L'AUTRE QUOTIDIEN

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L'espace de la Maison Louis Carré d'Alvar Aalto

Dernier portfolio : la visite impromptue de la Villa Carré avant rénovation, œuvre de l’architecte finlandais Alvar Aalto, dans une définition humaniste du luxe dérivée de Baudelaire (luxe, calme et volupté). Même si celle-ci, n’est pas sensualité pure mais ascèse certaine, joie plus mystique que pleine expression des sens. Le luxe étant la simplicité retrouvée, une célébration de l’essentialité et de la convergence vers cette Nature qui appelle à dialoguer, loin des faux semblants, dans une interrogation plus profonde, voire plus sévère, d’un protestantisme ne souffrant aucune contamination baroque….

Ici, aucune ostentation, ni étalage des signes extérieurs de richesse, mais la juste mesure de ce rapport tellurique à la Foi et à l’Espérance dans la contemplation des espaces, et la pureté du Design, des lignes, au confort des bois et ouvertures, de la lumière entrante, de la paix retrouvée ; loin des bruits et de la fureur du monde. A noter l’espace, les matériaux, l’ouverture sur la Nature, la piscine, et tous les éléments d’architecture qui donnent, par exemple au salon, aux chambres, toutes avec salle de bains privées, aux espaces de travail, bureau, cuisine, dépendances, tout l’espace nécessaire au bien être, au bien vivre, dans un confort beaucoup moins spartiate que celui d’un Le Corbusier, dédié à l’apaisement, au calme, à la concentration, à la mesure que tout espace ainsi créé offre de « confort » dans une éligibilité des matières, remarquables en tous points. Et ,si à même de se protéger des outrances du climat ; des trop fortes chaleurs comme d’un froid trop aigu : écologisme avant l’heure.

Passionné par l’art contemporain, Louis Carré acquiert en 1956 quatre hectares de terrain sur une colline proche de la maison de son ami Jean Monnet, à Bazoches-sur-Guyonne (Yvelines), dans le but d’y faire construire une villa.

Bien qu’il connaisse et apprécie Le Corbusier, Louis Carré lui préfère un architecte finlandais au style moins radical, peu connu en France : Alvar Aalto. Séduit par la qualité des espaces de ses réalisations finlandaises, il lui passe commande d’une villa avec quelques exigences simples : une toiture d’ardoise comme dans sa Bretagne natale1 et des pièces de vie capables d’accueillir également ses collections2,3.

La Maison Louis Carré est  est réalisée en parpaings habillés de brique et de pierre calcaire de Souppes-sur-Loing. La toiture, en ardoises d’Angers, reçoit des chéneaux de cuivre terminés par des gargouilles qui rejettent les eaux dans des bassins circulaires. Les avancées de la toiture, remarquables de légèreté, sont supportées par des piliers de cuivre emplis de béton. Ils sont recouverts d’un habillage de lames de teck4.

Les espaces intérieurs font largement appel au bois, matériau de prédilection d’Aalto. Frêne, chêne, pin, hêtre habillent les portes et claustras du salon et le plafond en vague de l’entrée.
La Maison Louis Carré, conçue autant comme un écrin pour les collections d’art contemporain de Louis Carré que comme un lieu de repos en famille, est remarquable par la fluidité des déplacements et la perfection de la lumière. Aalto conçoit des éclairages raffinés, tant naturels qu’artificiels. Il dessine et fait réaliser les multiples lampes à éclairage indirect qui animent les pièces.

Meublée des créations de l’architecte, la maison sera cédée par les héritiers d’Olga Carré, à l’Association Alvar Aalto en France. Conservée sans aucune altération du plan original avec la totalité de son mobilier, elle offre au visiteur le modèle sensuel d’un art d’habiter nordique.
Seul le jardin, aujourd’hui dominé par les frondaisons, a perdu son apparence originelle et ses vues sur la campagne de l’Île-de-France.

La Maison Louis Carré a été classée au titre des monuments historiques par arrêté du 5 juillet 1996. Elle a été acquise en 2006 par l’Association Alvar Aalto en France qui l’ouvre au public depuis l’été 2007.

Reportage Pascal Therme, le 12/06/2024
L'espace de la Maison Louis Carré d'Alvar Aalto
-> l’intégralité du reportage sur le site de l’auteur, ici