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"The Pool" : le coco du croco

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Le survival  à la sauce thaï pique moins les papilles que les yeux. La piscine dans laquelle est coincé le héros en compagnie d'un croco numérique est la poche cloacale dont on ne s'extrait qu'en s'expurgeant du mal en soi. Le minimum syndical avec ce genre de film consiste à ce qu'il repose sur une suite supposément contingente de faits concrètement concrets et rien d'autre. Normalement, la psychologie n'y a aucun droit. Sauf que l'accumulation sadique des avanies pousse le bouchon du délire des fausses coïncidences et des contingences nécessaires si loin que l'épreuve monstrueuse accouche de la souris de sa petite morale. Tous les détails y sont fonctionnels, tout doit servir à cet égard. Le survivalisme est un utilitarisme dont le carburant est la morale pourvu qu’elle soit sauve. La régression à l'instinct de survie révèle ainsi qu'il y a au bout de la tuyauterie de la piscine une histoire d’œuf – le symbole est tellement assumé – qui se joue entre la grossesse de la copine et la mise-bas de la femelle reptile.

Le croco est l'animal dont il faut se rendre victorieux pour triompher du monstre que le héros aura lui-même été en envisageant pour sa compagne la possibilité d'avorter de son coco. Survivre consiste ainsi à se ranger à ce que la loi thaïlandaise interdit. Mais le croco ne suffit pas, un autre animal doit servir au redressement moral du héros, c'est le pauvre Lucky dont la mort de chien indique qu’il s'interposait dans un désir d'enfant. Sacrifier l'autre animal est le triste devoir de l'animal humain dont la procréation fait coïncider la loi de la nature avec celle de l’État. Cette piscine qui a servi au tournage d'une publicité est la réclame d'une société qui fiche au trou ses resquilleurs parmi les bêtes qu'au fond ils sont en croyant se libérer du destin de la reproduction.

Des Nouvelles du front 2 avril 2021


Des Nouvelles du Front inaugure une nouvelle rubrique : Les Reflux du flux. De quoi s'agit-il ?

À l'ère du spectaculaire domestique, les fantômes du permanent de naguère sont devenus des spectres à la petite semaine, les feux follets d'une industrie de l'audiovisuel qui prolifère paradoxalement sur l'extension même du champ de sa décomposition. Spectralisation du cinéma.

Les ectoplasmes, qui tantôt clignotent, tantôt clapotent, émettent un rayonnement faible et leurs intermittences, qui émeuvent parfois en ressemblant à des signaux de détresse, rappellent qu'il n'y a pas si longtemps que cela il y eut du cinéma.

Au miroir des écrans plats, la pharmacie de la vidéo à la demande fourgue sans discontinuer sa came à des insomniaques qui croient encore au messie cinéma.

Les Reflux du flux tente ainsi de raconter à la fois quelque chose de l'idéologie qui persévère en dépit de l'horizon terminal du post-politique, et quelque chose du cinéma qui insiste en s'apparentant à Dieu qui est mort mais ne le sait pas.

Pour le mois d'avril : The Pool de Ping Lumpraploeng ; Furie d'Olivier Abbou ; Guest of Honour d'Atom Egoyan ; trois courts-métrages de Luc Moullet ; Army of the Dead (2004) de Zack Snyder.

https://nouvellesdufront.jimdofree.com/reflux.../avril-2021/


L'Autre Quotidien collabore avec la revue en ligne Des Nouvelles du front autour du cinéma, mais pas que, puisque nous partageons avec elle d'autres passions et prises de position.


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