Réinventer la gauche au Brésil, entretien avec le Mouvement des Travailleurs Sans-Toit

Entretien avec la Rédaction d’Outras Palavras | Image : Gabriela Leite

Nous vivons une époque aride, où la gauche brésilienne semble incapable de proposer des innovations politiques ni même de se débarrasser des contradictions dans lesquelles elle s’emmêle. Dans ce contexte, le MTST (Mouvement des Travailleurs Sans-Toit) a fait son apparition comme une source fragile, mais prometteuse, de bonnes surprises. Il y a deux ans, l’organisation a recommencé à montrer qu’il était possible de mobiliser la société, et en particulier les plus pauvres, pour soutenir des changements au niveau structurel. À São Paulo, trois énormes occupations de terrains inutilisés ont ravivé les flammes de la Réforme Urbaine et des métropoles pour tous.

Peu de temps après les sans-toits sont descendus dans la rue, organisant des manifestations qui réunissaient toujours des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes, pour protester contre la dénaturation des « méga-évènements sportifs », transformés en nouveaux moteurs de la spéculation immobilière. Ils ont conquis de haute lutte auprès de la mairie de São Paulo que le Droit au Logement soit inscrit dans le nouveau Plan Local d’Urbanisme de la ville. Ils ont développé une critique raffinée du programme « Ma Maison, Ma Vie », en proposant de se débarrasser de la mainmise des entreprises sur le projet. Ils ont démontré de façon pratique que cela était possible : ils ont tiré partie d’une brèche du projet pour ériger, à eux seuls, un ensemble d’immeubles avec des appartements décents, relativement confortables et dotés de services publics efficaces. Plus récemment, il ont joué un rôle remarqué dans la lutte contre le programme soutenu par les conservateurs, qui accumulait les reculs sociaux et politiques.

Mais jusqu’à quel point le MTST dispose-t-il des capacités lui permettant d’aller au-delà des luttes spécifiques concernant le logement et de se transformer en acteur politique universel, c’est-à-dire capable d’inspirer et d’établir un dialogue avec l’ensemble de la société ? Pour tenter de trouver une réponse, la rédaction d’Outras Palavras a discuté durant plusieurs heures avec Guilherme Boulos, le plus médiatisé des coordinateurs du MTST. L’entretien a été le premier d’une série où nous nous sommes aventurés sur des chemins menant vers quelque chose qui nous est apparu chaque jour plus important. Il s’agit de construire un nouveau projet national, en dépassant les timides avancées des 13 dernières années, maintenant paralysées par le statu quo et par le refus d’affronter les grincements de dents des élites.

Le résultat a été un long entretien, dont la publication commence ci-dessous, divisée en quatre chapitres provocateurs. Boulos y expose sa vision particulière de la conjoncture brésilienne. Il y affirme sa conviction que la période de conciliations est terminée. Il critique une gauche qui s’est trop institutionnalisée, allant jusqu’à associer les changements dans l’interaction des forces de la société à de mesquines conquêtes de mairies, de gouvernements d’état ou de sièges parlementaires. Il mise sur un programme de « réformes de base » semblable à celui qui a électrisé le pays dans la période précédant le coup d’état militaire, mais grand absent de la phase des « faibles changements » qui a été la marque des gouvernements à partir de Lula. Il partage sa conviction selon laquelle, pour ne pas succomber, ce que nous appelons « lulisme » a besoin de se réinventer en entrant dans une phase très différente de celle où il était cantonné jusqu’à présent.

Mais le coordinateur du MTST ne s’arrête pas là. En proposant que la soit-disant « gauche » dépasse ce qu’elle était pendant le premier mandat présidentiel du PT, il ne se limite pas à des formulations génériques. Il assume la polémique. Il remet en cause, par exemple, deux des visions les plus porteuses d’espoir pour ceux qui s’efforcent d’affronter l’offensive conservatrice.

Pour Boulos, ce n’est pas le moment de fonder un nouveau parti. Ce serait tenter de battre le fer à froid, parce qu’il manque encore la chaleur de la mobilisation sociale ayant permis, en Espagne, l’émergence de Podemos [1]. Avec la même conviction, il refuse de se joindre à ceux qui croient au mythe de l’homme providentiel brésilien, à un « Lula 2018 ». Pour Boulos, le retour du président, supposé incarner les rêves perdus, est une illusion. Ce serait comme de réchauffer du jus de chaussette, semble-t-il penser.

