Découvrir les comics : le renouveau héroïque en 10 essentiels par Thomas Mourier
On vous propose de parcourir l’essentiel des héros contemporains, qui ne sont pas si super… J’en profite pour préciser qu’absolument TOUS les titres présentés ici sont réservés à un public averti. Et, cher public averti, jetez-vous sans attendre sur toutes ces noires pépites.
1. SIN CITY
Dès 1991 et pendant presque 10 ans, Marv, Shellie et Miho vont écumer les rues sales de la ville du péché. Après une carrière au sommet chez Marvel et DC comics où Frank Miller a littéralement réinventé Batman (Lire l’incontournable) et Daredevil (Lire l’incontournable), il se lance dans plusieurs comics originaux où il a le plein contrôle et peut assouvir ses envies de violence à travers ses personnages malmenés. Histoires indépendantes connectées par le fil rouge de plusieurs personnages récurrents et surtout par cette ville malsaine, la série offre de grands moments de noirceur et de fragilité souligné par ce dessin unique au noir & blanc qui joue avec la lumière et son absence.
Derrière un dessin dur, très carré et qui tranche avec la production de l’époque, Frank Miller impose son trait novateur et ultra-stylisé dans ses premiers comics. Il va aller encore plus loin dans la stylisation créant des compositions audacieuses et inédites. Ce jeu de lignes et de simplification est rehaussé par une réflexion sur le noir et blanc qui donne une force folle à ces compositions. Le dessinateur explore les possibilités offertes par ce jeu de silhouettes, par ses ombres découpées sur le noir de la page et crée plusieurs séquences muettes, des pleines pages dynamiques ou des illustrations mystérieuses parfois accompagnées d’un récitatif.
J’espère que vous aimez les romans noirs, les histoires qui finissent mal et les chocs frénétiques —affectifs & graphiques— parce que Sin City vous prend littéralement aux tripes. Le dessinateur réussit le tour de force de nous faire aimer ses salauds, ses tueurs amoureux et vengeurs dans un monde où la violence est la seule norme. Où la férocité est le langage commun de ce lieu perdu. Chaque épisode est une histoire de vengeance et s’attache à un crime particulièrement abject, le sulfureux Miller ne semble pas avoir de limite, mais nous garde captifs par la beauté de ses compositions et de sa mise en scène.
💡 (série complète) Les sept recueils peuvent se lire indépendamment même si les personnages se croisent, reviennent le temps d’un flash-back, d’un cameo ou d’une histoire courte… aussi la lecture des albums dans l’ordre de publication est conseillée.
❤ On conseille l’intégrale donc, qui existe en omnibus (régulièrement épuisé et réédité) ou en sept volumes “blancs” chez le même éditeur Rackham.
2. HELLBOY
Le diable en personne ou presque, un démon surgi des enfers suite à un rituel magique initié par des soldats nazis en quête d’artefacts pour gagner la Guerre, un jeune homme qui se lime les cornes chaque matin pour s’intégrer dans la société. Le garçon des enfers est invoqué en 1993 par Mike Mignola et va devenir l’un des héros, hors Marvel et DC comics, les plus populaires de la scène comics contemporaine. Recueilli par les scientifiques du B.P.R.D (Bureau for Paranormal Research and Defense) une branche du gouvernement américain qui lutte et tente de comprendre les phénomènes paranormaux et les légendes, Hellboy va travailler pour cette organisation quelques années et croiser bon nombre de créatures et de mythes. À cheval entre le conte fantastique tirant de E.A.Poe et H.P.Lovecraft, le lyrisme violent shakespearien, mais également le polar hard boiled : les enquêtes inquiétantes du monstre rouge, et ses acolytes, les entraînent dans le côté obscur de notre monde où se côtoient démons, vampires, dieux et déesses, les héros arthuriens, et une bonne partie des mythes religieux.
À l’image de beaucoup de super-héros, Hellboy est un être torturé par son passé et ses actes, qui se questionne sur son rapport au monde autant que sa lutte contre les forces du mal. De plus Mike Mignola crée une vraie rupture dans la série quand son héros décide de quitter le B.P.R.D où il travaille suite à un désaccord sur les méthodes employées. Il se recentrera sur une quête des origines qui va le mener plus loin dans l’horreur et la machination mythologique que ce qu’il avait vu jusque-là.
