La carte venait de Lisbonne. «Lisbonne, fille d’Ulysse, sous tes rues ensoleillées en marqueterie noire et blanche, il existe une Pompéi qui ne sera jamais ressuscitée » pensais-je. Longtemps, j’ai rêvé d’habiter Lisbonne. Longtemps, le courage m’a failli. Je listais ce dont je pourrais venir à manquer, et invariablement, je justifiais ma lâcheté par un « et puis, à nouveau, la terre tremblera ». Inondée de lumière, elle l’a été aussi par l’eau, et quoi qu’il en soit, Lisbonne me posait le problème de la mortalité. Et Naples si présente. Si réelle. Dans son ventre violent, qui nous happe et nous fait mourir d’amour, une bombe à retardement.
Oui, je suis au pied du Vésuve et ainsi pourrait continuer un autre chapitre d’une correspondance sans fin avec Robert Kaplan, une rencontre qui n’a jamais eu lieu. Regards croisés voilà plusieurs années déjà avec un personnage fictif, dans un lieu vrai. L’Albergo del Purgatorio.
Via dei Tribunali. Le Purgatoire n°2. Pour entrer dans la joie du ciel.
Le Purgatoire est tout, sauf neutre. Si on se tient à la définition, un passage obligé, une loi très commune avant l’éternité. Si proche d’une ancienne porte des Enfers, le lac d’Averne, le Purgatoire, au Palazzo Spinelli di Laurino, est l’invitation. Un de plus beaux palais de la ville, à la cour ronde et à l’escalier monumental orné de statues de princesses Caracciolo. Habité, bien évidemment, mais par une douce anarchie, où rien n’est laissé au hasard. Plafonds hauts de 8 mètres, couleur sur les murs tapissés d’œuvres d'art que l'on peut acheter, signées John Giorno, Jacques Villeglé, Bernard Heidsieck, Françoise Janicot, Paolo Stampa, Giuseppi Zevola, Paul Armand Gette et j’en passe, et au sol, de magnifiques tapis Afghans. Le Purgatoire, un endroit pour un séjour, plus ou moins bref, pour tous ceux qui seraient attirés par l’imaginaire de cette ville, me dit Nathalie Heidsieck de Saint Phalle, la créatrice des lieux, pour ceux qui aiment autant la nuit que le jour et les livres, car tous ceux qu’y passent laissent un livre, même un vieux poche, en y ayant inscrit son nom et la date.
Soit que l'on en ait entendu parler par quelqu'un y étant passé, soit par un article, le plus souvent très loin de la réalité, impossible d’y résider sans avoir adhéré à l’association Locus Solus, baptisée ainsi en hommage à l'écrivain Raymond Roussel, précurseur des surréalistes. Association culturelle à but non lucratif n’ayant qu’un seul but, celui d’aider ceux qui en ont besoin.
Lieu invraisemblable, hors normes, on adore ou on déteste. Je viens ici depuis dix ans !
Maria de Morais