Beau comme des fraises en hiver : une enquête photo de Freya Najade sur l'agriculture hors sol
Ces trois poivrons ne sont pas bons. Enfin, ni plus ni moins que d'autres. Mais ils avaient quelque chose en eux de rebelle, qui les a conduits insensiblement, en dépit de tout le soin qu'on a mis à leur inculquer de la culture, à décevoir les attentes légitimes que plaçaient en eux leurs éducateurs. Dans notre monde européen, nous apprend la photographe Freya Najade, qui a pu prendre leur dernier portrait, les poivrons rouges devaient faire entre huit et dix centimètres de diamètre, et ne surtout pas arborer cette protubérance disgrâcieuse que les hommes, se souvenant du leur, appellent un nez. Ces trois poivrons non conformistes ont donc été exécutés. Éliminés. Détruits. Personne n'en a été heureux, dans la serre à l'abri du monde où on n'a épargné aucun effort pour faire d'eux des poivrons bien. Mais il fallait en passer par là. Car rappelons-le, l'objectif est d'élever chaque fois plus haut un peuple de qualité supérieure de poivrons rouges.
- Ah ! mais attendez ! faîtes excuse ! mais que font des légumes ici ? Dans La Nuit ? Vous n'êtes pas en train de perdre la tête ?
- La tête ? Pas encore aujourd'hui. Peut-être demain. Quand on nous verra comme des poivrons. En attendant, nous la gardons. Et considérons, au vu des condition de production de ces légumes, qu'ils sont de plus en plus des objets, et de moins en moins des êtres vivants. Des léguminoïdes, si vous voulez.
C'est le prix des fraises en hiver, titre de ce travail d'enquête.