Remarqué pour son style de dessin assez atypique dans l’industrie américaine, il fait partie de ceux que l’on reconnait au premier regard. Ses compositions, son traitement des ombres et des aplats soulignent l’ambiance mystique de ses histoires. Derrière ce trait anguleux se cache un bestiaire fantastique, réinterprétations modernes de figures anciennes, de créatures de contes et légendes traités comme des figures toujours vivantes. Il travaille ses couvertures comme des bas-reliefs et le traitement graphique de chaque héros est tellement caractéristique que le public plébiscite chaque mini-série de leurs aventures solos. Son créateur a mis en place toute une galaxie de personnages et de séries qui densifient le titre et qui en font un univers riche et complet. En plus des trois séries Hellboy (Hellboy, Hellboy Aventures & Hellboy Histoires bizarres) on trouve B.P.R.D, B.P.R.D Origines, B.P.R.D- L’Enfer sur terre, Hellboy & B.P.R.D, Abe Sapien et Lobster Johnson. Lobster Johnson est un peu à part, puisqu’il recrée un super-héros plus classique, en gardant l’univers déjà en place avec un côté vintage : les intrigues se passant avant l’arrivée d’Hellboy. Assez bluffant.
Plusieurs dessinateurs et scénaristes interviennent sur cette licence et même si les dessinateurs invités sont assez prestigieux et doués, le trait de Mike Mignola reste assez unique et on se plait à le retrouver à chaque nouvelle livraison de la série principale.
💡(série en cours) En plus de la série mère Hellboy, je vous conseille de lire B.P.R.D. qui est au moins aussi réussie (et qui reprend le flambeau des enquêtes avec de très bons personnages quand Hellboy part dans sa quête solo). Et j’ai un coup de cœur particulier pour Lobster Johnson et cet univers entre Doctor Stange et La Brigade Chimèrique.
3. PREACHER
Sous le label vertigo de DC comics, apparaîtrons plusieurs titres novateurs, presque tous devenus classiques aujourd’hui, mais en 1995, Preacher de Garth Ennis & Steve Dillon casse un peu la baraque avec leur style rebelle et subversif. Le ton libre et provocateur des personnages, les jurons toutes les deux cases et cette histoire autour d’un ange déchu incarné dans le corps d’un prêtre craignos, accompagné par son ex devenue tueuse à gages et un vampire déjanté. Notre prêcheur porte en lui l’enfant d’un ange et d’un démon, recherche Dieu qui a quitté les cieux et est poursuivi par un cow-boy tueur de divinité envoyé à ses trousses. Heureusement que le fantôme de John Wayne est là pour le guider dans cette quête à travers les États-Unis. G.Ennis s’en donne à cœur joie dans cette débauche où son humour noir souligne les scènes vraiment glauques dessinées par son comparse S. Dillon. La réédition récente donne même accès au courrier des lecteurs présent dans les parutions mensuelles où toute la verve potache du scénariste éclate et joue avec ses lecteurs.
Je ne suis pas hyper fan du dessin de Dillon, mais il faut reconnaitre que son sens de la mise en page, ses cadrages et son style nous immerge immédiatement dans l’histoire et l’action. Le trait légèrement cartoon et qui se déforme est parfait pour les scènes assez insoutenables de tortures et de mutilations présentes dans l’album et sans ça, impossible de créer un personnage aussi fort comme Tronchdecul (Arseface) dans l’adaptation en série T.V. sa laideur et détresse est un peu adoucie.
Ce polar mystique à l’humour bien tranché captive dès les premières pages, les auteurs prenant plaisir à distiller lentement les informations sur le passé trouble des personnages en parallèle de cette quête improbable. Et comme tout prédicateur, méfiez-vous des belles paroles, vous risquez d’entrer dans un monde de cauchemars et de folie furieuse.
Le verbe et les mots sont le pouvoir le plus puissant, et notre ami au col blanc en a fait son arme principale, entre une armée d’insultes et de jurons bien sentis.
💡 (série complète) L’intégrale existe maintenant en six volumes, qui comprend également les hors-séries et les épisodes spéciaux sur les histoires secondaires.