C’est dans les deux parties finales de l’entretien que surgit quelque chose d’encore plus enthousiasmant. Au-delà de la scène politique, Boulos se fait analyste de la formation social du pays et des théories qui peuvent irriguer son changement. Il y suggère, par exemple, la nécessité de promouvoir une rencontre entre le féminisme classique - surtout assimilé, au Brésil, par les classes moyennes - et les femmes en lutte des banlieues. Jusqu’à présent, ces dernières n’ont pas encore achevé toutes les conquêtes, mais elles font face et résistent, dans leur quotidien, aux lois d’airain d’un pays particulièrement machiste. Boulos évoque aussi ses influences marxistes et psychanalytiques et explique d’où est issue sa conviction selon laquelle Marx et Freud se sont parfois croisés. Il donne l’exemple des liens existant entre la théorie de l’aliénation et la théorie du rôle limité que tiennent la conscience et le discours dans la constitution psychique de l’être humain.

Tourné depuis cinq ans vers les grands thèmes de la mondialisation et des alternatives, Outras Palavras cherche à les relier toujours plus solidement aux défis brésiliens contemporains, au milieu d’une conjoncture difficile. L’entretien avec Boulos apporte une pierre remarquable à cet édifice. Restez avec lui pour ce qui suit. (A.M.)

 

Vous venez de faire paraître un nouveau livre : "De quel côté êtes-vous" [De que lado voce está]. Nous vous retournons la question : de quel côté êtes-vous, Guilherme Boulos ?

Ce titre est provocateur. La possibilité de ne pas se positionner devient de plus en plus limitée au sein de la société brésilienne. Les douze ans du gouvernement du PT se sont révélés être une tentative de construction d’une idéologie du consensus. Il n’y avait pas de positionnements : c’était uniquement le côté du Brésil, où se tenaient les grandes entreprises Odebrecht et Friboi, les syndicats, les mouvements sociaux... Un consensus où, apparemment, tous s’y retrouvaient.

Des gestions de la politique budgétaire ont été effectuées, qui ont permis une avancée graduelle du salaire minimum, du crédit à destination de l’agriculture, des programmes sociaux, et en même temps, des profits records dans le secteur financier. La Banque Nationale du Développement Économique et Social (BNDES) distribuait en effet de l’argent pour certains secteurs choisis, en particulier l’agrobusiness et la construction.

Quand on prend la situation économique, il n’est plus possible de payer pour tout ça. Une première explosion a déjà eu lieu en juin 2013, qui exprimait l’épuisement de ce modèle de consensus. Et elle a fini par diviser la société : c’est ce qui s’est passé après juin 2013, lors des élections de l’année passée, lors de celles du premier semestre de cette année. Ces divisions sont l’expression de la nécessité de prendre parti.

Il n’est plus possible de penser la politique brésilienne sans se poser la question suivante : de quel côté êtes-vous ? Si vous êtes du côté de ceux d’en bas, des travailleurs, des classes populaires, ça veut dire qu’il faut proposer des réformes structurelles. Il est très difficile de penser à de nouvelles avancées sans évoquer le thème de la distribution des richesses, des privilèges, des réformes du système d’imposition, urbaine, agraire, politique, des communications. Ou alors vous choisissez l’autre côté, qui est le chemin qu’a malheureusement pris le gouvernement de Dilma Rousseff, et qui consiste à reproduire un ajustement du pire style néolibéral, récessif, qui fait payer ceux d’en bas pour la crise.

La possibilité que le gouvernement prenne un autre chemin est-elle envisageable ? La corrélation des forces en présence le permettrait-elle ?

Vous pouvez légitimer les postures les plus conservatrices en affirmant qu’il n’y a pas de corrélation de forces. Vous légitimez les douze ans de gouvernement du PT, l’alliance avec le PMDB [Parti du Mouvement Démocratique Brésilien, à droite du spectre politique], la signature des accords avec l’agrobusiness sans entreprendre la réforme agraire, la signature des accords avec la construction civile sans entreprendre la réforme urbaine, tout ça parce qu’il n’y a pas de corrélation des forces en présence. Mais, vous voyez, une corrélation de force, ça se construit.

