Les vautours fondent sur la Belgique
Le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes – avec le CNCD-11.11.11 et son homologue flamand - sont en procès contre le fonds vautour NML devant la Cour constitutionnelle belge. NML demande l’annulation de la loi belge contre les fonds vautours qui a été adoptée le 12 juillet 2015 sous l’impulsion du CADTM et de ses alliés.
Les fonds vautours sont des spéculateurs qui rachètent à bas prix des créances sur les États puis les poursuivent en justice pour obtenir le paiement de la valeur faciale de la créance, accompagnée d’intérêts, majorations et éventuels intérêts de retard ; donc bien au-delà du prix du marché réellement déboursé. Ce qui leur permet de réaliser des plus-values pouvant s’élever à 2500 %. C’est justement ce comportement immoral et spéculatif, ayant de graves conséquences sur les populations des États attaqués, qui a conduit la Belgique à légiférer en juillet 2015. Désormais, les fonds vautours n’obtiendront des juges belges que le montant qu’ils ont déboursé pour racheter la créance litigieuse. Mais cette loi, qui est la plus avancée au niveau mondial, est aujourd’hui remise en cause par NML, un de ces fonds vautours, prouvant ainsi que les parlementaires belges ont visé juste.
Propriété du fonds d’investissement Elliott dirigé par le milliardaire Paul Singer, NML intervient aussi sur le terrain médiatique. En effet, suite à la publication dans Le Soir d’une carte blanche du CADTM intitulée « Après l’Argentine, les fonds vautours s’en prennent à la Belgique », Elliott a réagi via ce droit de réponse : « NML n’a pas intenté de procès contre la Côte d’Ivoire, le Panama, la Pologne ou encore la RDC, contrairement à ce qui est écrit dans l’article. NML n’a pas attaqué la Grèce en 2012, contrairement à ce que laisse entendre l’article. Il est également exagéré d’affirmer que NML s’en est pris à la Belgique, il a simplement demandé l’annulation d’une loi, qui a par ailleurs reçu un avis défavorable de la Banque Nationale de Belgique ».
Différents « noms »
Il est amusant de constater que c’est Elliott qui répond à cette carte blanche pour disculper NML. Et pour cause, c’est sous le nom d’« Elliott » (dont NML est une filiale) que son dirigeant Paul Singer, après avoir été le seul à refuser de participer au plan international de restructuration de la dette du Panama |1|, a attaqué cet État en 1996. Et ce sont des conseillers de Elliott qui ont participé aux attaques contre la RDC, la Pologne et la Côte d’Ivoire, comme l’indique le jugement rendu par une cour new-yorkaise dans l’affaire opposant Elliott au Pérou. Concernant les attaques contre la Grèce en 2012, le CADTM ne met pas directement en cause NML/Elliott (pour le moment) contrairement à ce qu’écrit ce dernier.
Elliott joue donc sur ses différents « noms » (ceux de ses filiales) puisque derrière les attaques de Elliott, de NML mais aussi de Kensington, un autre fonds vautour basé aux Îles Caïmans, on trouve le même Paul Singer qui attaque depuis vingt ans les États… en toute légalité. C’est justement pour combler ce vide juridique qui profite aux fonds vautours que les députés fédéraux ont tous voté en faveur (moins une abstention) de la loi aujourd’hui attaquée devant la Cour constitutionnelle.
Les « vautours » de Singer ont déjà mené plusieurs attaques sur le sol belge : contre l’Argentine (via NML qui a saisi des comptes de l’ambassade d’Argentine à Bruxelles), le Congo-Brazzaville (via Kensington qui avait saisi des fonds belges de la coopération au développement pour se payer) et le Pérou (via Elliott qui a saisi les tribunaux belges pour bloquer les paiements du Pérou effectués via Euroclear basé en Belgique).
En demandant l’annulation de la loi, NML/Elliott porte bien une nouvelle attaque contre la Belgique. Dans sa requête devant la Cour constitutionnelle, ce fonds vautours affirme que « les moyens employés (…) sont disproportionnés par rapport à l’objectif poursuivi » mais sans jamais tenir compte des explications fournies par les parlementaires.
« Un rôle de précurseur »
A la place, ce fonds vautour préfère s’appuyer sur les avis de la Banque nationale de Belgique (BNB) qui a exercé des pressions sur les parlementaires avant le vote, comme l’ont souligné plusieurs députés. Pour la BNB, « seule une initiative internationale peut être réellement efficace ». Les députés et le CADTM sont évidemment d’accord avec cela mais cela ne doit pas être un argument pour attendre les bras croisés cette initiative internationale, d’autant que les principaux créanciers dont les riches États du Nord et le FMI sabotent le processus de restructuration des dettes publique au niveau des Nations Unies, qui pourrait pourtant limiter l’action des fonds vautours.
Comme l’a dit justement un député belge avant le vote de la loi,« il est nécessaire qu’un pays prenne l’initiative et assume un rôle de précurseur en la matière afin de combattre l’action des fonds vautours ». C’est aussi l’avis de l’Expert des Nations Unies sur la dette extérieure et les droits de l’homme « convaincu que la Cour constitutionnelle belge est consciente de l’importance internationale de cette loi nationale actuellement soumise à son examen, et de son incidence sur les droits de l’homme ». Dans un communiqué officiel, cet Expert ajoute que« la loi belge met en œuvre une recommandation clé contenue dans une résolution du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, qui appelle les États à envisager la mise en place de cadres juridiques afin de restreindre les activités prédatrices des fonds vautours dans leurs juridictions ». L’objectif est qu’un maximum d’États adoptent des lois similaires. Cet effet « contagion » commence à fonctionner puisqu’un dispositif anti-fonds vautours est actuellement en discussion au Parlement français.
|1| ELLIOTT ASSOCIATES, L.P. v. REPUBLIC OF PANAMA, 975 F.Supp. 332, United States District Court, S.D. New York., September 10, 1997.
Renaud Vivien