.
Son état de santé physique et psychologique se dégrade mais elle continue de se battre. C'est alors qu'elle contacte le Réseau Classe/Genre/Race -animé entre autres par Fatima Ouasska, qui a aussi créé le Front de mères, un réseau de parents des quartiers populaires (voir notre article). Le réseau classe/genre/race lutte contre les injustices et les discriminations dont sont victimes les femmes issues de l'immigration post-coloniale. Ses membres ont retranscrit son témoignage sur leur page Facebook, et un élan de solidarité s'est formé autour d'elle. Un comité de soutien s'est constitué. Celui-ci exige "le minimum qui se doit d'être fait dans un Etat de droit en pareil cas. A savoir l'ouverture d'une enquête impartiale dans un délai rapide avec les moyens nécessaires à sa bonne tenue et des sanctions exemplaires contre les agents de police mis en cause dans cette affaire.
Le réseau affirme "refuser l'omerta en œuvre dans le monde judiciaire et le sabotage, effectué par ses responsables, des procédures prévues en théorie par la loi pour protéger les citoyens de l'arbitraire policier" qui permet "aux dépositaires de la force légale de ne jamais avoir à répondre de leurs actes devant la justice, quelle que soit la gravité de leurs actes". Le réseau l'a orienté vers un avocat qui connaît bien les violences policières et ce dernier étudie la possibilité de déposer une nouvelle plainte.
Une caisse de solidarité a été créée par le comité de soutien sur Internet afin de venir en aide à Marie-Reine et de l'aider à financer les frais de procédure. Le 24 novembre prochain, une conférence de presse sera organisée, afin que les médias brisent le silence et fasse leur travail sur cette nouvelle affaire de violence policière. L'Autre Quotidien y sera.
Véronique Valentino
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