La dame à la corne, par Kenny Ozier-Lafontaine
Ses seins, ils bavent sur son ventre,
mi cornichons mi abricots mi omelette au piment,
ses seins, des lèvres retroussées,
pour une dernière grimace,
une dernière prière,
des babines de macaque, qui fume la pipe, le cigare.
Ses yeux la nuit doivent être des jetons de belote
bleuâtres transparents
et qui bleuissent encore
à mesure qu'ils déchiffrent la nuit.
Ses yeux, sa poitrine, à la grosse dame
qui vendrait des bonbons
aux crapauds si elle pouvait,
des cercles, encore des cercles,
toujours,
mais des cercles secoués par autre chose
que
elle a été clouée à sa véranda, les cercles aussi.
Et de son front, et qui a bondi du dernier cercle,
une longue corne, coiffée de madras,
un bout de terre molle et boueuse, qui
pendille, flanche, remue,
s'agite, tourmenté comme un linge au soleil
traqué par la lumière, et qui se dégorge doucement,
après avoir été vivant.
Elle, comme coiffée d'une étrange cédille,
d'une fleur morte et déjà sombre, elle,
presque chauve les gencives,
presque chauve le crâne,
presque chauve le regard,
pleine d'une menace, d'une eau trouble...
accrochée au tabouret d'acier,
bonne qu'à mâcher, qu'à chiquer,
se gratter la tête.
Elle est plus là,
elle y est peut être encore,
à effrayer les enfants qui passent
Kenny OZIER-LAFONTAINE
Kenny OZIER-LAFONTAINE (parfois Paul Poule) est poète, plasticien, vidéaste, né pour la première fois à Fort-de-France, Martinique.