4. TRANSMETROPOLITAN
Pas de pouvoirs ou de super-héros pour Spider Jerusalem, le journaliste gonzo complètement déjanté qui lutte, à sa manière, contre l’injustice, les médias et plus particulièrement le Président des USA en exercice depuis 1997. Auteur d’articles cinglants dans un monde futuriste abîmé, l’homme au tatouage d’araignée réussit à fuir sa propre vie autant qu’il s’implique dans la vie des autres. Cette fuite en avant se double d’une frénésie verbale, d’une agressivité musclée de sa part ou de celle de ses gardes du corps Channon Yarrow & Yelena Rossini. Drogué, alcoolique et accro à tout ce qui est lié à l’autodestruction, il balade ses lunettes caméras partout où il ne faut pas et fouine dans des histoires qui le dépassent.
Warren Ellis est un scénariste atypique qui écrit aussi bien des romans, des nouvelles que des scénarios de bandes dessinées qui s’inscrivent tous dans une veine désabusée et post-moderne. Son héros, directement inspiré de l’écrivain Hunter S. Thompson qui a popularisé le journalisme gonzo, est tout sauf objectif et commente à peu près tout pour notre plus grand plaisir.
Le style réaliste et ultra-détaillé de Darick Robertson donne corps à cet environnement post-cyberpunk bien crade où la technologie semble plus être un pansement pour la société qu’un bienfait pour l’humanité. Le diable est dans les détails dit l’adage, et ces pages en regorge, donnant un équilibre assez subtil entre les dialogues enflammés et percutants du personnage et son environnement dense et qui met un peu mal à l’aise. Le trait, soutenu par l’encrage et la couleur, a quelque chose d’un peu rétro aussi qui donne un charme particulier à cette série qui a tous les codes de la SF, mais qui n’en fait pas son propos.
La nouvelle édition intégrale en cinq volumes regroupe les numéros par année de parution et donne un bon aperçu du personnage et de ses joutes verbales sur presque 300 pages.
Si la vulgarité, l’apologie de la violence ou de la drogue vous dérange : passez votre chemin, vous êtes en présence du pape de l’irrévérence.
💡(série complète) On conseille l’intégrale qui propose une histoire complète qui se boucle au dernier épisode qui aura englobé plusieurs cycles sur près de soixante numéros.
❤ Si vous aimez son univers, lisez aussi ses romans et nouvelles (traduits au Diable Vauvert) vous y retrouverez un air de famille dans un océan d’idées déjantées…
5. TOP10
Le nom d’Alan Moore est associé au qualificatif de chefs-d’œuvre et cette série n’échappe pas à la règle. Après son travail de déconstruction du genre super-héros sur Watchmen (Lire l’incontournable) en 1986, il se lance dès 1999 dans un projet qui réussit à surprendre encore dans ce domaine. Après une série de conflits avec les grandes majors Marvel et DC comics, il lance une nouvelle collection ABC (America’s Best Comics éditée par Wildstorm) avec La Ligue des gentlemen extraordinaires (Lire l’incontournable), Promethea, Tom Strong & Top10. Un renouveau dans le paysage des comics qui propose une alternative aux traditionnels héros masqués, avec humour et esprit, chaque série creusant un sillon bien particulier (malheureusement pour nous Jim Lee céda son label à DC Comics et Moore annonça qu’il s’arrêterait assez vite…)
Top 10 présente un monde où tout le monde possède des pouvoirs (même les animaux n’échappent pas à la règle) ce qui rends les super-héros presque inutiles, et le titre se concentre sur un commissariat de quartier et ses employés qui sont là pour maintenir l’ordre dans Néopolis. L’une des références célèbres de la bande dessinée est le copshow Hill Street Blues, une série du début des années 80 qui s’intéressait au destin, aux interactions entre les personnages ainsi qu’aux questions de société. Pour les flics du 10e district, ce sera la même chose derrière les arrestations spectaculaires, les intrigues se noueront autour de problématiques de la vie en société et de l’acceptation. Il sera question de racisme, de religions et d’exclusion, mais aussi de thèmes plus tabous comme le viol, l’inceste ou la zoophilie. Pour le scénariste anglais tous les humains, mutants ou non restent humains avec ce qu’il y a de meilleur ou de pire. Malgré un humour noir bienvenu, les situations et les émotions sont traitées sans cynisme par les auteurs. Alan Moore, Gene Ha et Zander Cannon ont créé un univers crédible et attachant ; un monde qui ne semble pas avoir de limites dans la démesure sans jamais tomber dans le grotesque ou la parodie.
