Diyarbakir : "Imaginez un quartier de Lyon réduit en cendres par l'armée française"
"Imaginez un quartier de Lyon ou de Rennes réduit en cendres par l'armée française elle-même. Imaginez-vous, enseignants, recevoir un texto du ministère annonçant toutes les écoles en vacances illimitées et vous sommant de quitter les lieux de votre ville, Nantes ou Valence, en préparation d'un massacre par l'armée. Imaginez-vous que personne ne relaie ces atrocités et que l'immense majorité du pays, lobotomisée par la télé étatique et enivrée par une haine nationaliste pense qu'il s'agit d'une guerre légitime contre "la terreur" et se réjouit des morts, "sales terroristes" en moins.
Et bien c'est ce qui se passe en ce moment en Turquie, dans sa partie Est, chez les Kurdes. Voilà dans quel état est le quartier de Sur à Diyarbakir (Turquie). Les enseignants de Cizre ont été sommés de quitter les lieux, aux hôpitaux a été envoyée l'indication de "tenir prêts le matériel et le personnel". Un massacre d'Etat se prépare dans l'indifférence générale. Et toute cette politique est soutenue par les puissances occidentales, par nos gouvernements..."Quand je pense que je me baladais encore dans ces rues il y a quelques mois.. Quand je vois ce qu'il en reste... Et ça commence juste. Les amis, je sais que le Kurdistan est loin d être le seul lieux ou il se passe des injustices pareilles mais en ce moment même, pile cent ans après le génocide arménien, une véritable épuration ethnique se prépare sous les ordres du président Erdoğan (appuyé par notre propre gouvernement dans la plupart de ses actions!), dans indifférence générale et l'impuissance de beaucoup. La vie dans les villes de l'ouest semble continuer comme si de rien n’était, aucunes nouvelles sur les chaines contrôlées pour la plupart par l'Etat (les autres censurées) ou des mensonges toujours plus absurdes du gouvernement. İci on dirait que l'avis du peuple n'a aucun poids mais peut être qu'en France vous pouvez faire bouger les choses.. Diffuser ,organiser des mouvements de soutien visibles etc.. pour éviter un génocide supplémentaire, dans un pays tout prés de chez nous, en 2015.
Appel de l’Union des municipalités de la région du sud-est anatolien (GABB)
Dans le cadre du conflit armé qui a repris dans les régions kurdes de Turquie après les élections du juin 2015, 186 civils ont été tués, dont la plupart sont des femmes ou des enfants, des centaines ont été blessés, et des milliers mis en état d’arrestation. Dix-sept des co-maires membres de notre Union [les municipalités du HDP, parti pro-kurde, ont institué un système de parité homme/femme avec maire et co-maire] sont toujours sous les verrous tandis que 25 d’entre elles ont été suspendues de leur fonction ; des mandats d’arrêt ont été lancés contre six d’entre elles depuis juillet 2015. En présence de telles violations des droits humains, il est urgent de reprendre les pourparlers de paix pour la résolution de la question kurde en Turquie.
Depuis le mois d’août dernier, en réaction à la reprise de la politique répressive de l’Etat turc, les assemblées populaires de nombreuses villes kurdes ont réclamé l’autonomie. L’Etat turc a répondu à cette revendication, qui vise à créer des structures décentralisées pour réagir contre la centralisation, par une violence d’Etat hors de proportion. Dans toutes les villes kurdes où cette revendication avait été formulée, notamment à Cizre, Sur [le quartier historique de Diyarbakır], Silvan, Nusaybin, Dargeçit, Silopi et Yüksekova, l’Etat a instauré un couvre-feu qui dure depuis des semaines, au cours duquel des civils ont été tués par les forces de sécurité turques, tandis que la population fuit en masse. Plus de 200 000 personnes ont dû quitter les zones de conflit, et leur nombre va augmenter. En plus, de nombreux bâtiments historiques du quartier de Sur, qui a été inscrit au patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO, ont été détruits ou sont en danger de l’être en raison des combats. La mosquée Kursunlu et le hammam du Pacha, qui datent du XVIe siècle, ont été pris pour cible par les forces de sécurité turques et ont été détruits à un point tel que leur restauration future semble impossible.
Depuis la reprise du conflit armé, 18 villes de 100 000 habitants ou plus ont enduré le couvre-feu, qui dure toujours pour cinq d’entre elles depuis le 21 décembre. Depuis le 14 décembre, les attaques des forces de sécurité dans les zones urbaines ont atteint un nouveau palier dans la destruction. Des blindés et armes lourdes, utilisés d’habitude dans des situations de guerre conventionnelle, sont utilisés par les forces armées turques, dans des villes où vivent des centaines de milliers de personnes. Au cours des dernières semaines, la présence policière et militaire a augmenté de façon spectaculaire dans notre région.
D’après les statistiques officielles elles-mêmes, 14 généraux, 26 colonels et 10 000 soldats ont été transférés rien que vers la ville de Sırnak, et on s’attend au transfert de 5 000 autres soldats dans les jours qui viennent. En outre, les rectorats de l’Education nationale à Cizre et Silopi ont demandé à leurs enseignants de quitter ces villes. Le ministère de la Santé a donné pour instruction aux hôpitaux de notre région d’accroitre autant qu’il est possible leurs équipements médicaux, leur personnel et leur stock de médicaments. Toutes les manifestations publiques pour protester contre le couvre-feu et les violations de droits humains sont réprimées brutalement par la police.
Tout cela nous incite à penser que les violations des droits humains qui ont eu lieu dans notre région depuis les derniers mois vont aller en augmentant et en s’aggravant. C’est pourquoi nous adressons un appel urgent à toutes les forces démocratiques du monde pour s’opposer aux mesures anti-démocratiques de l’Etat turc. Pour éviter d’autres morts et de nouvelles violations des droits humains avant qu’il ne soit trop tard, nous demandons concrètement :
que des agences de presse, des reporters, des journalistes viennent dans la zone de conflit pour voir et rendre compte de ce qui s’y passe ;
que les organisations gouvernementales et non-gouvernementales concernées par les droits humains envoient des délégations pour rendre compte et rapporter les violations perpétrées dans la zone de conflit ;
que des délégations internationales viennent visiter les co-maires qui ont été arrêtées, et prennent acte de leurs conditions d’internement et des processus judiciaires en cours ;
que les responsables de la politique internationale appellent d’urgence les parties à retirer leurs forces armées des zones urbaines, ainsi que les armes lourdes, pour rendre possible un cessez-le-feu bilatéral ;
que les gouvernements rompent leur silence et entament un dialogue avec l’Etat turc, de manière à faire redémarrer le processus de paix qui était en cours depuis deux ans et demi, et qui a été rompu le 25 juillet 2015.
Gültan Kısanak
co-présidente de la GABB
co-maire de Diyarbakır