Des vinyles par bateau, par Sébastien Ménard
Plus au centre de la capitale et dans un appartement de la rue Enescu il y a des chats et des vélos — des tapis et des cartons — des bières et des sourires — des volets qu’on laisse presque fermés et des reflets sur les murs.
Dans un appartement de la rue Enescu — il y a l’histoire des vinyles et des fringues américaines qui remontent le fleuve jusqu’à cette ville où il n’y a plus rien à faire : les frontières laissent désormais passer depuis longtemps les vinyles et les fringues américaines — les clopes et les bouteilles venues d’ailleurs.
On voulait entendre cette histoire de vinyles qui remontent le fleuve sur un bateau et qui arrivent sur un vieux port du Danube — on voulait entendre la voix d’un gars pour dire en souriant qu’à cette époque on respirait comme ça — sur le quai d’un port de l’est — devant les eaux de l’Europe — en attendant les bateaux remontant le fleuve et leur cargaison — quelques caisses de vinyles des cigarettes de contrebande — des alcools des fringues et des rêves. Qu’importe la qualité de la viande et des légumes qu’il grille devant nous ce jour-là dans l’appartement de la rue Enescu — ce qui compte à ses yeux et pour notre récit — c’est la possibilité immédiate de griller de la viande et des légumes — d’allumer un amplificateur à ampoules et un ordinateur — passer des sons attrapés sur le web et danser et suer et raconter d’autres histoires.
Dans l’appartement de la rue Enescu — nous avons eu notre histoire et beaucoup d’autres — nous l’avons fêtée comme ce genre d’histoire se doit d’être fêtée — puis nous avons filé la route de l’Est comme nous devions filer la route de l’Est. Nous avons continué nos vies d’Indiens pas vraiment indiens mais qui rêvent encore — notre quête du héros moderne sans héros ni moderne — et notre monde et nos récits se tiennent comme ça.
Bucarest, Roumanie,
Sébastien MÉNARD
Sébastien Ménard écrit en continu sur le site diafragm.net. Vous pouvez également le retrouver sur Twitter @SebMenard.