L’un des grands talents de Moore est de faire intervenir des références, des archétypes ou des motifs haut plus qu’il intègre dans des histoires. Les oeuvres du Barde de Northampton restent politiques sans tomber dans la propagande, les protagonistes de ces histoires sont à la fois des personnages forts que l’on suit autant que les incarnations d’une partie de notre société dépeinte derrière l’illusion du genre. Comme souvent les allusions à des oeuvres classiques ou à l’âge d’or des comics, les propositions méta-textuelles abondent, la réflexion sur la forme et le fond ne quittent jamais le travail du scénariste de Big Number ; idem dans les cases de Gene Ha et Zander Cannon qui parsèment les décors de références cachées et de clins d’œil à leurs amis Superman, Spider-Man…
Comme souvent dans ses collaborations, Moore s’entoure d’artistes ayant une vision assez moderne et innovante du médium tout en cultivant un style qui rend hommage aux productions plus anciennes. Un travail double souvent accompagné par la couleur qui souligne cette idée.
Le style précis et réaliste de G.Ha donne une dimension réaliste et humanise terriblement les personnages. Les situations tragiques qui sont le lot de ces policiers ou les drames personnels qui parcourent leur histoire sont d’autant plus mis en avant par cette approche extrêmement détaillée et riche, mais qui reste lisible par les néophytes.
💡 (série complète) Pas de questions à se poser sur quoi lire sur ce titre, Urban comics vient de publier toute la série & associées en un monovolume.
❤ Lisez tout Alan Moore, le scénariste le plus récompensé au monde propose des histoires denses que l’on peut relire à l’infini et toujours trouver de nouvelles idées, de nouvelles émotions.
6. THE AUTHORITY
Entre 1999 et 2002, deux équipes de choc vont se succéder sur ce titre provocateur aux multiples censures avant son arrêt forcé par l’éditeur. Warren Ellis (qu’on a vu plus haut avec Transmetropolitan) & Bryan Hitch (le dessinateur de Ultimate Avengers) puis Mark Millar (Civil War) et Franck Quitely (Superman All★Star) vont inventer leur vision du Super-héros suite à la destruction d’une partie de la Terre. Conduit par Jenny Sparks, l’incarnation du XXe siècle, et épaulé par le couple des surpuissants Midnighter (version alternative de Batman) et son mari Apollo (version alternative de Superman) pour contrer les plus grandes menaces à bord de leur vaisseau conscient. Les héros se placent d’emblée dans un plan un peu supérieur aux aventures “classiques” des Avengers ou de la Ligue de Justice, les auteurs essaient de créer des enjeux qui dépassent les seules préoccupations terrestres, mais en recréant un climat d’intrigues et de conflits internes à l’équipe comme dans les meilleurs runs des X-Mens.
Comme pour Transmetropolitan, Ellis et ses compères explorent des thématiques assez noires, entre ultra-violence, drogue, sexualité et politique qui a conduit à la censure puis à l’arrêt du titre avant sa conclusion chez WildStorm/DC. Très visuelle à travers les dessins modernes et percutants de Bryan Hitch, on plonge avec excitation dans ce nouvel univers complet. Les personnages et les décors sont soignés dans les designs pour évoquer leurs références sans rien retirer de leurs personnalités à ces nouveaux héros. Très cinématographique dans son découpage et la manière de dessiner, le dessinateur anglais alterne entre stylisation et portraits réussis de personnalités pour donner corps à ses créations et ne lésine pas sur les détails pour densifier ses planches et laisser plus de place à l’image.
Ce qui est assez passionnant dans cette série, c’est qu’elle est connectée à deux autres de l’écurie WildStorm : Stormwatch et Planetary. Et Planetary compte parmi les plus réussies, avec son équipe encore plus atypique et ses quêtes “archéologiques”. Plusieurs récits autour de grands mystères dont un cross-over intrigant avec Batman où l’équipe le croise dans plusieurs dimensions et sous différentes versions.
💡 (série complète) Ces deux séries ont été republiées en intégrales augmentées (deux volumes chacune) chez Urban Comics que je vous recommande chaudement.
