L'AUTRE QUOTIDIEN

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Gare aux nouvelles gares! Le grand pari(s) urbain nous tente moyen

gare villejuif institut gustave-roussy (lines 14 and 15 south) by dominique perrault architecture
image © dominique perrault architecture / société du grand paris

gare le bourget RER (lines 16 and 17) by elizabeth de portzamparc
image © elizabeth de portzamparc / société du grand paris

gare noisy – champs (line 15 couth) by agence duthilleul and arep
image © jean-marie duthilleul / société du grand paris

gare saint-denis pleyel (lines 15, 16, and 17) by kengo kuma & associates
image © kengo kuma & associates / société du grand paris

Station pont-de-bondy © BIG / silvio d’ascia / société du grand paris

gare clichy-montfermeil (line 16) by EMBT with bordas + peiro architecte
image © agence miralles tagliabue EMBT / société du grand paris

Voici donc ce qui nous attend. Quelques-unes des nouvelles gares qui seront construites dans le cadre du projet du Grand Paris. Elles semblent autant déshumanisées et coupées de la ville que les écrans d'ordinateurs sur lesquelles elles ont été conçues. Limite sans doute de l'urbanisme d'aujourd'hui, qui se ressemble tant dans le monde entier par ce qu'il assemble d'éléments invariants, constante qui donne aux édifices publics une forme globale où ils ne se distinguent les uns des autres que par l'attraction qu'ils ont choisi de représenter dans la ville : une spirale ici (pourquoi ?), un oeuf  là (pourquoi ?), une symétrie asymétrique presque partout (pourquoi ?), le tout assemblé, comme en cette page, donnant l'impression d'un champ de foire, avec son grand huit, son train fantôme, ses manèges à l'ancienne, sa pyramide inca, ses montagnes russes. De ville, autour, il n'y en a pas. De vie, dedans, on n'en voit que la projection de la vie telle que l'imaginent ses auteurs/concepteurs, maîtres d'oeuvre et apporteurs de fonds, aussi artificielle que les petits personnages incrustés à l'écran, ces sortes d'avatars créés dans Sims qui vont toujours heureux, en nombre raisonnable (où est la foule des gares ?), et vaquent à leurs occupations en toute tranquillité (notez l'omniprésence dans ces images de la figure du cycliste comme idéal contemporain), comme s'ils se promenaient dans un parc, le dimanche. Pas un pauvre autour de ces gares d'une banlieue fantasmée (essayez une fois, pour voir la différence entre ces projections et la réalité, d'aller jusqu'à la gare RER de Saint-Denis, et découvrez l'animation de son parvis, la fumée de ses brochettes, l'affairement général à survivre). Rien qui y soit une animation possible détachée de son projet finalement totalitaire (s'il y a un troquet où s'asseoir, il sera à trouver à l'intérieur de l'espace commercial défini par la gare, une franchise de plus, car autour, de vivant, d'hors-projet, il n'y a RIEN. Comme si l'on avait créé un glacis autour de ces édifices public qui seront, par leur fonction, le poumon de la ville. Nous sommes donc au regret de dire aux concepteurs de cette banlieue aseptisée que nous ne sommes pas emballés (ou déjà embaumés) par ces projets qui momifient, tout en l'infantilisant, la ville.

Christian Perrot