L'AUTRE QUOTIDIEN

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Florence Joubert accompagne les gardiens du temps

Le silence des photographies de Florence Joubert est de l’ordre d’une prière muette, célébration sereine des humains et des vents, des instruments de mesure et des pains de glace, des bâtiments de pierre de plus de cent vingt ans et des buées matinales.

Florence Joubert

(Extrait du texte de Fabien Ribéry)

Dans l’ordre des quatre saisons, en une forteresse bâtie à la fin du 19ème siècle, sanctuaire météorologique conçu pour défier les avanies du temps, Florence Joubert a observé de 2017 à 2021 ceux qui observent, leur offrant en guise d’adieu des photographies inspirées du Siècle d’or de la peinture hollandaise. Certes, les images sont de natures et de genre différents – des archives, des objets, des portraits, des paysages atmosphériques  –, mais la lumière très douce qui les touche révèle en chacun, en chaque chose, sa part de mystère et d’intimité.

Florence Joubert. La construction de l’Observatoire, véritable forteresse, débute en 1887 et durera 7 ans, à raison de seulement 70 jours de travail en moyenne par an.

Il y a ici une atmosphère de fin de monde, qui est aussi une aurore, ou le début d’une énigme : quels secrets, quelle sauvagerie, quelle folie, quelle profondeur d’humanité, quelle solitude cachent ces visages et ces corps soumis à l’impétuosité et à la rudesse extrême des éléments ?

Florence Joubert. Chantal, technicienne météo et chef de centre, est arrivée en 2003 sur le sommet des Cévennes.

Le silence des photographies de Florence Joubert est de l’ordre d’une prière muette, célébration sereine des humains et des vents, des instruments de mesure et des pains de glace, des bâtiments de pierre de plus de cent vingt ans et des buées matinales. Anémomètres évaluant la vitesse du vent et héliographes déterminant la durée d’ensoleillement sont des outils précieux, rationnels, raisonnables, en ce sommet où ne pas perdre la raison a pu pendant longtemps être un défi de chaque jour.

Florence Joubert. Héliographe de Campbell-Stokes. Cet instrument ancien servait à mesurer la durée d’ensoleillement.

On ne peut être qu'enchanté intérieurement par l'extraction des instants magiques créés par Florence Joubert à travers cet œil délicat et plein d'attention que la photographe souffle au devant de ses pas, dans une proximité tactile, sensible, renvoyant chacun aux heures des dialogues avec le Temps physique, ces heures faites de vents, de brume, de pluie, de neige, de printemps et d'automne, d'hiver, d'été, sans qu'elle ne semble se départir de ce qui est évènement, corps, saveurs, odeurs, sensations, cœur, présents de ce qui est, au fond, paix et attention.

Les photographies s'accordent à ce temps qui file, s'en dialectisent, épanouissent les présences qui, soudain, se mettent à murmurer la proposition sage d'un rêve partagé, d'une Terre vivante, puissante, poétique, comme si le songe, toujours au creux de sa photographie portait cet émerveillement, à la voix secrète pour mesurer enfin l'amplitude des hommes, qui en amoureux, en relèvent scientifiquement les pulsations, en passionnés amicaux et libres… Cette photographie s'en trouve la complice avouée, inavouée, au delà du projet, dans ce qu'elle respire elle aussi le même air, le même temps. Cette immersion est un voyage au cœur des promontoires dont le corps est multiple, enchanteur, vécu. Le voilà et qui sonne la fête simple de ce qui pourrait encore séduire, un souffle d'hirondelles, la qualification des brumes, bruines, brouillards, survient l'orage, l'ampleur débordante des choses sous le vent..... une voile respire dans un souffle.

Et tout cela est un livre qui va venir par les Éditions de Juillet, commandez... Les contributions sont ouvertes...

Pascal Therme le 20/09/2021
Florence Joubert & Fabien Ribéry - Les Gardiens du temps - éditions Juillet
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