Short-Cuts 18, par Nina Rendulic
au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure
krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas
semaine du 16 / 5 / 16
"Il faut laisser les choses vous envahir. Vous mettrez après un nom dessus."
Je suis comme celle qui regarde la vie se vivre, derrière les vitres d’un vieux tramway. Il est tard. Dans les reflets passent : les panneaux publicitaires, la fumée des cigarettes, les chats, les vitrines, les flaques de pluie, les fils électriques, les dessins sur les murs, les bouteilles cassées, et les personnes, les personnes, les personnes. Le tout passe avant que l’esprit ne puisse le concevoir dans sa plasticité tactile. Je suis comme celle qui regarde le temps passer, dans l’espace clos d’un vieux tramway. Les saisons changent. Les lumières s’éteignent. Les vivants muent, s’émeuvent, rient, souffrent. Je suis à côté. Sur le siège plastique d’un vieux tramway. Et j'arrive toujours en retard.
Carlotta
Carlotta est morte. UTT, c’est Mai qui le danse aujourd’hui. Carlotta est morte, mais ses gestes, sa blancheur, ses cris, se perpétuent dans chaque mouvement de cette chorégraphie extraordinaire. Au début, une marche, lente, circulaire, courbée. Puis, lentement, très lentement, mouvement imperceptible, libération du corps, des muscles, de la peau, de l’esprit, esprit blanc, couleur qui contient toutes les couleurs. Mai blanche se mêle à de l’eau, à du sable, à de la lumière. On entend "Pie Jesu" de Fauré.
Helena
J’aime ton nez, Helena. J’aime tes cheveux bien rangés, le grain noir et blanc de ta peau, ton déséquilibre et tes plantes de pieds rouges. J’aime le charbon en poudre dans la paume de ta main. J’aime le bleu derrière lequel tu te caches ou te dévoiles. J’aime le mouvement de tes hanches et tes croquis sans tête. J’aime quand tu tombes et quand tu te relèves. J’aime ton amour de la vie.
Francesca
Il y a eu Sylvia Plath et Sarah Kane. (Il y en a eu tant d’autres...) Il y a eu aussi Francesca Woodman, figée à jamais au printemps de ses 22 ans. Ses joues sont rondes et son regard grave. Elle aurait compris toute la pesanteur de la vie. Le jeu des miroirs révèle les plis de sa peau dans des espaces vides et désaffectés. Elle est comme un ange, un souvenir, une ombre qui passe dans un monde en ruine. A l'intérieur d'une succession de cadres sur des murs roses à Paris, elle est déjà ailleurs.
Nina RENDULIC
Nina Rendulic est née à Zagreb en 1985. Aujourd'hui elle habite à 100 km au sud-ouest de Paris. Elle aime les chats et la photographie argentique. Elle vient tout juste de terminer une thèse en linguistique française sur le discours direct et indirect, le monologue intérieur et la "mise en scène de la vie quotidienne" dans les rencontres amicales et les dîners en famille. Vous pouvez la retrouver sur son site : ... & je me dis