L'AUTRE QUOTIDIEN

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Escalader (sans peine apparente) le Mont Matsu avec YĪN YĪN

Du plat pays d’Outre-Quiévrain débarque un album parlant d’un mont Matsu aussi fictif que surélevé, là où convergent les sons de Bangkok, Chicago et Berlin. YĪN YĪN, originaire de Maastricht, nous enjoint de danser depuis leur studio de la campagne belge, où toute leur musique est enregistrée. Ces derniers temps, on a noté quelques changements dans la formation, avec le départ du co-fondateur et multi-instrumentiste Yves Lennertz et YĪN YĪN passant de la formule trio au quatuor. Escalade ?

Plus important encore, cela a modifié la dynamique d’écriture des chansons, tous les membres ayant contribué de manière égale aux titres, aux côtés du fidèle batteur du groupe, Kees Berkers. Cet arrangement apporte de la variété, mais il ne tient pas toujours ses promesses. On sent que YĪN YĪN trouve sa voie dans cette nouvelle configuration, mais certains des arrangements donnent l'impression d'appartenir à des chansons différentes, comme les cordes plongeantes sur « L'année du lapin ». Des morceaux comme « Tokyo Disco », inspiré de l’Afrobeat, ou « Takahashi Timing », plus difficile à cerner, semblent rythmiquement plus lâches et plus décontractés alors que à balancer des backbeat quand on attendait un son droit devant. Sur ce dernier morceau, tout le monde semble s'amuser, avec une outro qui transcende la mécanique du groove alors que l'électronique disparait et que les cloches tombent. Mais ensuite, sur une chanson comme « White Storm », la structure rythmique est trop rigide pour s’y détendre, quand vous auriez préféré vous perdre dans le groove.

YĪN YĪN est souvent décrit comme un groupe « funk et disco psychédélique », et même si cela est vrai d’un point de vue esthétique, cela semble moins pertinent examiné de plus près. Les choses sont plus intéressantes quand elles sortent des sentiers battuss, comme sur le petit numéro intimiste « Komori Uta » avec sa voix haletante et son swing lubrifié, et cela se prolonge dans le maussade et énigmatique « The Year Of The Tiger ». J'ai eu un peu de mal à trouver le terme funk approprié sur ce mont Matsu ; icelui devant exsuder le sexe, quand YĪN YĪN reste dans une posture préadolescente ( avec les doigts ? ) sur des morceaux comme « Tam Tam ». Psychédélique est également un mot hors limite, tant il peut aussi facilement être appliqué à Hawkind ou Hendrix qu'à Tame Impala ou aux Teletubbies. La classification des genres n'est bien sûr pas le principal objectif ni la principale préoccupation de YĪN YĪN, même si on sent qu’ils se trouvent à la croisée des chemins où des voies plus expérimentales s'ouvrent à eux, tout en se préservant du terrain déjà occupé par le très populaire Khruangbin. En ce sens, le mont Matsu ressemble à un tremplin, mais il s’agit d’un envoi maladroit avec un pied coincé dans ce qui précède - à le faire trébucher. Néanmoins, même si nous n’atteignons pas tout à fait le sommet, il y a suffisamment de détours en cours de route pour que la vue du paysage escarpé reste intéressante. Mi fugue, mi raison… Vivement une suite résolument originale, une fois la mue effectuée. Travail en cours.

Jean-Pierre Simard , le 24/010/2024
YĪN YĪN - Mount Matsu - Glitterbeat