“Seasonal Shift” (le changement de saison) arrive un peu tôt, mais c’est toujours une excellente raison de l’envisager avec Joey Burns et John Convertino. D’autant qu’album de la continuité, il ne dépare en rien la disco impec de Calexico.

"C'est plutôt un album saisonnier et, comme toutes les saisons, il traite du changement et de la façon dont ces changements dans le monde résonnent en vous. Je n'aurais jamais pensé que cela se passerait comme ça. Nous voulions enregistrer un EP de six chansons et nous avons continué. Je suppose que je n'aurais jamais pensé que je serais en mode d'hibernation permanente non plus, mais je suis super heureux et extrêmement reconnaissant". Joey Burns

Pour l’occasion, le groupe de Tucson imbibé de mariachis est ici également composé de Jacob Valenzuela à la trompette et au chant, de Martin Wenk à la trompette, à la guitare, aux claviers, à l'accordéon, au glockenspiel, au vibraphone, au theremin et au chant, de Scott Colberg à la contrebasse et à la basse électrique et de Sergio Mendoza aux claviers, à l'accordéon et aux percussions. Comme à l’accoutumée, la pochette exhibant une caravane enrubannée de décos de Noël donne le ton exact de l’album, une petite lumière dans la nuit solitaire du COVID, portée par un groupe qui donne son sentiment du moment en vous racontant qu’on peut quand même recoller les morceaux. Après des années de Trump, c’est louable. Bon vu d’ici, on n‘a guère mieux; alors yes mariachis aussi … 

Le premier morceau, "Hear the Bells", réussit à cocher la plupart des cases sonores de Calexico, à la fois réconfortant, élégiaque et édifiant. La guitare, les cordes et les cuivres habituels se combinent agréablement et Joey Burns y passe sans encombre de l'anglais à l'espagnol, marquant l’humeur oscillante du morceau, entre célébration et sérieux. Il s'agit de l'un des moments les plus festifs de l'album, mais ce n'est pas le meilleur titre. Les chansons/nouvelles au cordeau de Calexico sont Mi Burrito Sabanero et Heart of Downtown. Le premier a une vibrante saveur latine, menée par la voix colorée de Gaby Moreno, tandis que le second est la quintessence de Calexico, démontrant l’aisance avec laquelle le duo envoie ses titres en utilisant plusieurs registre musicaux, passant ici du blues saharien à la zone frontière mexicaine. Il met également en vedette Bombino à la guitare et pourrait raisonnablement être considéré comme un cousin éloigné de Quattro (World Drifts In), de leur célèbre album Feast of Wire de 2003.

Seasonal Shift comprend deux reprises (au départ cela devait n’être qu’un EP) : une version allégée et rapide du Christmas All Over Again de Tom Petty avec Nick Urata de DeVotchKa et une version plus prosaïque du Happy Xmas (War Is Over) de John Lennon & Yoko Ono, le groupe se contentant d'une interprétation relativement fidèle dont l’interprétation met en avant la voix de Burns.
La chanson-titre et Nature's Domain sont plus discrètes et contemplatives, ce qui montre que Burns est toujours capable d'insuffler de la gravité aux chansons lorsque la situation confinesque l’oblige. L'instrumental Glory's Hope évoque la vue des lumières de Noël, en suggérant un paysage où les cactus ont été remplacés par des arbres de Noël. En quasi toute fin, Gisela João apporte une élégance réfléchie aux stars invitées Tanta Tristeza et Camilo Lara sur l'énergique Sonoran Snoball. Une fois le spectacle terminé, il ne reste plus qu'à la troupe de collaborateurs (et au-delà) à nous envoyer leurs meilleurs vœux pour la reprise finale de Mi Burrito Sabanero. Si la perspective d'un Noël coincé par le COVID s'avère trop difficile à assumer seul, alors Seasonal Shift se pose là pour vous dire que d’autres pensent à vous. A défaut de mieux et à condition d’aimer l’alt-rock et les mariachis… CQFD

Jean-Pierre Simard le 3/11/2020
Calexico - Seaonal Shift - Anti PIAS