Julia Holter et sa claque aux mauvais rockers (enthousiasme)
A vouloir se débarrasser de toute ma/paternité créative, Julia Holter envoie une/sa musique : bulleuse, nébuleuse, libre qui semble générer son propre esprit. Et cela va assez bien, puisque sa recherche renvoie à des noms et démarches du côté de Julie Tippett et Robert Wyatt. Oui, je sais c’est gonflé. Mais c’est ça comme.
Le printemps est définitivement là, tout comme Julia Holter. La dernière fois que nous avions eu de ses nouvelles, c’était en 2018 lors de la parution de son album Aviary, objet sonique absolument audacieux. Suite à cela, elle avait quelque peu disparu de la circulation après une tournée mondiale bien intense… avant de revenir, comme une fleur, cinq années et demi plus tard, en pleine forme, avec son sixième album événement Something In The Room She Moves.
S’ouvrant sur un « Sun Girl » aux sons disparates, la voix angélique de la californienne résonne à travers ces arrangements oniriques et carillonnants, avant de prendre de la hauteur, avec des moments célestes et quelque peu avant-gardistes que sont « Materia » et le jazzy « Evening Mood » qui suivent sans oublier le morceau-titre aux allures de Kate Bush. Inspiré par le cycle de la vie entre la perte de son neveu et la naissance de sa fille, Julia Holter contemple à merveille la nature des relations humaines aussi complexes qui soient, Something In The Room She Moves dont le titre est inspiré de George Harrison (rooom pour way) verra donc notre protagoniste activer un genre d’écriture spontanée de son subconscient.
Faisant le grand écart entre instrumentation feutrée et minimalisme, son sixième album continue de fasciner. Les expérimentations arrivent sous forme de battements de cœur sur « Spinning » qui formeront en réalité une improvisation musicale absolument hors du commun. Convoquant une chorale polyphonique a cappella sur l’impressionnant « Meyou » ou une armée de synthés sur le chant des baleines qu’est « Ocean » finement orchestré (violoncelle, clarinette, claviers…), ou encore sur « Talking To A Whisper » avec son final free-jazz des plus époustouflants.
Suite à ces épopées un brin étranges, mais ô combien oniriques, ce périple se clôture avec un « Who Brings Me » minimaliste et épuré marquant un retour en grâce pour une Julia Holter toujours aussi inspirée. Something In The Room She Moves s’avère moins hermétique que son prédécesseur, mais toujours aussi enchanteur; dévoilant les talents de compositrice que possède la californienne, se voulant plus créative et spontanée que jamais. Une grande œuvre printanière. Si les arrangements minimalistes et les voix ne vous rappellent ni Robert Wyatt ni Julie Tippett des 70’s, c’est que vous passez à côté. Alors, réessayez !
Jean-Pierre Simard, le 27/03/2024
Julia Holter - Something in the Room she Moves - Domino