Les glaçons noirs, par Kenny Ozier-Lafontaine
Vieille pute, vieux clodo, qui venaient s'asseoir là dans mon ventre, ah ... ça c'était hier ? oui ... leurs lacets vachement bien fiancés à ma gorge, ouh ça oui ! et leurs mains pareilles à des glaçons sales, tu ne sais pas, ne sais pas ou plus, dans quelle boîte de tiroir d'armoire de chambre de... bonne, tu as bien pu les fourrer, non ne sais pas, ne veux pas savoir rien, non rien de rien, ça oui .. non ne sais plus du tout les... visages, ni les enveloppes, non les frocs et trognes, non, les tronches et ... puis aussi oui p'tites ruines, et p'tits colliers de ... et bouffis de vignes et las... ouh oui, la radio enrouée de cendres molles, non, la ... non ... non ... la non ... non ... vieille pute et vieil homme accroupis côte à côte, main dans main, oui ... vieille femme borgne, lui sans dents ? on dirait bien, mais dents d'argent quand même pour la frime, et puis grimace et tatoo au feutre vert, pistolets et serpents dressés qui vont avec ... ah ! bitume gluant ... oui chewing-gum, oui sparadrap maudit, ah ça, Oh !
Et la vieille voix, la vieille voix ... vieux treillis rafistolés, chaussettes bariolées ... ça bon, bon même ... sans rire ...vieux temps pour les mouches horizontales ... ça oui ! Et, et ... vielle enfance de croutes et champignons au creux des coudes, crasse qui t'grimpe le long des cuisses, te brioche la viande jusqu'à l'os... vieille homme et femme dans l'attente ( rire ! ) ... yeux dans yeux. Vieille ruelle pas sympathique pour les mômes ... qui marche avec la pluie la p'tite ruelle, qui marche, tricote dans les coins, des.... animaux écrabouillés dans ses p'tits coins, dans ses p'tits coins ! Grappes de moignons, ah! broyés vivants ( sourire !) ... crapaud rat chien chat , ah ! la vieille mort dans nos vieilles poches, ouh oui ! ... et puis tes groles aussi, tes groles dans ma gorge ( tousse ! ) foulard planté salement, non ... vieille écharpe ensanglottée, non plus, non plus ... ah si, la voilà qui s'enroule à nouveau, oh !... nouée-dénouée-nouée-dénouée-renouée ... le souffle ! Souffle qui ... ah ! le souffle au bord des lèvres, nuit qui chante ses ... poivrots, vieille âme hein ! qui emprunte au vide ses répliques ...
Ville, échafaudage, arbre en carton mâché, pas de feuilles, à quoi bon ? eau sur bitume, reflets ou presque, ceux qui marchent : dirigent ... grue sans ouvriers, tapage invisible, walkman, vieilles autos, pots d'échappements, moto bécane, bicyclette, ça oui, troupeau de vélos méchants ... vieux graffitis sur vieux mur, enseigne lumineuse, ou presque plus, lampadaires annulés ( finalement ), passage clouté, mocassins / talons aiguilles / ballerines / converses rigolotes / bottines / sandalettes etc... le matin ouh oui, trop tôt, trop tard ! Brusque éboulis d'aube, déjà les miroirs dans la rue nous observent nous, médiocres, la frousse aux lèvres ... oui, veulent pas s'attarder sur nos couleurs formes et nuances de couleurs et formes, trichent, oui ... trichent ! Aiment tremper l'iris dans la soupe, vieux miroirs ah ! Ne se frottent au monde que par la peau des lèvres .... une angine dans l'assiette, voilà ... le corps tout près d'la mort, tout contre, ça oui ... tant pis ...on numérote les hommes les chiens, avec de grands chiffres rouge ou bleu, tant pis pour ça aussi, une bronchite qui me ronflotte dans les tripes et mon pantalon qui s'fait la malle, ma ceinture n'y peut rien, peut pas, peut plus ... les pieds, la crasse, la toux qui siffle sa chanson ...
Aujourd'hui, encore croisé, même homme avec sa tête différente à chaque lieux d'rencontre, tête chaque fois passé au biberon d'une même hideur, même tronche, oui, mais mâchée tout autrement, truffée de ... oui toute autre la vielle tronche de moi même ? Le vieux moi même ... ah oui ... Et là, à côté, si proche et tiède, vielle femme et là aussi, blottis, moi, vieil homme tiède ou presque, ouh oui... ensemble, enfin ensemble, ouf ! Sauvés, ou presque ... Je connaissais avant, oui avant tout ça ... au moins deux façons de respirer ... au moins deux, oui, au moins ça, en avant, en arrière, avec les yeux, sans ...J'avais beaucoup marché, avant ... avant tout ça ... une vie peut être, les habitudes durent toute la vie,
parfois.
Kenny OZIER-LAFONTAINE
- Kenny OZIER-LAFONTAINE (parfois Paul Poule) est poète, plasticien, vidéaste, né pour la première fois à Fort-de-France, Martinique.
- Claire MOREL, plasticienne, travaille sur le lien entre soi et les autres, soi et les autres soi, soi et son soi-même. Retrouvez son blog ici.
- Vincent LEFÈBVRE n'existe pas. Son site, oui.