L'AUTRE QUOTIDIEN

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Le MacVal en déroute de la condition humaine (sans Malraux!)

Les expositions temporaires du MacVal dévoilent les processus de construction des identités et des corps contemporains, à réfléchir le réel pour en proposer de nouveaux scénarios et autres manières d’habiter le monde. Ce 4e volet du projet itinérant « Humain Autonome » a été conçu par Marianne Derrien, Sarah Ihler-Meyer et Salim Santa Lucia.

Andrea Zittel, Utopia Station, 2003 — Reproduction photomécanique, impression en quadrichromie sur papier Canaletto (210 gr) — 60 × 284,2 cm Collection Institut d’art Contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes Photo © Andrea Zittel

Voiture, caisse, auto, char, tacot, bagnole, tire… L’automobile est un objet paradoxal. Si d’aucuns l’adorent, d’autres la vouent aux gémonies. Elle est, à tout le moins, un symbole ambigu, cause et symptôme de bien des crises que nous traversons (économique, sociétale, climatique, philosophique…). Facilitant le déplacement des individus et des marchandises, l’exploration mais aussi la conquête, à la fois instrument de la liberté et du contrôle, son utilisation a façonné les paysages, les corps et les esprits. Concentrant de nombreux enjeux économiques, l’auto est un non-lieu, mi privé mi public, une machine à fantasmes et un objet de fétichismes, personnifiée parfois. Ses chaines de production, ses systèmes d’exploitation, le lien avec les énergies fossiles, ses mythes, ses impensés sont ici analysés, déconstruits, repris et retournés par les artistes de l’exposition.

Martha Rosler, Photo-Op, from the new series Bringing The War Home : House Beautiful, 2004 — Photomontage imprimé comme photo couleur, cadre : 51 x 61 cm Collection Frac Normandie

Pour autant, il ne s’agit pas de rejeter en bloc. Mais au contraire de faire prendre conscience, de pointer certaines apories de notre monde contemporain. Cette exposition réunissant une cinquantaine d’artistes de générations différentes est accompagné d’une publication retraçant l’ensemble du projet .

Matthew Angelo Harrison, Dark silhouette: Composition of borrowed inlets, 2018 — Résine acrylique, bois, métal — Sculpture : 51 x 25.5 x 15.2 cm, socle : 121,92 x 33,02 x 25,4 cm Collection Lafayette Anticipations — Fonds de dotation Famille Moulin, Paris. Courtesy de l’artiste et de la Jessica Silverman Gallery, San Francisco. Photo © Tim Johnson

« Déroutes » est donc aujourd’hui au MAC VAL, le quatrième opus du projet « Humain Autonome ».

Avec les artistes : A.K. Burns, Alain Bublex, Alessandro Balteo-Yazbeck & Media Farzin, Alexandra Bircken, Andrea Zittel, Anita Molinero, Antoine Nessi, Atelier Van Lieshout, Bill Owens, Blair Thurman, BP, Cady Noland, Delphine Reist, Diego Bianchi, Ed Ruscha, François Dufeil, Frieda Toranzo Jaeger, Hans Haacke, Hugo Vessiler-Fonfreide, Julie Hascoët, Kristina Solomoukha, Laurent Faulon, Lothar Baumgarten, Lucie Stahl, Malala Andrialavidrazana, Marcel Devillers, Mark Leckey, Mark Lombardi, Martha Rosler, Mathis Altmann, Matthew Angelo Harrisson, Michael Sailstorfer, Mohamed Bourouissa, Monira Al Qadiri, O. Winston Link, Peter Buggenhout, Piero Gilardi, Randa Maroufi, Sara Sadik, Serge Lhermitte, Sophie Ristelhueber, Stéphanie Cherpin, Suzanne Husky, Tania Mouraud, Taryn Simon, Thomas Bayrle, Thomas Teurlai, Tobias Zielony, Willy Ronis.

Alain Bublex, Drawing of Aerofiat 2.1 patent highlighting — The smart use of space in the cabin of this pure aerodynamic vehicle, 1995 — Adhésif, acrylique sur calque polyester — 108 × 247 cm Courtesy Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, Paris. Photo © Salim Santa Lucia

« Un humain autonome, affranchi de ses limites physiques, porté par un progrès inexorable, devenu maître et possesseur de la nature : tel est le mythe dont la voiture est le symbole. Soit un récit épique, individualiste et « Pétromasculiniste » (selon Cara New Dagget) — de ceux qui soutiennent des modes de production, des rapports de domination et d’exploitation à l’origine de la destruction de nos écosystèmes. »

C’est cet héritage moderne qu’aborde l’exposition “Humain Autonome : Déroutes” en mettant en regard les imaginaires et les réalités de la civilisation du moteur. Objet de fétichisme, l’automobile est ici réinscrite dans les systèmes énergétiques, l’organisation du travail, les enjeux géopolitiques, les érotiques et les contre-cultures qu’elle implique — ceux du « Capital fossile », selon Andreas Malm, qui ne cesse de se survivre à lui-même.

De générations différentes, issus et issues de la scène française et internationale, les artistes de cette exposition engagent une autre conception de l’autonomie humaine : comprise non pas comme indépendance à l’égard de toute extériorité, mais comme capacité à réfléchir nos propres déterminations et interdépendances. Une autonomie située par rapport à un ordre social et symbolique qu’il s’agit de déconstruire.

Ouvrant la voie à d’autres lignes d’horizons, d’autres points de fuite, leurs œuvres se font tactiques de bifurcation et de déviation pour renverser les logiques économiques et redéfinir les systèmes de valeurs dominants : l’exploitation des corps et des sols, la surproduction, l’extractivisme, les conquêtes coloniales, la vitesse, la puissance, le progrès…

Composée de dizaines de milliers de pièces, une voiture est à la fois un monde en soi, un objet banal du quotidien et une icône du progrès technique au XXème siècle. _ Si celle-ci doit son développement à une promesse initiale — celle de pouvoir se déplacer plus vite et plus loin en offrant une autonomie individuelle jusque-là inédite -, il s’agit ici de porter notre regard sur les émancipations et les asservissements produits par la culture du moteur.

Dessinant des récits alternatifs, l’exposition génère des propositions ouvertes, parfois paradoxales.

Jean-Max Azimuth, le 29/05/2024
V.A. - Humain Autonome : Déroutes -> 22/09/2024

MAC VAL, Place de la Libération 94400 Vitry-sur-Seine

Malala Andrialavidrana, Figures 1876, Planisphère élémentaire, 2018 Collection Frac Normandie