Des journées entières (Ha Long), par Candice Nguyen
Mains dans le sable, eau jusqu’aux mollets, la peau qui craquelle brûlée sur le dessus des épaules et qui devient peu à peu bleue, du froid de l’eau, du temps passé immergés, à mesure qu’on redescend sur le bas des jambes. Des journées entières, on ne s’arrêterait jamais. Les yeux rivés au sol plissés par le vent ou le soleil traître ou la concentration on ne sait pas très bien, on remarque juste cette courbure des corps plongés dans un bonheur insouciant inconscient, le bonheur est toujours passé. C’est un quotidien. Des années. Une enfance. Regarde celui-là comme il est beau. Et puis cette nacre, t’en as pas trouvé des aussi beaux toi. Mais si qu’est-ce tu racontes et celui-là alors, on n’en avait jamais ramassés des comme ça, non ? Ah oui. – moue de déception, arrêt des bavardages, reprise de la quête silencieuse et souriante.
L’eau glacée trouble troublée par le passage incessant de nos pieds. Dès qu’on rejette un coquillage à la mer, c’est des arcs de cercle concentriques qui se dessinent et se propagent à la surface argentée de l’eau jusqu’à leur dissolution à on ne sait trop quel moment ni endroit, on ne regarde déjà plus. On ramasse les beaux coquillages seulement. Ceux qu’on pourra aller vendre aux hordes de touristes dans la Baie. Ces peaux blanches qui n’ont pas compris encore qu’il faut se protéger du soleil ici, mettre un chapeau, des manches longues, un pantalon. Mais nous on est encore des enfants alors on peut bien restés là à moitié nus, jusqu’au jour où il aura fallu rempiler des tonnes et des tonnes de couches successives par-dessus notre enfance.
Candice NGUYEN
Notre chroniqueuse de l'ailleurs Candice Nguyen a quitté Paris sur un coup de tête pour Marseille où elle vit et travaille depuis 2008 dans l’éditorial et la communication digitale. Partage son temps entre la mer, les routes et l’aide à la diffusion d’artistes, à travers notamment la revue de photographie et d’arts PLATEFORM Magazine et son journal en ligne. Elle est en charge des chroniques pour L'Autre Quotidien.