L'AUTRE QUOTIDIEN

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2019, année Lee Perry (en grande forme)

Devenu depuis des lustres plus performer que producteur, Lee Perry, l’octogénaire de génie, a survolé l’année 2019 de ses nouvelles productions ; retrouvant aux côtés d’Adrian Sherwood et d’autres, la passion et la création qui font mouche. Avec par ordre d’apparition cette année : “Rainford”, “Life of the Plants” et “Heavy Rain”, le remix du premier.

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L’Upsetter (casse-couilles) en chef a décidé de retrouver le temps de produire, avec son pote de longue date de On U Sound, Adrian Sherwood, un album vraiment digne du calibre de ceux produits entre 69 et 81, quand il était un des inventeurs du reggae, un des plus féroces expérimentateurs du dub et, pas le moindre de ses traits de génie, l’accoucheur des Wailers… 

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Crickets In Moonlight (feat. Vin Gordon) Lee "Scratch" Perry

On vous a abondamment parlé de Rainford en termes élogieux et dit comment Sherwood et Perry ont pris trois ans pour faire le puzzle de l’album et mener le projet à bout; histoire d’arriver à un résultat digne des Return of Django et Super Ape, des trucs un peu fondateurs à leur sortie… Et comme ce fut le cas, il fallait envisager une suite. Quoi de mieux donc qu’un album de relecture dub radical, Heavy Rain s’appuie lui aussi sur l’association entre le Jamaïcain et Adrian Sherwood. D’autres invités de luxe sont également de la partie, parmi lesquels Brian Eno sur le titre Here Come The Warm Dreads., genre de relecture/ démarquage du titre du premier album d’Eno sorti en 1974. Mais aussi le légendaire tromboniste Vin Gordon qui accompagna Bob Marley durant ses meilleures années et qu’on retrouve sur plusieurs morceaux de Heavy Rain. Surnommé par l’écrivain anglais de la bible du reggae, Bass Culture, Lloyd Bradley, le Salvador Dali jamaïcain, Lee Perry a ressorti ses gris-gris, ses obsessions et son savoir-faire de génie pour laisse libre cours à la magie qui l’agite lorsqu’il se décide à improviser et expérimenter.

Enfumé l’album l’est clairement, mais cela offre un engagement en altitude qui permet d’en mieux saisir le propos et de se stratosphériser dès l’intro. Là, l’univers de Perry s’ouvre à vous, tout de bidouilles, de gadgets sonores et d’intense fréquentation des boutons de la console de mixage- tout cela pour produire un vrai apport à l’original, en dub. On peut même taxer l’album d’avant-garde, si l’on veut bien penser un instant aux recherches d’Arthur Russell et ses sons flottants. Vous désirez passer l’hiver en apesanteur ? C’est ici et c’est vraiment très réussi.

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Mais il ne faut pas non plus passer à l’as, un autre album dont presque personne n’a parlé, et qui marque l’emprise de Perry sur l’année et sa production discographique, le Life of the Plants autre grande réussite sortie chez Stones Throw. Le nouvel album a été produit par le groupe de dub électronique Peaking Lights, alias Aaron Coyes et Indra Dunis, avec Ivan Lee, un musicien argentin qui a tourné avec Perry.

Aaron Coyes et Ivan Lee ont monté un plan pour travailler avec Perry, produisant plusieurs instrumentaux pour lui. La session a été organisée aux Stones Throw Studios à Los Angeles. Perry arriva le matin, installa des bougies, brûla de la sauge, habilla la pièce à son goût et commença à enregistrer. Sa première prise vocale a duré une vingtaine de minutes, l'ingénieur du son, Jake Viator, prolongeant manuellement le titre en temps réel aussi longtemps que Perry continuait à tourner. Il a terminé et a immédiatement libéré la piste d'overdub de secours en une autre prise de 20 minutes. En fin de compte, la séance aura duré 8 heures avec un Perry debout tout le temps a 82 ans.

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Dub Magik Lee Scratch Perry & Peaking Lights & Ivan Lee

Life of the Plants dure juste 45 minutes, avec seulement trois morceaux et deux dubs d'environ 9 minutes chacun. C'est un disque électronique décrit par Aaron comme : "un bel exemple de la diversité des connaissances de Lee, de la mélodie et des paroles à écoulement libre que l'on retrouve quelque part au fond de son subconscient." "Lee est passé du statut de producteur tout-puissant à celui de chaman à mes yeux ", dit Ivan en décrivant le rôle de chanteur de Perry. "Il appelle et invoque les énergies par la parole, il est le poète de l'extérieur, un maître de cérémonie." Nul ne peut dire de quoi l’année prochaine sera faite pour lui, mais au vu des résultats de celle-ci, on espère que le retour en grâce/forme va durer … Jah love !

Jean-Pierre Simard le 10/12/19

Lee Perry - Heavy Rain - On U Sound
Lee Perry - Life of the Plants - Stones Throw