Kaboul : des milliers dans la rue contre les Taliban. En parle-t-on ? Non.
Une manifestation monstre à Kaboul contre les Taliban et Daesh.
Cette nouvelle est passée largement inaperçue.
Nous ne faisons pas les malins pour autant : elle est aussi passée inaperçue de nous.
Nous ne prenons finalement que peu de nouvelles d'un pays qui pourtant nous a tous obsédés pendant longtemps, soit tout le temps de la lutte armée contre le gouvernement communiste afghan, puis les Russes venus à son secours (à l'époque, il était convenable d'être avec les rebelles, puis les Taliban, qu'on présentait comme les défenseurs de la liberté), puis après le 11 septembre, quand il fut acquis que c'est depuis ses bases armées en Afghanistan qu'Omar Ben Laden ordonna les attentats qui détruisirent les Twin Towers de New York. On sait ce qui s'ensuivit. L'Afghanistan lointain a donc donné le ton de la politique mondiale pendant deux décennies. Ce n'est pas rien. Aujourd'hui que tous les yeux sont tournés vers la Syrie, il est oublié. Les Taliban attendent de revenir au pouvoir (ils ont le temps pour eux). Et moins nous regardons dans leur direction, mieux ils se portent.
C'est ce premier oubli que nous voulions réparer en vous parlant de cette énorme manifestation à Kaboul, le 11 novembre, lors de l'enterrement de deux femmes, une enfant de neuf ans, et quatre hommes, retrouvés tous la tête tranchée, après leur enlèvement par les Taliban, à Ghazni. Les victimes sont des Hazara (environ 12,5 % de la population afghane, turco-mongols d'origine, et musulmans chiites). Les milliers de manifestants criaient : "Aujourd'hui, c'est nous qu'ils tuent. Demain, ce sera vous !". Leur protestation était aussi clairement politique, puisqu'elle s'adressait au gouvernement, accusé de ne rien faire contre les Taliban.
C'est la deuxième chose qui nous vient en tête à propos de cette manifestation : nous (les gens de loin, les occidentaux, et pas seulement) voyons ces peuples qui souffrent comme dépolitisés, seulement victimes impuissantes d'une situation qui les dépasse, passives devant les quelques milliers de manieurs de Kalashnikov et seigneurs de la guerre qui font la loi dans ces pays en guerre. C'est vrai en Afrique comme au Moyen-Orient ou en Afghanistan. Mais nous avons tort. C'est que nous ne regardons pas assez. N'écoutons pas assez. Préférons distribuer des armes à nous assurer que les gens aient la parole dans leur pays. Soient entendus de gouvernements que nous maintenons au pouvoir à bout de bras et qui n'en font rien de bon. Se servent au lieu de servir leur peuple. Ce serait pourtant certainement plus productif et porteur d'espoir.
Voilà, tenez pour acquis qu'il y a des Afghans qui n'aiment pas les Taliban ni Daesh. Ils existent. Sachons-le. Aidons-les.