L'AUTRE QUOTIDIEN

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Jean-Luc Verna s’expose : "Vous n'êtes pas un peu beaucoup maquillé ? - Non."

Fort en gueule et fort en thème, c’est Jean-Luc Verna qui expose ses oiseaux petits et grands à Romainville chez Air de Paris. On n’ira pas par quatre chemins, c’est très bien. Dans le paysage depuis 30 ans, il prépare son second spectacle de danse et un album électro. L’art c’est trop? Non, pas vraiment… la vie quoi.

Jean-Luc Verna, "Smile 3", 2020. Transfert sur papier ancien rehaussé de crayon, fard, maquillage et pastel sec, 28,9 x 28 cm. Unique © Photo DR. Courtesy the artist and Air de Paris, Romainville.


Il en est des oiseaux dessinés par Verna comme des oiseaux narrés par Aristote dans son Histoire des animaux : ils émergent d’autant de récits d’observation dont on ne peut déterminer la véracité, mais que l’on ne saurait pour autant mettre en doute. On ne saurait donc s’en tenir au fait que « les oiseaux sont des cons » (Chaval). Si le philosophe grec nous apprend que « chez les aigles qui vieillissent, le bec s’accroît, la partie se recourbant toujours davantage, et au bout du compte, ils meurent de faim » (IX, 32, 15), l’artiste tatoué nous apprend qu’il est des oiseaux qui volent à rebrousse-poil (Mal monté, 2020), à pic (Because the Night, 2020), qu’au moins une espèce de gallinacées n’a pas de crête, mais des perles à la place (Dernier Cri II, 2020). D’autres oiseaux volent la tête coupée (Head Cut, 2020). À moins encore qu’ils ne se dédoublent, et ce de bien des façons, selon le point de vue depuis lequel on les regarde (This Corrosion, 2020), ou par divers effets de gémellité (Bollock Brothers et Eve White, Eve Black, 2020). Quoi qu’il en soit, ils ne sont jamais trop maquillés.

Jean-Luc Verna, "Dernier cri II", 2020. Crayon et fards sur papier taupe, 28,3 x 22,2 cm. Unique © Photo DR. Courtesy the artist and Air de Paris, Romainville.

Depuis quelques années l’on peut s’émerveiller de l’apparition d’oiseaux dans les dessins de Jean-Luc Verna. Loin d’avoir quitté le royaume de l’artifice dont on le sait coutumier, ces derniers dessins révèlent que sa pratique est portée par l’analogie de l’art et du vivant, selon laquelle l’art emprunte au vivant ses formes, ou, tout du moins, aux représentations plus ou moins scientifiques qu’il est possible d’en avoir. Le vivant est ici, il faut bien dire, plus proche de celui décrit par la pensée mythique que celui établi par la pensée classificatoire, entre lesquelles Aristote oscille. Peut-être même est-ce l’univers de Verna qui prend forme volatile et forme de volatile. Les animaux à plumes sont autant une réserve de formes dans lesquelles il puise que le réceptacle de ses obsessions et de sa propre mythologie. On retrouvera d’ailleurs également, dans cette nouvelle exposition chez Air de Paris de l’artiste, des dessins accolant des titres tirés de son Panthéon musical (Siouxsie and the Banshees, Bauhaus, Sisters of Mercy, etc.) à des paysages, formant autant de pochettes de disque, milieux sans oiseaux, alors qu’il en dessine hors de tout contexte. Et aussi des têtes de clowns, ultime espèce que ne saurait manquer son œil de naturaliste. Et enfin un immense rideau de scène qu’il s’agira de traverser pour accéder à l’espace d’exposition, métaphore de la traversée du regard auquel il nous invite. Car il en va de nous autres, spectateurs de dessins de la grande Verna, comme des petits de l’hirondelle : « si on leur crève les yeux quand ils sont encore jeunes, ils deviennent sains et voient par la suite » (VI, 5, 15).

Vincent Romagny le 12/01/2021
Jean-Luc Verna - "Vous n'êtes pas un peu beaucoup maquillé ? - Non."

Air de Paris, 43 rue de la Commune de Paris 93230 Romainville

En savoir plus sur Jean-Lux Verna ici

Jean-Luc Verna, "Tu peux crever", 2020. Crayons et fards sur papier ancien, 32, 1 x 27 cm. Unique © Photo DR. Courtesy the artist and Air de Paris, Romainville.