Quand on a l’Exécutif fédéral qui vous mange dans la main, on dispose d’un instrument extrêmement puissant pour agir sur les relations de force. Si, au lieu de désigner Joaquim Levy comme ministre des finances, de désigner un ministre honteux, de se retrouver à la merci du parlement, si, au lieu de cela, Dilma avait annoncé dans son discours de début de mandat : « J’envoie dès demain à la Chambre des députés un projet de réforme du système d’imposition avec une taxation des grandes fortunes », est-ce que ça passerait ? Bien sûr que non. Mais ça aurait été un autre programme politique.

Le Congrès aurait eu à expliquer pourquoi il ne souhaite pas que les riches paient des impôts. On n’en serait pas à discuter de la réduction de la majorité pénale. Des mesures de cet ordre pourraient précipiter un bouillonnement social : les secteurs qui se sont mobilisés au second tour et les mouvements sociaux feraient pression sur le Congrès. Mais il n’y a eu aucune option politique, ni aucun courage de faire quelque chose comme ça. Pour eux, l’argument de la corrélation des forces est une béquille. C’est d’un pragmatisme politique au raz des pâquerettes, qui finit par dégénérer en un conservatisme dont il n’y a plus moyen de s’extirper.

Ce que Dilma Rousseff a fait n’est pas étonnant. Étant données la trajectoire du PT et la trajectoire personnelle de la présidente, il fallait s’y attendre. Pourquoi sommes-nous devenus des otages ?

Je ne pense pas qu’on soit des otages. Si on pense au positionnement de la gauche critique, quelles alternatives avions-nous au second tour des élections ? Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il aurait été mieux que le candidat du PSDB [Parti Social-Démocrate Brésilien, à droite], Aécio Neves, ait gagné. On peut dire que, dans ce cas, le PT aurait été obligé de prendre position. Vraiment, là, entre nous, quelle légitimité aurait le PT, aujourd’hui, s’il était question de diriger une opposition de gauche dans un gouvernement du PSDB, après douze ans à avoir fait ce qu’il a fait ?

Dilma était l’alternative qui était présente au second tour. Je ne pense pas qu’il se soit agit d’une erreur des mouvements sociaux, qui ont déclaré leur soutient critique à Dilma, de l’avoir fait. Même en anticipant ce qui allait se passer. Comme vous le dites vous-même, ce n’était pas une surprise : « Ah, nous avons été trahis ! Nous avons déposé notre confiance entre les mains de Dilma et nous avons été trahis ! » Non, nous savions ce qui était en jeu, et nous étions conscients des limites et des concessions du projet du PT.

Au second tour, Dilma a obtenu plus de financement des entreprises qu’Aécio. Du point de vue du projet économique, d’engagements auprès des élites, il n’y a que ceux qui l’ont vraiment voulu qui se sont voilés la face. Ce qui est en jeu, pour nous, c’est précisément le défi de penser la politique au-delà du processus électoral, des institutions et des urnes. Peut-être que l’une des leçons que nous pouvons tirer de douze ans avec le PT au pouvoir, c’est que le projet d’essayer de provoquer quelques avancées dans ce système politique, d’essayer de l’envisager sans rien changer d’essentiel... et bien la leçon, c’est que ce projet est épuisé.

Il est nécessaire de récupérer quelque chose qui était notre force dans les années 1980, au moment où la mobilisation sociale au Brésil s’est accrue, que le néolibéralisme a achevé et que le PT a enterré. C’est-à-dire les rues : l’endroit où la politique se décide et se transforme. Voilà notre défi, au-delà des échéances électorales de 2016 ou 2018, ou de rester à se morfondre sur 2014.

Mais nous devons créer un espace et accroître cet espace à partir des marges étroites dont nous disposons aujourd’hui. Pour une grande partie de la population, la gauche est le PT. La critique à l’encontre de la vague conservatrice ou du PT réunit une bribe de la société.