7. FABLES
Pendant plus de dix ans, entre 2002 et 2015, Bill Willingham accompagné par les dessinateurs Lan Medina & Mark Buckingham ont développé l’envers du décor des contes traditionnels, réutilisant les personnages des fables et des histoires du patrimoine commun. Planqués à NewYork ou Fabletown, en marge de notre monde qui garde quelques porosités le Grand Méchant Loup aka Bigby veille sur l’univers des fables aux côtés de Blanche-Neige, le Prince charmant, Jack (avec ou sans ses haricots), Barbe bleue, les Trois petits cochons, Pinocchio,… Un monde assez dur, une percée dans cet univers secret qui s’ouvre sur le meurtre de Rose, la soeur Blanche-Neige. Bigby se transforme en Sam Spade pour mener l’enquête. L’écriture et la mise en scène de Fables, ces contes re-visités appuie sur les non-dits, le double langage déjà présent dans ces fables universelles. Il y a un air de famille avec Sandman (Lire l’incontournable) sur l’écriture ultra-référencée, et la participation des artistes invités, sur ses couvertures et l’univers visuel qui inclue ces clins d’œil et easter egg.
Visuellement, c’est une série qui marque, pour ses réinterprétations dans le monde moderne de personnages classiques. Dynamique et séduisante, cette recréation des mythes avec un pas de côté est assez enchanteresse. L’artiste James Jean qui réalise les couvertures a également donné un ton particulier, onirique et mystérieux qui a fasciné les lecteurs et contribué au succès du comics. Au point que certaines couvertures sont devenues presque plus connues que la série elle-même sur le net.
Comme toute bonne fable, elle se raconte différemment selon les époques ou les lieux et Bill Willinghan décline son univers dans des hors-séries et un roman qui étoffent l’univers et ses personnages sans faire de redite.
💡(série complète) Complète mais en cours de réédition chez son éditeur français qui propose dix intégrales dont seulement la première est sortie, mais la suite arrive très vite (le T2 arrive début avril, le T3 en juillet…)
Dernière recommandation, pour cette série, si vous voulez chercher les volumes d’occasion méfiez-vous de la numérotation qui a changé entre les différentes éditions pour ne pas avoir de mauvaises surprises.
8. Y LE DERNIER HOMME
Toujours chez Vertigo, la même année que Fables, on assiste au lancement du récit post-apocalyptique de Brian K. Vaughan & Pia Guerra qui ne vont pas invoquer les zombies ou la bombe A mais un virus qui prive la Terre de tous les porteurs du chromosome Y, les mâles. Dans le dernier homme, Yorick, dernier homme connu devient la proie de plusieurs factions qui cherchent à le protéger/l’utiliser comme reproducteur/le supprimer/le disséquer… tandis que lui-même cherche la cause de cette épidémie et un sens à sa vie amoureuse. Très bon récit de SF, sous forme de road trip à travers la planète, qui se double d’une réflexion intéressante sur le genre et qui donne à la série un air très contemporain quinze ans plus tard.
Le style assez “classique” et épuré de Pia Guerra donne une ambiance proche des comics d’Archie ou des romances de Jack Kirby. Un côté “normal” là où on devrait être plus dans l’ambiance de l’armée des 12 singes que d’un soap. Ce trait sans fioriture, mis en valeur par un choix de couleur en aplat qui remplace les décors quand l’histoire se concentre sur les émotions des personnages, a permis à la série de toucher un large public et de conserver une identité forte et assez unique dans le maelström de série post-apocalyptique qui débarque chaque année.
La série met un peu de temps à décoller vraiment malgré son point de départ intrigant, mais cela vaut le coup de s’accrocher car la suite vaut le coup d’oeil, le scénariste nous emmène assez loin dans son idée, sans cliché, avec toujours une longueur d’avance. Très référencé et à plusieurs niveaux de lecture, c’est une série qui mérite de s’y attarder plusieurs fois pour en saisir le meilleur.
💡(série complète) Comme pour les autres intégrales mentionnées chez Urban, les cinq volumes contiennent des bonus, inédits …
❤ On ne peut pas tout mettre dans un dossier avec 10 essentiels, mais lisez Saga, sa dernière série, qui est incontestablement l’un des meilleurs comics du moment.
9. WALKING DEAD
En 2003, Walking Dead est la série qui allait réconcilier les fans de zombies et les amateurs de comics, qui ne cherchait pas la parodie ou le récit d’épouvante facile. Il y a bien entendu des scènes gores, trash, de la violence gratuite et de la baston, mais aussi pas mal de questions morales, d’histoires d’amour ou d’amitié, d’entraide et de trahison. Au fil des numéros, c’est un ensemble de dizaines et de dizaines de personnages qui évoluent dans cette ambiance de fin du monde Robert Kirkman, Tony Moore et Charlie Adlard ont recréé une comédie humaine là où les humains n’existent presque plus.
