L'AUTRE QUOTIDIEN

View Original

La Sphinge de Benoît Demoriane en trois volets

La louve au regard de braises, un œil sur le bras, presque égyptienne, lancinante et accomplie, comme une idée de déesse sans fureur, éteinte, tenue par l'attente, tapie dans le noir, intermittente... sphinge sans le savoir, dans l'œil mirifique de sa pose...

©Benoist Demoriane, model Marguerite d’Ombre

et, toi, le complice inachevé de l'instant qui transite, trans-mue, par le regard qui voit, tu l'établis, sur la base de ton souvenir fugace, qui trace... épreuve de l' Archi-tecte, de l'Archonte, du Roi qui ne se nomme pas, tu tends un bras invisible, fait de songes pour bruler tes fantasques obsessions, celles qui passent sous le temps, et commuent notre peine à tous de voir s'éteindre, s'étreindre les corps, sous d'australes lumières qui, hier encore, faisaient la couche propice et l'air, printanier... réminiscences du songe qui nous fit grand, fils élu de l'ombre, amant ténébreux à l'image imagée de ces instants volés au temps, retour des boléros et des savanes illustrées d'une photographie qui déshabille ces héroïnes d'un jour et qui ploie le désir au sommet de sa chance … 

 Le monde serait plus imparfait si vous n'étiez là, cher photographe, à brasser dans le vent calme, toutes ces ébauches de romans et, en peintre, à pressentir l'union idéale et fantasque de la tombe où s'unissent de shakespeariennes tragédiennes, innocentes, dirait-on et complices, pour boire la coupe faites de corps insolubles aux tremblements invisibles et de paroles tues... ce mouvement, permanent est une ascèse qui touche….

©Benoist Demoriane, model Justine-P

Aussi les flèches apolliniennes touchent-elles, au coeur, nos vaisseaux échoués, avant le jour, dans la pale lueur des aubes qui délivrent en emprisonnant la fuite des instants magiques, les faisant passer par le cercle de ces Illuminations rimbaldiennes, à la sur-exposition des traces que le fantasme ramène toujours en son centre et que le souvenir disperse; ainsi en va t-il de ces nus, nuées, songes, imprécations, renoncements, affirmations, beautés solaires des nuits où se fissure le jour, à minuit, pour se ré-exposer, en passant, au midi, et souffler le printemps sur les braises de l’hiver qui pense, au minuit plein, la défection éternelle des heures longues et sans fin. Qui chavirent ainsi d’espoirs qui, attisent, au fond du lit, ces  beaux souvenirs, sinon ces apparitions, fantômes, à l’indistincte perfection, à la brulure mordante, et du corps et de l’âme.  

Un travail cosmogonique allonge les ombres, se gardant des hivers, comme au plan de sa réalité, s'affirment les mains qui pensent...le regard touche et active, la beauté juvénile et sexuelle de ces nymphes,qui s’affichent, s’exposent, se cambrent, se réservent, s'oublient, et s'aventurent, et dont les éclats de la peau brillent en Séléné, comme des joyaux mobiles, sous le charme des enfants de la lune, dans une Hypnose au sommeil paradoxal.

 

©Benoist Demoriane, Model Loulia

Sans ces jours  aux miroirs noyés, nous serions tous moins alertes avec l'amour qui fuit et qui s’oublie . L’hypnose de ces solstices nous est salutaire. Quand nous buvons ce sommeil d'encre et de lait, quelque chose se dénoue en soi, c'est sans doute la délivrance d'un siècle qui se coupe et se perd, en imposant cette fermeture au regard de toute lumière issue de l’Éros, joueuse, excitante, nerveuse, électrique, follement sensible, alerte de ses dons, de ses caresses, de ses baisers profonds.

Il est temps de revenir de nos sidérations et de nous accorder aux pouvoirs du Léthé, dans sa magie élective, boire ce thé infusé de patiences et se tenir loin, bien loin de ce qui  fait spectacle, compromis, oublis. la force de l'ombre est aussi un refuge, quand elle s'est allégée de ses spectres et qu'elle est de nouveau  le drap enchanté de ce jour où paraissent nos étoiles...là, où le souffle d'ÉROS est redevenu prodigue, prodiges, amours aimables et chants multiples. Au retour du jour, quand la nuit fut une fête fantasque et que les masques ne font plus illusions, mais silence. Alors  et alors seulement, la parole est libre, le poème lactescent des amours rêvées peut se dire et s’prendre du vaste pays où l’enchantement féconde et les yeux voient…volent au devant de soi.

 Pascal Therme le 17/01/2022
Benoît Demoriane et ses sphinges