L'AUTRE QUOTIDIEN

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Rêver le futur de Golikro avec Olivier Khouadiani

Le Golikro d’Olivier Khouadiani est un lieu qui existe sans exister vraiment. Le photographe ivoirien crée un village imaginaire à côté du village réel d'Amanikro, brouillant délibérément les frontières pour graver une nouvelle image où se rencontreraient traditions et modernités. Prix Lens Culture noir et blanc 2023.

Mi Ti. The head, the advance of the new Goli in the village © Olivier Khouadiani

Khouadiani utilise plusieurs autres moyens créatifs pour atteindre et communier entre ces royaumes. D’une part, créer des photographies en noir et blanc était une autre façon de se connecter au spirituel et à l’ancestral. « Le noir et blanc libère le temps. C'est à peu près tout le temps. Cela touche au passé, au présent et au futur. La distribution des personnages présents dans les images est également significative ; une photographie d'araignée est la première de la série Golikro. "Chaque animal représenté par le Neo Goli a un rôle", dit-il. "L'araignée construit un réseau, établissant des liens avec les mondes ancestraux, avec les vivants et la prochaine génération à venir."

Alê difouê. The warrior caterpillar, one of the versions of Neo Goli, who is a warrior ready to do anything to defend the community © Olivier Khouadiani

Dans la série, des images fantastiques d'enfants jouant avec de douces araignées ou des chenilles brandissant des machettes se mélangent à des images documentant les détails de la vie agricole dans le village d'Amanikro ; des gros plans luxuriants de vrais insectes, un tas de cabosses de cacao en décomposition. Les scènes riches et imaginatives qui se déroulent dans les images, dans le contexte du village, sont d'une simplicité puissante. La photographie mise en scène peut souvent être alourdie par de nombreuses exigences ; accès aux lieux, modèles, accessoires et effets spéciaux. Khouadiani fait opérer sa magie avec beaucoup moins.

Zougou. Caterpillar in a cocoa field, one of the components of the new Goli mask © Olivier Khouadiani

Une photographie d’enfants empilés les uns sur les épaules et enveloppés de tissu, debout à côté d’un panneau solaire, fait allusion aux nouvelles technologies qui font leur entrée dans les infrastructures du village. Le photographe est témoin des changements et voit les complexités qu’ils apportent. La série a été créée avec les enfants du village, dit-il, car « ils sont la vraie solution pour l'avenir de leur village ».

Goli Via Kanhi. One of the new attributions of Goli, it will bring light to the village which lacks power thanks to solar panels © Olivier Khouadiani

Ce véritable village d'Amanikro où Khouadiani met en scène ces scènes est un village agricole auquel le photographe a été initié à travers un programme de narration visuelle via NOOR en partenariat avec la Fondation Chocolonely. Les habitants d’Amanikro ont quitté leur région d’origine, au centre de la Côte d’Ivoire, vers le sud-ouest afin d’accéder aux opportunités économiques et de cultiver un meilleur cacao.

Bakan gua bé ô Bonou. The birth of Neo Goli in the heart of the plantations © Olivier Khouadiani

Cette décision a entraîné une dislocation et une perte des traditions agricoles et spirituelles, dit Khouadiani. "Quand les gens entendent parler d'immigration, ils pensent toujours à l'immigration d'Afrique pour aller en Europe ou aux États-Unis, mais même dans notre pays, nous avons un problème de migration parce que lorsque vous quittez votre maison et allez dans un autre endroit avec une langue différente , une ethnie et une culture différentes, ils doivent accepter que vous vouliez y vivre.”

Sa, means Hand in the Baoulé language, the Neo Goli, in one of its new roles, impacts its ecosystem, it moves the bee into the flower, with the aim of making it spread the pollen © Olivier Khouadiani

Khouadiani lui-même a vécu lui-même la perte des traditions. « Le problème c’est que je ne parle pas le baoulé, je ne parle que le français et l’anglais. Je dois parler de ma culture, de la culture africaine. Pour moi, il est vraiment important de raconter notre histoire. Je me sens triste car Baoulé fait partie de mon ADN. Si je n’ai pas ça, je dois trouver un autre moyen. Les plans pour finaliser le projet comprennent une chanson enregistrée avec un chanteur Baoulé, des portraits de villageois et un élément vidéo.”

Lorsque Khouadiani a présenté les premières photographies de la série aux villageois, ils ont immédiatement compris l'œuvre comme une conversation spirituelle. Un homme lui a demandé : « Vas-tu apporter le Goli ? donnant à Khouadiani l'idée du titre de la série. "Au début, ils n'ont pas compris ma démarche, mais quand ils ont vu le début de la série, ils ont été captivés."

Rebecca Horne pour Lens Culture, édité par la rédaction le 13/03/2024

Olivier Khouadiani - Golikro

Sasafouê. Sasafoué, guardian in the Baoulé language is the guarantor of the preservation of tradition and the link with the physical world © Olivier Khouadiani