Le comics le plus populaire de cette dernière décennie a commencé de manière confidentielle et a mis quelque temps avant de devenir numéro un des ventes propulsant ses créateurs au rang de star —lisez Invincible (Lire le coup de cœur) du même scénariste ! Cette “histoire sans fin” (qui nous entraine sur les traces de Rick, ce héros un peu creux qui essaie de rester droit après l’apocalypse de l’humanité) brille par ses idées et s’est fait remarquer par sa facilité à sacrifier ses personnages principaux.
Les dessinateurs, Tony Moore puis Charlie Adlard ne sont pas en reste dans la construction de cet imaginaire qui est devenu le canon en matière de zombie. Inspirés par le travail de George A. Romero sur ses films, ils ont créé un monde crédible et humain même pour les personnages déshumanisés. Charlie Adlard concentre son trait sur ses personnages : sa technique en plans serrés avec une quasi-absence de décors sert au mieux les émotions des personnages. Il a un vrai talent pour rendre les personnages effrayants et dans cette série, il y a bien plus d’humains dangereux que de zombies…
On lit sur plusieurs sites et interviews que la série durera encore 3–4 ans, mais on ne sait pas. On est parti pour encore pas mal de volumes probablement…
💡(série en cours) Alors c’est assez délicat de vous conseiller ou ne pas vous conseiller toute la série, vu que tout cela se suit. Il y a des épisodes très bons, d’autres très chiants, mais l’histoire, les différents fils rouges se suivent donc assez difficile de sauter un ou plusieurs volumes.
Les premiers épisodes sont très bons et nous accrochent, à vous de voir si vous continuez (moi je fais une grosse pause depuis le T12)
10. KICK-ASS
En 2008, Mark Millar arrive avec le titre qui marque le début d’un nouveau genre, où les super-héros se font tout seuls par la seule force de leur volonté et où la violence est omniprésente. Nos héros sont des geeks qui parlent de comics et qui rêvent de devenir des justiciers masqués au point que Dave, un jeune garçon de seize ans enfile une combinaison de plongée en guise de costume et sort combattre le crime avant de se faire tabasser et de finir à l’hôpital. De cette première expérience, il en retirera une aptitude à ne pas sentir les coups, ce qui ne le protège pas, mais qui lui permet de foncer dans le tas. Il va rencontrer un duo étrange : un père et sa fille qui ont la même idée, mais plus d’entrainement. Cette remise en perspective de ce que pourrait être un super-héros dans le monde réel est assez jouissive quand on aime les comics : tous ces héros costumés ne sont que des tarés audacieux, qui essaient de rendre leur idée de la justice sans se soucier des dommages collatéraux.
John Romita Jr, l’un des dessinateurs emblématiques de Spider-Man (Lire l’incontournable) entre autres, donne corps à cette réinterprétation du super-héros. Son trait facilement identifiable avec ses mains et mâchoires très carrées, ses héros baraqués sans dévoiler leur musculature et surtout ses hachures qui donnent une épaisseur et un côté un peu bestial à ses héros. La mise en scène de la force brute sert assez bien cette nouvelle série où les personnages principaux ont l’air assez fragiles avec cet ado un peu fin et la très jeune fille de 10 ans.
La sortie du comics et du film au même moment a fait de Kick-Ass un énorme carton dès sa sortie. Mais pas que, la manière qu’ont eu les auteurs d’ancrer le personnage et ses interrogations dans l’imaginaire de notre époque avec ses codes et ses références ont fait de cette série une référence en quelques numéros.
💡(série terminée ) Disponible en trois intégrales plus un hors-série sur Hit-Girl, je vous conseille surtout le premier volume qui forme un tout cohérent. Indispensable, la suite un peu moins sauf si vous êtes accro à l’univers…
Thomas Mourier le 19/10/2021
1. SIN CITY de Frank Miller
2. HELLBOY de Mike Mignola
3. PREACHER de Garth Ennis & Steve Dillon
4. TRANSMETROPOLITAN de Warren Ellis & Darick Robertson
5. TOP10 d’Alan Moore
6. THE AUTHORITY de Warren Ellis & Bryan Hitch
7. FABLES de Bill Willingham, Lan Medina & Mark Buckingham
8. Y LE DERNIER HOMME de Brian K. Vaughan & Pia Guerra
9. WALKING DEAD de Robert Kirkman, Tony Moore & Charlie Adlard
10. KICK-ASS de Mark Millar & John Romita Jr
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