Je ne suis pas d’accord. Je pense que le camp qui défend des réformes en profondeur, structurelles, au Brésil, n’a jamais été aussi important. Je ne nous vois pas isolés ou minimisés. Depuis les années 1990, ce camp, ou une importante part de ce camp, s’est aligné sur le projet et sur la stratégie du PT. Nous expérimentons la consolidation d’un discours très fort au sein du PT, bien antérieur à 2002, qui était : « Nous devons faire les concessions nécessaires pour pouvoir parvenir au gouvernement fédéral. C’est là que nous devons réaliser notre projet. » Les gouvernements du PT en sont arrivés à obtenir 80 % d’approbation, et même plus que ça, et ils n’ont pas osé mettre en œuvre un programme politique plus strict dans le pays. C’est une option, c’est le chemin que le PT a parcouru et auquel une partie de la gauche brésilienne, qui soutient des changements structuraux - une gauche anticapitaliste - est restée associée, considérant qu’il était possible de remettre les choses en question depuis l’intérieur.

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Nous n’avons jamais été aussi grands, dites-vous. Dans un certain sens, c’est choquant, mais c’est vrai, puisque nous étions éparpillés. Maintenant, les choses sont claires. Nous pouvons représenter peut-être 10 % de la société.

C’est l’avantage qui vient de l’éclaircissement de la situation. La stratégie qui consiste à réaliser des changements sans grandes ruptures est définitivement au bout du rouleau. Cela met en place des conditions permettant la naissance d’une nouvelle gauche et la construction d’un nouveau cycle de gauche au Brésil. Mais il est nécessaire de nuancer un aspect. Lorsque nous parlons d’une nouvelle gauche, ce qui vient immédiatement à l’esprit des gens c’est le Podemos espagnol - ou un mouvement du genre du Podemos. Il y a une euphorie, ce que je trouve justifié, autour du phénomène Podemos. Il a gagné les élections à Barcelone, c’est une force politique expressive, avec de réelles chances de prendre le pouvoir en Espagne. Mais le Podemos nous apprend des choses intéressantes. L’une d’entre elles est qu’un processus de ce genre ne se construit pas sans des centaines de milliers de personnes dans les rues, ce qu’a été le mouvement des Indignados. Le Podemos est l’héritier direct de ça.

Nous devons transformer notre enthousiasme en un phénomène similaire, qui ait les dispositions politiques permettant de reprendre un travail de base au sein de la gauche. La gauche doit se mobiliser, elle doit faire les devoirs qu’elle a négligée pendant les vingt dernières années. Le devoir que les Communautés Ecclésiastiques de Base nous on apprise dans les années 1970 et 1980, en faisant du porte à porte. Pourquoi le groupe évangéliste [au Parlement] est-il aussi puissant ? Pour de nombreuses raisons, bien sûr : il dispose de chaînes de télévision, mais, entre autres, ils font un travail de base dans les banlieues. Dans chaque rue de chaque banlieue de la région métropolitaine de São Paulo, il y a 2 ou 3 églises, installées dans des garages, qui distribuent des prospectus. Ce travail de base, qui a fini par être méprisé par une partie de la gauche, a besoin d’être relancé. La foule brésilienne ne va pas monter au créneau sans cela. Elle ne s’engagera pas.

En fondant un nouveau parti, n’est-ce pas ?

Fonder un parti à froid ne va pas résoudre le problème politique de la gauche brésilienne. Ce qui va le résoudre, c’est de mettre la main à la pâte et de reconstruire la capacité de mobilisation sociale, pour inverser la relation de forces et à ce moment-là, penser à des instruments politiques.

Quel programme pourrait permettre de rassembler ces personnes ?

Parfois, on attend un programme, un mot magique, qui « prenne », avec une logique de marketing. Quel est le programme du Podemos  ? Quel est le programme de Syriza [2] ? Les programmes sont évidents et simples : contre les expulsions et les politiques d’austérité. Ils n’ont pas inventé la roue ! Rien d’extraordinaire. Mais ce sont des programmes qui touchent à des problèmes essentiels d’une société capitaliste en crise, d’un processus d’indignation face à la contradiction entre les niveaux de vie en baisse et un système politique tourné vers les entreprises privées, où les agents de ce système s’engraissent avec l’argent public. À partir de là, des mots d’ordre ont été inventés, qui mobilisent des centaines de milliers de personnes - et continuent à les mobiliser.

