Short-Cuts 23, par Nina Rendulic
au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure
krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas
semaine du 20 / 06 / 16
Le 21 juin à Belfast le jour dure dix-sept heures seize minutes et quarante-cinq secondes.
Leurs nuages sont plus rapides que nos nuages et leurs écureuils sont parsemés de gris. Ils mangent du pop-corn à la vanille et à la noix de coco avec une pointe de sel. Leur mer n’est pas loin. Bleue et terne, elle emporte les marchandises et les marins aux barbes rouillées vers d’autres terres de leur reine. On entend un violon dans ma tête. La ville est froide et effervescente. Should I stay or should I go ? Ils ont peur. Ils ont raison. La brique orange et noire monte vers le ciel. Leur mur n’est pas encore tombé. Sur les hauteurs, des fils barbelés. Il n’y a pas de vainqueurs dans la guerre. Il n’y a que des morts, des murailles et des fleurs artificielles du mauvais goût qui ne faneront jamais.
Le 21 juin à Orléans le jour dure seize heures une minute et cinquante-trois secondes.
Faites de la musique. Les jours sont trop noirs les parcours cadencés les armes dans la rue les rivières hors leurs lits (inspire) Les transports en commun sentent mauvais les gens ne sourient plus invitation à la danse c’est un bal masqué (pause : inspire, expire, regarde le ciel, inspire) On tourne on se mélange les verres brisés les feuilles vertes mortes sur le coup l’air est tiède on étouffe on se noie (un deux trois) La réalité ne vous intéresse pas ? (attends) La réalité ne vous intéresse pas ? (attends) Travaux. Renouvellement. Fenêtres ouvertes. Jardinières en terra cota. Un courant d’air. (pensées) Une voix grave et aux R étrangers déclame le poème de Robert Desnos. L’été arrive.
Le 21 juin à Zagreb le jour dure quinze heures quarante-trois minutes et quarante secondes.
Je ne sais pas si je t'ai jamais vraiment vu dans le noir. Si tu ne te dépêches pas, on sera en retard. La nuit tombe. C’est l’heure. Il a plu ce matin et le sol est moite et mou, oui. Les brins d’herbe me chatouillent les plantes des pieds. Tu m’achèteras une barbe à papa rose ? Tu ne dis rien. Les manèges commencent à s’illuminer. La couleur des frontières de notre monde est granuleuse. Technicolor 1970. Odeur de l’huile à friture. Les enfants crient de joie ou de fatigue, les parents s’oublient dans des verres à bière plastiques. Un millier de petites lanternes lumineuses jette sur les berges les couleurs arc-en-ciel. Quand on s’éloigne de la fête, on s’aperçoit que la terre est froide et les moustiques nombreux. La rivière coule. On entend les premiers tacts de Beethoven. Le feu d’artifice commence.
Nina Rendulic est née à Zagreb en 1985. Aujourd'hui elle habite à 100 km au sud-ouest de Paris. Elle aime les chats et la photographie argentique. Elle vient tout juste de terminer une thèse en linguistique française sur le discours direct et indirect, le monologue intérieur et la "mise en scène de la vie quotidienne" dans les rencontres amicales et les dîners en famille. Vous pouvez la retrouver sur son site : ... & je me dis