Le thème qui nous est proposé, aujourd’hui, est celui des réformes populaires. Ce sont les altérations essentielles dans la structure de la société brésilienne que, avec toutes ses limites, João Goulart [3] a mis en place en 1964. Un coup d’état 15 jours a eu lieu plus tard, ce qui a sonné le glas de ce programme. Le PT ne l’a repris à aucun moment.

Une réforme du système d’imposition semble être une chose abstraite. Mais 51 % de la collecte des impôts brésiliens de l’année passée a reposé sur la consommation, moins de 4 % sur la propriété et moins de 20 % sur les revenus. C’est impressionnant, une structure d’imposition régressive : le pauvre paye proportionnellement plus d’impôts que le riche. Nous n’avons pas d’impôts sur la distribution des profits et des dividendes, ni sur les grandes fortunes, ni sur les héritages, ni sur le placement de capitaux à l’étranger. Ce sont des questions élémentaires qu’une partie du capitalisme mondial s’est posé et qui, si elles étaient posées au Brésil, auraient pour conséquence des conditions économiques telles qu’il n’y aurait plus besoin de penser à un ajustement fiscal comme celui qui est en train d’être effectué.

Réforme du système politique ? Voilà une question schizophrène. De nouveaux scandales de corruption ont lieu chaque semaine, à chaque fois plus étroitement liés aux financements des campagnes politiques par les entreprises. Même en ce moment, on autorise le financement de la campagne pour le Congrès par les entreprises, et les médias et les manifestants ne se hasardent pas à protester. Ce sont des questions scandaleuses.

Le thème de la démocratisation des communications, de la réforme urbaine, de la réforme agraire, ces questions structurelles ont besoin d’être condensées dans un programme populaire. Voilà par où se trouve la sortie. Nous devons reconstruire un ordre du jour stratégique de la gauche brésilienne qui soit un programme prêt à s’affirmer.

Est-ce que vous allez mettre en œuvre une réforme agraire en vous coupant le bras pour l’agrobusiness, qui reçoit de l’argent public ? L’Odebrecht va-t-elle exiger une réforme urbaine au Brésil ? Les grands financeurs de la campagne vont-ils accepter une réforme des impôts ? Allons-nous passer des accords avec les propriétaires des média pour approuver la démocratisation des communications ? C’est impensable. Le PMDB va-t-il approuver la réforme politique ? Ce sont des thèmes d’une stratégie du conflit, où il faut prendre partie. C’est ce que nous devons remettre en œuvre au sein du débat brésilien.

Au Brésil, il faut donc aller chercher plus avant ce qui pourrait permettre d’organiser une alternative dotée d’un potentiel politique, autant au niveau du mouvement que des urnes, comme Syriza en Grèce, ou un réseau de citoyens comme Podemos en Espagne ?

Avant de penser à la façon de voter, nous devons penser à ce qui est présupposé pour faire cela de façon plus autonome. Dans la situation politique brésilienne, aucun format ne fonctionnerait s’il n’y avait pas, derrière, un vaste mouvement social - dont nous ne disposons pas encore. Ici, celle qui a occupé cet espace de confrontation avec la politique traditionnelle, qui a utilisé le discours de l’horizontalité, ça a été Marina Silva. Elle est une caricature complètement éculée de tout ça. Ce qui peut aussi être une caricature du front populaire, c’est l’éventuel rassemblement pour la candidature de Lula en 2018. Ça serait encore et toujours la même chose, en évoquant une façon qu’a le PT de se protéger derrière un front qui n’ajoute rien en termes de confrontation de classe.

C’est pour ça qu’avant de penser à une alternative électorale, et peut-être indépendamment de toute alternative électorale, nous devons penser à un renforcement de la lutte populaire. Il est important, aujourd’hui, de penser à une stratégie de front - mais une stratégie de front de mouvements, construite sur une unité populaire, en réalisant un travail de base, en mobilisant des milliers de personnes à travers le pays : pour faire face à l’offensive conservatrice et aussi pour faire face à aux politiques à l’agonie du gouvernement du PT. Nous avons besoin d’un front qui fasse cela au Brésil. Il n’est pas électoral parce que, s’il l’était, il s’épuiserait dès le lendemain.

Source : Outras Palavras - 28/09/2015
Traduction pour
Autres Brésils : Piera Simon-Chaix